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Terrorisme : la démocratie en danger ? Du 11 septembre à la mort de Ben Laden
Christian Chocquet Paris, Vuibert, INHESJ, 2011, 224 p.
Préfet délégué pour la défense et la sécurité et docteur en sciences politiques, Christian Chocquet livre dans cet ouvrage une réflexion globale sur la question du terrorisme.
Les trois premiers chapitres sont consacrés à un travail de définition et d’interrogation des concepts que l’émotion du 11-septembre, puis la guerre contre la terreur, ont occulté. Une des difficultés majeures de la lutte contre le terrorisme est en effet la définition de ce dernier, qui n’a jamais connu de consensus. Il faut donc chercher une définition en creux, en posant une série de distinctions avec les notions de groupe criminel et de guérilla. D’après l’auteur, le terrorisme est avant tout un « instrument par défaut » (p. 63) pour mener un combat politique, soit en vue d’aboutir à une négociation (IRA, ETA), soit dans un but révolutionnaire pour renverser un système jugé illégitime ou illégal (Al-Qaïda). L’attentat, par nature émotionnellement puissant, doit lui aussi être analysé pour en déterminer l’objectif : attentat limité / de masse, ciblé / aveugle. C’est seulement ainsi que l’on peut appréhender le 11-septembre. Face à son ampleur, certains commentateurs ont parlé d’hyper-terrorisme, alors qu’il s’agit d’une augmentation quantitative, et non d’une différence de nature. L’auteur analyse aussi la notion de guerre contre la terreur, chère à George W. Bush. Le concept de guerre a évolué jusqu’à quasiment disparaître du vocabulaire politico-médiatique (on parle d’opération de protection des civils, de maintien de la paix, de conflit asymétrique). Une guerre classique aboutit à une paix signée entre deux entités politiques. Dans le cas du terrorisme révolutionnaire, aucune négociation n’est possible, puisque les deux acteurs s’estiment l’un l’autre illégitimes. « Une guerre au terrorisme ne peut être une guerre car elle n’aura pas de fin » (p. 169). En déclarant cette guerre, l’administration état-unienne est entrée dans une course interminable, dont les résultats se doivent d’être éclatants, comme autant de preuves de victoires tactiques, sans pourtant jamais pouvoir atteindre une victoire stratégique. Une autre conséquence de cette guerre contre la terreur est la surévaluation permanente de la menace, et chaque acteur y trouve son compte : les terroristes, une légitimité de facto, les agences gouvernementales, des financements, et les dirigeants politiques, une aura de protecteur.
Les trois derniers chapitres abordent la réflexion de la compatibilité du terrorisme avec la démocratie, et l’antinomie de ces deux concepts est rapidement démontrée. Le recours à l’instrument terroriste par un groupe démontre son incapacité à porter sa revendication sur le plan politique grâce aux outils de la démocratie. Le terrorisme révolutionnaire est, lui, par définition, antidémocratique, puisqu’il lutte contre ce système qu’il considère comme illégitime. L’auteur illustre cette affirmation en se focalisant longuement sur le jihadisme islamique, pour démontrer son incompatibilité avec la démocratie. Il achève sa réflexion en abordant la question de la lutte antiterroriste et de sa « tentation de l’excès » (p. 174). Les dérives multiples révélées par les médias (black sites, vide juridique du statut des ennemis combattants…) ont démontré que l’équilibre entre respect des lois et besoin de sécurité avait été largement brisé. Les circonstances exceptionnelles ne peuvent ni ne doivent légitimer le mépris des lois. Cela ne fait que renforcer l’affirmation de l’ennemi sur l’illégitimité de la démocratie, et de ceux qui prétendent agir en son nom.
La réflexion globale porte finalement plus sur le concept de « guerre contre le terrorisme » que sur la question avancée dans le titre, ce qui n’enlève en rien à l’ouvrage une réelle qualité d’analyse.