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Un monde sans Europe ?
Philippe Esper (dir.) Paris, Fayard, 2011, 260 p.
Alors que l’Union européenne (UE) fait quotidiennement la une de la presse nationale depuis plusieurs mois concernant les enjeux liés à la gouvernance économique de la zone euro, Un monde sans Europe s’intéresse à un autre aspect de l’UE, celui de ses relations extérieures. Ouvrage collectif, cette étude du Conseil économique de la défense (CED) est la conclusion d’une année de travaux consacrés au thème « Nouvelles menaces, nouvelles puissances : quels enjeux, et, éventuellement, quelles opportunités pour la France et l’Europe face à un monde en mutation ? ». Il se place dans la continuité de deux ouvrages, Défendre la France et l'Europe (Perrin, 2007) et Eurodéfense, pour une relance d'une Europe de la défense (Unicomm, 2009).
L’ouvrage s’ouvre sur la liste des menaces et des risques pesant sur l’Europe, et prend acte de son déclassement face aux puissances émergentes telles que l’Inde et la Chine. Toutefois, si les enjeux économiques sont évoqués, les questions stratégiques et géopolitiques, notamment en matière de défense, sont privilégiées. Ainsi, sont examinées dans une première partie les menaces auxquelles l’Europe fait face : prolifération nucléaire, cybercriminalité, terrorisme, blanchiment d’argent, gestion des grandes migrations à venir, risques technologiques, conflits asymétriques… Cette identification des menaces et des faibles réponses apportées par l’UE conduit donc le CED à dresser un constat sévère, celui de la division politique et de l'incapacité de l'UE à présenter un positionnement unifié par rapport à de tels enjeux : « jamais, depuis soixante ans, les pays européens n’ont réussi à se présenter comme un ensemble ordonné dont le poids politique égale la somme des revenus nationaux des pays qui la composent » (p. 212).
La force de l’ouvrage consiste cependant à dépasser ce constat et à proposer des solutions visant l’affirmation d’une Europe-puissance sur la scène internationale, qui ne se cantonnerait pas dans un soft power auquel les États-Unis et les puissances émergentes la réduisent de plus en plus souvent, notamment en raison de sa capacité à prescrire des normes, par exemple en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent ou la cybercriminalité.
Les auteurs invitent donc à une intégration politique européenne plus profonde, incitant les « quelques pays qui le peuvent et qui le veulent » (p. 213) à approfondir leur collaboration, afin que l’UE ne se limite pas à un espace économique intégré (union économique et monétaire) mais puisse véritablement être en mesure de se saisir de questions géostratégiques. En effet, en la matière, aucun des États membres n’est aujourd’hui en mesure de compter sur ses seules forces nationales. Ainsi, l’importance d’une base industrielle large et forte concernant les industries de souveraineté est soulignée à plusieurs reprises par les auteurs comme condition sine qua non à la crédibilité d’une véritable politique internationale, ce qui implique la mise en œuvre d’une véritable politique cohérente et solidaire, en particulier dans des secteurs tels que ceux de la défense, de l’aéronautique ou de l’énergie.
Un monde sans Europe ? Volontairement dramatique, la question place les Européens devant leurs responsabilités, tout en leur proposant plusieurs pistes de travail opérationnelles.