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Théories et concepts de l’intégration européenne
Sabine Saurugger Paris, Presses de Sciences Po, 2009, 483 p.
Quel est le fondement de l’intégration européenne ? Comment expliquer la coopération entre États et la manière dont celle-ci fonctionne ? Les études sur le sujet sont nombreuses, et plusieurs concluent que l’Union européenne est un objet politique non identifié, et que l’intégration européenne est dès lors de nature sui generis. Cette explication ne convainc pas Sabine Sauruger, professeur à l’IEP de Grenoble, qui fait avec cet ouvrage le pari de « normaliser » les études européennes. Pour l’auteur, l’étude de l’intégration européenne au travers des différentes disciplines de la science politique permet de fournir une base théorique à celle-ci. Par une présentation pédagogique, l’ouvrage répond d’abord à la question des raisons pour lesquelles les États acceptent d’intégrer un ensemble régional tel que l’Union européenne, et ainsi d’abandonner une partie de leur souveraineté. Fonctionnalisme, néofonctionnalisme, intergouvernementalisme et fédéralisme fournissent une explication dont l’auteur présente à la fois les atouts et les faiblesses. Une deuxième partie s’intéresse d’avantage aux cadres conceptuels et à la manière dont se construit l’intégration européenne. Ici aussi, constructivisme, institutionnalisme, gouvernance, européanisation, transfert de politiques publiques ou encore sociologie de l’intégration européenne fournissent des explications concurrentes ou complémentaires, sans fournir une base globale d’analyse. Un troisième axe de recherche, que les courants présentés dans les deux premières parties oublient trop souvent selon l’auteur, est le recours aux relations internationales pour expliquer l’intégration européenne, qu’il s’agisse des sociologies des relations internationales ou des approches d’intégration comparée, domaines dans lesquels aux yeux de l’auteur de nombreuses et fructueuses recherches portant sur l’intégration européenne pourraient encore être réalisées.
Ce qui séduit immédiatement dans cet ouvrage, c’est l’approche globale et pédagogique de l’analyse. Enfin un ouvrage propose une vision panoramique des théories et concepts de l’intégration européenne, les compare entre eux, présente leurs forces et limites. Accessoirement, cette analyse complète permet au chercheur ou à l’étudiant d’identifier les axes d’analyse qui lui sembleraient les plus pertinents afin de pousser plus loin la recherche des fondements de l’intégration européenne. Du fait du nombre important de domaines analysés, la présentation de chacun en quelques pages laisse parfois le lecteur sur sa faim mais le but de l’ouvrage n’est pas encyclopédique et les nombreuses références permettent d’aller plus avant. Le livre gagne ainsi en clarté, ce qui est essentiel afin de présenter des théories et concepts dont le lecteur n’est pas spécialiste. Il n’existe qu’une seule limite à cet excellent ouvrage : l’auteur, dès les premières pages, évacue en quelques mots les analyses sui generis de l’intégration européenne, sans en présenter les principaux « courants » et donc sans non plus les intégrer dans son analyse critique. Jamais ensuite elle ne revient donc sur ceux-ci et sur leur pertinence. Certes, ce n’est probablement pas l’objet de l’ouvrage, mais on a ainsi du mal à faire le lien, qui pourtant semble évident, entre les théories et concepts décrits ici et, par exemple, la notion de fédération d’États nations défendue par Jacques Delors. La conclusion est déroutante. Alors qu’on cherche « la » vérité, le domaine d’analyse qui sera le plus adapté pour étudier l’intégration européenne, et que l’auteur défendrait avec ferveur, celle-ci conclut que ces théories et concepts ne sont non pas concurrents mais complémentaires. Il serait donc essentiel que tout chercheur travaillant sur l’intégration européenne se familiarise avec chacune de ces théories et chacun de ces concepts et les intègre à sa propre discipline. Cela constitue un sérieux challenge, mais il faut reconnaître que la démonstration de Sabine Saurugger est convaincante. Et cet ouvrage est indubitablement le premier pas qui permettra même au profane de connaître chacune des composantes de l’analyse de l’intégration européenne et ainsi d’enrichir par ce pluralisme méthodologique sa propre analyse de l’intégration européenne.