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URSS : histoire du pouvoir (2 tomes : « Quarante ans d’après-guerre, « Le Retour de l’aigle bicéphale »)
Rudolf G.Prikhoia Canada, éditions Kéruss, 2007
Dix sept ans après sa disparition, l'Union soviétique continue de susciter l'intérêt du milieu académique ainsi que du grand public. Des auteurs comme Nicholas Riasanovsky, Nicolas Werth, Hélène Carrère d'Encausse, Georges Nivat ont consacré de nombreux ouvrages à l'histoire de l'URSS dans le but d'apporter un éclairage sur ses origines, sa grandeur et sa décadence. L'historien russe Rudolf G. Prikhoia, dont l'ouvrage a comme objet d'étude le pouvoir en URSS, se situe dans la prolongation de ces efforts.
Structuré en deux volumes, ce livre suit étape par étape la consolidation du pouvoir soviétique incarné par le Parti communiste de 1945 jusqu'à 1991. Cependant l'auteur va plus loin, identifiant et mettant en valeur les « moteurs humains » du pouvoir et les représentants de la nomenclature communiste. De cette manière, il brise la perception de monolithe du Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS), en révélant les disputes internes et les rapports de forces existants en son sein.
Par rapport aux autres soviétologues, Rudolf G. Prikhoia se trouve dans une position « privilégiée »car il a « eu la chance » de diriger le service d'archives d'État de la Russie post-soviétique de 1990 à 1996. Ainsi, il présente des informations inédites sur des événements passés sous silence par le PCUS ou complète ce qui est déjà connu, mais d'une manière partielle. Par conséquent, on trouve beaucoup de citations dans l'ouvrage, « depuis les conversations de table de Staline à sa maison de campagne [...] ou encore les interventions publiques de Khrouchtchev, jusqu'aux sténogrammes, jusqu'à tout récemment encore secrets des séances de la direction supérieure du Parti lorsque Khrouchtchev fut démis de ses fonctions, lorsque fut examiné le problème de l'envoi de troupes en Tchécoslovaquie, ou encore lorsque Gorbatchev se disputait avec Gromyko sur la question du développement futur du pays » (tome 1, Avant-propos, p. XII).
La contribution de l'auteur ne consiste pas seulement à nous faire « entendre » Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andropov et les autres « dont les opinions ont déterminé le destin des millions de gens » (tome 1, Avant-propos, p. XII). Il présente également des événements clés auxquels il a personnellement participé, comme l'assaut des forces militaires aux ordres de l'aile conservatrice du PCUS sur le bâtiment du Soviet suprême en août 1991, pendant lequel il s'est trouvé à côté du futur président de la Russie, Boris Eltsine.
R. Prikhoia adopte donc une triple perspective : celle de l'historien, de l'acteur et de l'analyste.
Chaque document et événement sont accompagnés par les commentaires de l'auteur qui les présente de manière cartésienne à cause de ses doutes sur des « vérités » déjà enracinées dans le mental collectif. Par exemple, il a des doutes à propos du putsch de 19 août 1991 connu comme « l'œuvre » des forces conservatrices du PCUS opposées au réformateur Gorbatchev. Au contraire, l'auteur adhère plutôt à la position exprimée par le Financial Times du 22 août 1991 selon laquelle « tout cet étrange coup d'État n'ait été qu'un acte d'une pièce mûrement réfléchie au théâtre... dont l'auteur du scénario pourrait être Gorbatchev » (tome 2, p. 428).
Ainsi, cet ouvrage complète les études déjà consacrées à l'histoire et à l'évolution de l'URSS ; il éclaire sur des faits historiques et invite à la réflexion.