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Willy Brandt
par Hélène Miard-Delacroix - Paris, Fayard, 2013, 350 p.
Willy Brandt, premier chancelier allemand social-démocrate (1969- 1974), est connu pour deux faits historiques majeurs : un fait symbolique d’abord, avec son geste mémorable d’agenouillement au mémorial du ghetto de Varsovie le 7 décembre 1970, une stratégie visionnaire en matière diplomatique ensuite, avec la mise en place de l’« Ostpolitik » à destination de la République démocratique allemande (RDA) à partir de 1969, en rupture avec la dogmatique « doctrine Hallstein » pratiquée jadis par Konrad Adenauer.
Toutefois, la lecture de la biographie de Willy Brandt, né Herbert Frahm (1913-1992) dans un quartier ouvrier de Lübeck, apparaît indispensable non seulement pour comprendre le parcours tumultueux du « paria norvégien », déchu de sa nationalité allemande en 1938, exilé pendant douze ans en Scandinavie, maire de Berlin en 1957, chancelier en 1969, jusqu’à la reconnaissance internationale avec la réception du prix Nobel de la paix (1972), mais surtout pour mieux appréhender l’évolution des deux Allemagne de la guerre froide. Hélene Miard-Delacroix, historienne germaniste de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puise à l’envi dans sa large connaissance de la relation franco-allemande et donne une réelle profondeur historique à la narration de la vie d’un homme qui se voyait en « Kennedy allemand » (p. 202). Pour l’anecdote, c’est W. Brandt qui aurait soufflé à John F. Kennedy, le 25 juin 1963, de « s’adresser à la fierté des Berlinois [et de] donner de l’importance à la dimension humaine » (p. 111) lors de son discours du lendemain, « Ich bin ein Berliner », sur le balcon de l’hôtel de ville de Schöneberg. Son tropisme atlantiste prononcé lui vaudra d’ailleurs le surnom d’« homme des États-Unis » au Quai d’Orsay, ainsi que des divergences marquées avec François Mitterrand.
Face à l’arrivée du nazisme, W. Brandt fait le choix – qui lui sera maintes fois reproché durant sa carrière politique – de s’exiler en 1933 en Norvège, pays duquel il apprend rapidement la langue, acquiert la nationalité et où il connaît « ses années les plus heureuses (p. 30) ». Journaliste prolifique au visage buriné, le jeune homme est bon vivant, séducteur et amateur de boissons alcoolisées. Il le restera toute sa carrière. Farouche opposant au régime nazi, dont il ne reconnaît pas la légalité, il milite sans relâche depuis Oslo au sein du mouvement ; ouvrier, se rend en Espagne durant la guerre civile et considère l’Union soviétique comme une « force réactionnaire de premier plan, en plus de Hitler » (p. 46). Apres avoir publié un livre polémique intitulé Criminels et autres allemands en 1946, c’est sous la nationalité et l’uniforme norvégiens que W. Brandt intègre la mission militaire à l’ambassade de Norvège a
Berlin en 1946, préférant ce poste à celui de chargé de communication à l’ambassade de Norvège à Paris, afin de se rapprocher de la scène politique berlinoise. Et l’auteur de détailler l’ascension graduelle du futur chancelier au sein du parti social-démocrate (SPD) à partir de 1948, date à laquelle il recouvre sa nationalité allemande.
L’ouvrage présente l’intérêt d’insister sur une période moins connue de la carrière de W. Brandt, à savoir son passage à la mairie de Berlin (1957- 1966), ou sa méthode de « politique de petits pas » à la Jean Monnet se dessine progressivement et ses convictions de « changement par le rapprochement » à destination de la RDA commencent à émerger, avant d’alimenter la « politique vers l’Est » à partir de 1969.
À travers le parcours de l’homme providentiel de la gauche allemande d’après-guerre, c’est bien une ambitieuse analyse d’un pays traumatisé par les séquelles du régime nazi et déchiré « par la ligne du front » de la guerre froide (p. 110) à laquelle se livre H. Miard-Delacroix. Selon elle, beaucoup d’Allemands ont vu en W. Brandt ce qu’ils auraient peut-être préféré être au cours du XXe siècle. Comme l’ont montré les célébrations nationales du centenaire de sa naissance le 18 décembre 2013, l’héritage laissé par l’ancien chancelier décédé en 1992, quelque temps après la réunification allemande, dépasse largement le camp social-démocrate. Retracer la vie de W. Brandt permet, ainsi, de donner au lecteur des clés de lecture précieuses pour comprendre l’Allemagne d’aujourd’hui, et de demain.
