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Un privilège exorbitant. Le déclin du dollar et l’avenir du système monétaire international
Barry Eichengreen Paris, Odile Jacob, 2011, 280 p.
Si le rôle du dollar et l’avenir du Système monétaire international (SMI) sont des sujets de plus en plus évoqués depuis quelques années, rares sont ceux qui nous livrent les outils d’analyse pour les comprendre. En spécialiste des questions monétaires, Barry Eichengreen, professeur d’économie à Berkeley et ancien conseiller au Fonds monétaire international (FMI), s’y est attaché dans un ouvrage concis, à la fois dense et accessible.
De la création de la Réserve fédérale des États-Unis (FED) en 1913 à la crise des subprimes, en passant par le déclin de la livre sterling et le long cheminement aboutissant à la création de l’euro, l’auteur nous propose un large retour historique destiné à analyser les processus menant à la domination sans partage du dollar après la Seconde Guerre mondiale, ce fameux privilège exorbitant permettant le « déficit sans larmes » dont parlait Jacques Rueff. Confrontés dès lors au dilemme de Triffin - à savoir la contradiction d’un système dans lequel les États-Unis devaient sans cesse fournir une quantité quasi illimitée de dollars alors que celui-ci était convertible en un prix fixe en or - les Américains en sont logiquement venus à la décision unilatérale d’abandon de l’étalon de change-or en 1971, date clé préfigurant la nature du SMI actuel.
La politique monétaire de la FED a progressivement conduit à gonfler toujours plus la masse monétaire de dollars en circulation pour répondre à l’augmentation des échanges internationaux. Selon l’auteur, « si les failles de la réglementation servirent d’étincelles » (p. 145), c’est bien la FED qui, en baissant ses taux à partir de 2002 et en jetant des liquidités sur le feu, a « alimenté l’incendie » (p. 145). Le privilège exorbitant du dollar est bien à la genèse de la crise.
L’ensemble de ces analyses conduit à la partie finale de l’ouvrage consacrée à l’avenir du dollar et du SMI. L’histoire donne quelques leçons dont il faut se souvenir. L’auteur, rappelant comment le dollar détrôna la livre sterling dans les années 1920, dresse un parallèle en forme d’avertissement avec la situation financière actuelle des États-Unis et les efforts chinois pour faire de Shanghai une place financière internationale.
Le déclin du dollar ne fait aucun doute pour B. Eichengreen, mais celui-ci sera somme toute relatif, faute de concurrents sérieux ; en effet, ni l’euro, ni le renminbi (nom officiel du yuan), ni les droits de tirage spéciaux du FMI ne sont en mesure de prendre la place de la monnaie américaine qui « demeurera le primus inter pares » (p. 196) parmi d’autres monnaies internationales. Néanmoins, un monde devenu multipolaire engendrera un SMI multipolaire, avec un déclin vraisemblablement graduel de la monnaie américaine.
Cependant, l’auteur n’exclut pas l’hypothèse d’un krach soudain de celle-ci et en examine les différents scénarios. Selon lui, un conflit géopolitique entre la Chine et les États-Unis ou une panique sur les marchés devenus hors de contrôle ne sont pas des facteurs possibles d’un effondrement de la monnaie de l’oncle Sam. En revanche, les problèmes économiques américains et le déficit budgétaire chronique constituent la menace la plus sérieuse. En effet, « le système actuel ne peut demeurer inchangé » (p. 214), car viendra « un moment où les investisseurs verront dans ce comportement une pyramide de Ponzi[1], ce qu’il est bel et bien » (p. 213) et « alors, tout peut arriver » (p. 229).
Cependant, l’auteur n’exclut pas l’hypothèse d’un krach soudain de celle-ci et en examine les différents scénarios. Selon lui, un conflit géopolitique entre la Chine et les États-Unis ou une panique sur les marchés devenus hors de contrôle ne sont pas des facteurs possibles d’un effondrement de la monnaie de l’oncle Sam. En revanche, les problèmes économiques américains et le déficit budgétaire chronique constituent la menace la plus sérieuse. En effet, « le système actuel ne peut demeurer inchangé » (p. 214), car viendra « un moment où les investisseurs verront dans ce comportement une pyramide de Ponzi[1], ce qu’il est bel et bien » (p. 213) et « alors, tout peut arriver » (p. 229).
Bien que B. Eichengreen évacue un peu rapidement certaines interrogations – comment réduire les déficits ? Comment se passer progressivement des « 1 000 milliards de dollars » (p. 219) par an accordé par le privilège exorbitant ? Quid du rôle monétaire de l’or ? – cet ouvrage important constitue une preuve supplémentaire que la question monétaire est aujourd’hui l’un des enjeux majeurs de notre temps.
[1] Montage financier frauduleux consistant à rémunérer les investissements effectués par les clients, essentiellement au moyen des fonds procurés par les nouveaux entrants.