See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Surtout ne rien décider. Manuel de survie en milieu politique, avec exercices pratiques corrigés
par Pierre Conesa - Paris, Robert Laffont, 2014, 133 p.
Pierre Conesa est connu dans les milieux stratégiques, sinon les cabinets ministériels, pour son esprit frondeur et anticonformiste. Avec cet énarque agrégé d’histoire toujours en verve, on ne s’ennuie guère dans les réunions de travail, même les plus absconses. Pourtant, derrière un florilège de formules ironiques – « en politique le ridicule ne tue pas, seule la réforme est létale » –, on devine le désespoir d’un serviteur de l’État qui a passé sa carrière à voir s’effilocher les changements indispensables aux mains de maîtres de l’immobilisme et de la permanence au pouvoir. Point d’indignation ni de reproche, seulement une plume incisive, un verbe moqueur et un ton détaché très XVIIIe siècle, mais qui fait mouche.
Le livre s’ouvre sur une formule décapante : « Décider de ne rien faire tout en donnant l’illusion de l’action, tel est l’art suprême en politique ». L’auteur égratigne ces grands maîtres de l’indécision que furent François Mitterrand ou Jacques Chirac, affirmant que « le réformateur véritable est une sorte de Zébulon immaîtrisable et perturbateur car ses idées font peser des menaces sur son propre camp ». Il reste alors « à l’embaumer de son vivant […] comme le firent les radicaux avec Mendès France, la droite avec Barre, le parti socialiste avec Rocard ou Chevènement ». « Rien n’empêche, une fois la momification accomplie, de le ressortir pour lui demander ses souvenirs et ses idées, telle l’araignée suçant sa proie à mesure de ses besoins ».
Et l’auteur de nous prodiguer, assortis d’exemples désopilants, « les conseils pratiques pour se maintenir au pouvoir ». Le principal consiste à différer l’urgence comme la décision et se rapporte à « l’art de la pile ». Cette dernière figure dans tout bureau de haut responsable sur une petite table. Y sont amassés les dossiers importants qui posent problème par la dangereuse portée des mesures à prendre. P. Conesa cite, entre autres, la réforme du statut des fonctionnaires et celle des universités, le cumul des mandats, les biens des élus et le statut de la Corse.
La pile laissée par les prédécesseurs est tout aussi préoccupante. Posée sur une table basse et « légèrement couverte de poussière », elle fait l’objet de la première réunion avec les plus proches conseillers. Il s’agit de répondre à la question essentielle : « y a-t-il lieu de modifier l’ordre de la pile ? » Comme pour tous les Himalaya à gravir, « il vaut mieux prendre son temps, préparer avec soin l’ascension et y renoncer si un avis de tempête est émis par le bulletin météo tenu à jour dans nos démocraties sondagières ». Et ainsi l’on illustre une fois de plus l’honnête propos du président Henri Queuille, l’un des piliers de l’inénarrable IVe République : « Je ne connais pas de problèmes qu’une absence suffisamment prolongée de réponse n’ait fini par résoudre. » Abordés avec le même entrain, d’autres conseils abondent pour « ne pas faire de vagues » et gouverner dans l’atonie : subventionner sans réformer, consulter les commissions supérieures et, surtout, ne se fâcher avec personne.
À lire P. Conesa, on se pénètre de l’idée que le décalage va croissant entre le temps politique, qui a pour horizon l’échéance électorale suivante – entre deux et trois ans –, et le temps des vraies réformes économiques et sociales qui, lui, s’étale sur une décennie. Bref, le dernier projet de réforme concernant l’élargissement des régions promet, devant la résistance feutrée puis avérée, tout un délayage de faux-semblants, un déballage de compensations suivies de spasmes mortifères, pas seulement pour la réforme mais aussi pour le pays.
Le livre s’ouvre sur une formule décapante : « Décider de ne rien faire tout en donnant l’illusion de l’action, tel est l’art suprême en politique ». L’auteur égratigne ces grands maîtres de l’indécision que furent François Mitterrand ou Jacques Chirac, affirmant que « le réformateur véritable est une sorte de Zébulon immaîtrisable et perturbateur car ses idées font peser des menaces sur son propre camp ». Il reste alors « à l’embaumer de son vivant […] comme le firent les radicaux avec Mendès France, la droite avec Barre, le parti socialiste avec Rocard ou Chevènement ». « Rien n’empêche, une fois la momification accomplie, de le ressortir pour lui demander ses souvenirs et ses idées, telle l’araignée suçant sa proie à mesure de ses besoins ».
Et l’auteur de nous prodiguer, assortis d’exemples désopilants, « les conseils pratiques pour se maintenir au pouvoir ». Le principal consiste à différer l’urgence comme la décision et se rapporte à « l’art de la pile ». Cette dernière figure dans tout bureau de haut responsable sur une petite table. Y sont amassés les dossiers importants qui posent problème par la dangereuse portée des mesures à prendre. P. Conesa cite, entre autres, la réforme du statut des fonctionnaires et celle des universités, le cumul des mandats, les biens des élus et le statut de la Corse.
La pile laissée par les prédécesseurs est tout aussi préoccupante. Posée sur une table basse et « légèrement couverte de poussière », elle fait l’objet de la première réunion avec les plus proches conseillers. Il s’agit de répondre à la question essentielle : « y a-t-il lieu de modifier l’ordre de la pile ? » Comme pour tous les Himalaya à gravir, « il vaut mieux prendre son temps, préparer avec soin l’ascension et y renoncer si un avis de tempête est émis par le bulletin météo tenu à jour dans nos démocraties sondagières ». Et ainsi l’on illustre une fois de plus l’honnête propos du président Henri Queuille, l’un des piliers de l’inénarrable IVe République : « Je ne connais pas de problèmes qu’une absence suffisamment prolongée de réponse n’ait fini par résoudre. » Abordés avec le même entrain, d’autres conseils abondent pour « ne pas faire de vagues » et gouverner dans l’atonie : subventionner sans réformer, consulter les commissions supérieures et, surtout, ne se fâcher avec personne.
À lire P. Conesa, on se pénètre de l’idée que le décalage va croissant entre le temps politique, qui a pour horizon l’échéance électorale suivante – entre deux et trois ans –, et le temps des vraies réformes économiques et sociales qui, lui, s’étale sur une décennie. Bref, le dernier projet de réforme concernant l’élargissement des régions promet, devant la résistance feutrée puis avérée, tout un délayage de faux-semblants, un déballage de compensations suivies de spasmes mortifères, pas seulement pour la réforme mais aussi pour le pays.