Toutefois, la lecture de la biographie de Willy Brandt, né Herbert Frahm (1913-1992) dans un quartier ouvrier de Lübeck, apparaît indispensable non seulement pour comprendre le parcours tumultueux du « paria norvégien », déchu de sa nationalité allemande en 1938, exilé pendant douze ans en Scandinavie, maire de Berlin en 1957, chancelier en 1969, jusqu’à la reconnaissance internationale avec la réception du prix Nobel de la paix (1972), mais surtout pour mieux appréhender l’évolution des deux Allemagne de la guerre froide. Hélene Miard-Delacroix, historienne germaniste de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puise à l’envi dans sa large connaissance de la relation franco-allemande et donne une réelle profondeur historique à la narration de la vie d’un homme qui se voyait en « Kennedy allemand » (p. 202). Pour l’anecdote, c’est W. Brandt qui aurait soufflé à John F. Kennedy, le 25 juin 1963, de « s’adresser à la fierté des Berlinois [et de] donner de l’importance à la dimension humaine » (p. 111) lors de son discours du lendemain, « Ich bin ein Berliner », sur le balcon de l’hôtel de ville de Schöneberg. Son tropisme atlantiste prononcé lui vaudra d’ailleurs le surnom d’« homme des États-Unis » au Quai d’Orsay, ainsi que des divergences marquées avec François Mitterrand.
Face à l’arrivée du nazisme, W. Brandt fait le choix – qui lui sera maintes fois reproché durant sa carrière politique – de s’exiler en 1933 en Norvège, pays duquel il apprend rapidement la langue, acquiert la nationalité et où il connaît « ses années les plus heureuses (p. 30) ». Journaliste prolifique au visage buriné, le jeune homme est bon vivant, séducteur et amateur de boissons alcoolisées. Il le restera toute sa carrière. Farouche opposant au régime nazi, dont il ne reconnaît pas la légalité, il milite sans relâche depuis Oslo au sein du mouvement ; ouvrier, se rend en Espagne durant la guerre civile et considère l’Union soviétique comme une « force réactionnaire de premier plan, en plus de Hitler » (p. 46). Apres avoir publié un livre polémique intitulé Criminels et autres allemands en 1946, c’est sous la nationalité et l’uniforme norvégiens que W. Brandt intègre la mission militaire à l’ambassade de Norvège a
Berlin en 1946, préférant ce poste à celui de chargé de communication à l’ambassade de Norvège à Paris, afin de se rapprocher de la scène politique berlinoise. Et l’auteur de détailler l’ascension graduelle du futur chancelier au sein du parti social-démocrate (SPD) à partir de 1948, date à laquelle il recouvre sa nationalité allemande.
L’ouvrage présente l’intérêt d’insister sur une période moins connue de la carrière de W. Brandt, à savoir son passage à la mairie de Berlin (1957- 1966), ou sa méthode de « politique de petits pas » à la Jean Monnet se dessine progressivement et ses convictions de « changement par le rapprochement » à destination de la RDA commencent à émerger, avant d’alimenter la « politique vers l’Est » à partir de 1969.
À travers le parcours de l’homme providentiel de la gauche allemande d’après-guerre, c’est bien une ambitieuse analyse d’un pays traumatisé par les séquelles du régime nazi et déchiré « par la ligne du front » de la guerre froide (p. 110) à laquelle se livre H. Miard-Delacroix. Selon elle, beaucoup d’Allemands ont vu en W. Brandt ce qu’ils auraient peut-être préféré être au cours du XXe siècle. Comme l’ont montré les célébrations nationales du centenaire de sa naissance le 18 décembre 2013, l’héritage laissé par l’ancien chancelier décédé en 1992, quelque temps après la réunification allemande, dépasse largement le camp social-démocrate. Retracer la vie de W. Brandt permet, ainsi, de donner au lecteur des clés de lecture précieuses pour comprendre l’Allemagne d’aujourd’hui, et de demain.