Vivre autrement
Corinne Lepage Paris, Grasset, 2009, 165 p.
« Nous avons une chance historique. Inventer, sous la contrainte de la crise actuelle, un modèle de développement qui soit compatible avec le monde fini, nos besoins et notre survie. Allons-nous la manquer ? »
Avocate et ancien ministre de l’Environnement, Corinne Lepage est devenue une référence concernant la question du lien entre l’économie et l’écologie. C’est dans le contexte actuel de crises économique, sociale, énergétique, écologique, alimentaire, et idéologique, qu’elle a saisi l’opportunité de proposer une réponse à ces différentes impasses par le biais de son essai Vivre autrement. Pour l’auteur, la période actuelle est stratégique et rare car elle permet aux citoyens de choisir entre une sortie de crise évolutive ou un effondrement de nos sociétés. Pourtant, si cet ouvrage semble opportun il est loin d’être une imposture et se veut une réelle analyse des changements de paradigmes induits par les crises que nous traversons.
Au concept de développement durable, C. Lepage préfère celui d’évolution soutenable, un nouveau modèle de développement économique qui permet de répondre de façon globale aux différentes crises. L’évolution soutenable sort de la dichotomie croissance-décroissance grâce à l’économie écologique. Celle-ci est basée sur une richesse qui s’évalue non plus en flux mais en patrimoine global et collectif, sur un système financier reformulé et sur une véritable reconversion industrielle. Alors qu’avec le développement durable « La nature est monétarisée de manière à être internalisée et la question énergétique devient un élément moteur de la croissance », l’économie écologique suppose que « Les contraintes naturelles deviennent le système et l’économie devient le sous-système, celui qui doit s’adapter ». Les deux concepts ne sont pas antagonistes, bien au contraire, le développement durable est le premier stade devant permettre de passer à l’économie écologique.
On peut regretter la superposition de concepts alors même que celui de développement durable commence juste à intégrer les moeurs. Toutefois, l’apparition de nouveaux concepts est la condition de l’évolution.
Pour C. Lepage, la sortie des crises et l’équité intergénérationnelle supposent la mise en œuvre d’une société de transition. L’auteur s’efforce de démontrer l’existence de solutions durables et concrètes qui rendent possible une évolution dans de nombreux aspects de notre quotidien, tels que le comportement énergétique, la production, l’agriculture, la consommation, l’habitat, l’urbanisme, les transports, la santé, l’éducation, le travail, la finance et la solidarité. Elle s’appuie sur des exemples d’innovations d’entreprises ayant entamé leur processus de transition. L’auteur souligne l’importance d’un niveau mondial de mise en œuvre de la société de transition et préconise pour y parvenir, une nouvelle organisation mondiale basée sur le rôle accru de la gouvernance mondiale.
Face aux crises, les réactions s’enchaînent. Encore faut-il que cet enchaînement soit constructif. « De la panique à la peur, de la peur à la prévention, de la prévention à la construction. » L’ouvrage de C. Lepage propose de construire. En évitant de dénoncer ou de culpabiliser, elle refuse d’instrumentaliser la peur à des fins politiques. En soulignant le caractère systémique de ces crises, elle propose une issue de secours empreinte d’un optimisme séduisant.
Cet essai est court et destiné au grand public, aux dépens d’une analyse que l’on aimerait plus approfondie. Il est pourtant bien documenté ce qui vient soutenir la crédibilité de l'exposé. Le style est particulièrement optimiste, mais il est cependant loin de l’utopique. Il n’en reste pas moins que ce type d’ouvrage répond à une demande réelle de propositions et de solutions pour sortir de ces crises. Enfin, Vivre autrement fait face à la morosité ambiante et cela suffirait presque à en encourager la lecture.