See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Terrorisme : regards croisés dans l’après 11 septembre
Mourad Chabbi, Taoufik Bourgou (dir.) Paris, lHarmattan, 2011, 190 p.
Issu d'une collaboration entre chercheurs et enseignants rattachés au CLESID (Centre lyonnais d'étude de sécurité internationale et défense), cet ouvrage présente un état des lieux – en trois parties et deux cas d’études – du phénomène terroriste, dix ans après les attentats du 11 septembre. Il analyse notamment le retentissement de cet événement sur la scène internationale et les transformations qu’il a engendrées.
L'introduction est notamment constituée d’un témoignage de Léo Michel, exposant la politique américaine post-11 septembre. Selon lui, la réponse militaire à Al-Qaïda et au régime taliban était nécessaire et juste. Il souligne l'effort déployé par les États-Unis en matière de communication politique. Il insiste sur le fait que la diplomatie, les politiques de défense et le développement sont les principaux outils permettant de contrer l'endoctrinement et la radicalisation de populations fragilisées.
Dans une première partie, Taoufik Bourgou se penche sur les concepts de risques géopolitiques, sociologie des risques et sur les cyndiniques (sciences du danger). Il traite de l'anticipation d'événements semblables au 11 septembre, dont l'ampleur est telle qu'elle pose la question de l’élaboration d’une nouvelle grille d'analyse. Il s’agirait d’une initiative méthodologique inédite où l'on passerait du changement de paradigmes à une méta-discipline, le terrorisme globalisé engendrant la mise en commun des savoirs. Il apporte ainsi des éléments explicatifs au phénomène terroriste.
Pour bien parler du terrorisme, il faut le définir, ce à quoi s'emploie David Cumin dans une deuxième partie. Il le délimite, en le positionnant par rapport à une série de concepts étudiés dans leur dualité (paix/guerre, actes d'État/actes d'individus, etc.), puis l'identifie par le bais de certains critères de la polémologie (association clandestine, intention politique, usage délibéré de la violence armée, etc.) et enfin le définit à travers les concepts du droit du conflit armé. Il conclut sur la modalité d'action comme critère objectif permettant une définition universelle du phénomène, contrairement à la cause, ou la représentativité, davantage subjectives. Par conséquent, « est terroriste, l'acte politique de violence armée, perpétré d'une manière à la fois clandestine et publicitaire, en temps de paix, contre toute personne inoffensive ou tout bien mettant en danger la vie ou la santé de personnes inoffensives » (p. 16).
Dans une troisième partie, Florin Udrescu aborde la question de la légitimité de la violence jihadiste. Sa réflexion porte sur la propagation de l'idéologie, et met en évidence l'intérêt et l'importance du discours dans le processus d'adhésion à celle-ci et dans la radicalisation des recrues. Ainsi, à travers les procédés rhétoriques utilisés dans les vidéos de propagande diffusées sur internet, le discours permet de légitimer la violence. Au cœur de cette vision : le concept phare de la mémoire collective religieuse comme outil détourné permettant de véhiculer une lecture unique du jihad, et incitant à l'engagement dans la filière terroriste.
Deux cas illustrent ensuite ces propos. Emmanuel Vianes étudie le cas bosniaque, en traitant des tentatives – vaine – de différents acteurs, internationaux et locaux, de diffusion de l’idéologie djihadiste dans le pays. Il explique également l'intérêt de la communauté internationale pour cet État, lié à des enjeux géopolitiques et sécuritaires majeurs. Morad Chabbi dresse quant à lui un bilan de la relation américano-iranienne post-11 septembre, en retraçant son histoire mouvementée. Il évalue les bénéfices d'une éventuelle entente au niveau régional et international, mais conclut à sa difficile réalisation.
Avec une approche à la fois théorique et empirique, cet ouvrage offre une analyse complète, davantage destinée à un public initié, car rédigée par des politistes et juristes de formation utilisant un vocabulaire spécifique et pointu. L’ouvrage est abondamment référencé, avec une bibliographie et des notes de bas de page riches et précises. Il s’appuie sur la démarche méthodologique de pluridisciplinarité ou transdisciplinarité adoptée en sciences politiques et en relations internationales et offre ainsi un apport indéniable à la compréhension du phénomène terroriste.