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Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ?
par Michel Rocard - Paris, Flammarion, 2015, 423p.
Plus qu’un simple essai, c’est un cri d’alarme que Michel Rocard publie à travers l’ouvrage Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ? Les révélateurs de ce suicide sont multiples et variés. Les huit premiers chapitres du livre sont ainsi consacrés aux risques qui se conjuguent dans nos sociétés occidentales et qui ont conduit l’auteur à tirer le signal d’alarme.
Les premiers ont trait à la chose économique, à la fois en matière individuelle, pour ce qui est de la précarité et des fractures sociales, mais aussi macroéconomique, comme la dérégulation financière et le flottement des monnaies. La norme de travail est ainsi devenue, dans les sociétés industrielles, la précarité des contrats et le chômage, à quoi s’ajoute la montée des inégalités. La dérégulation financière et le flottement des monnaies amènent, pour leur part, au constat d’un monde devenu malade de l’argent, avec succession de crises et krachs financiers, une finance qui s’éloigne de l’économie, un argent qui asphyxie le lieu de naissance de la richesse de l’entreprise et un appétit de gain sans limites des actionnaires.
Autre conséquence de cette économie sans bornes : la folie destructrice envers la nature, et les espèces animales et végétales. La pollution et le réchauffement climatique menacent la planète, « la terre patrie » dont parle Edgar Morin, avec les émissions de gaz à effet de serre, le gaspillage de l’eau et le stress hydrique ou l’accumulation des déchets.
Si l’on en vient à l’analyse des relations internationales, la mondialisation a conduit à une négociation du cadre financier international et des règles commerciales entre pays à régimes politiques différents et à niveaux de salaires et de protection sociale variant d’un facteur 8 à 10. En outre, bien que l’on note la disparition des guerres interétatiques, on constate dans le même temps un renforcement des replis et des crispations identitaires et des guerres asymétriques médiatiques. Le Conseil de sécurité des Nations unies, avec ses cinq puissances dotées d’un droit de veto, reste pour sa part paralysé, tandis que le droit international continue d’être non contraignant.
De manière plus générale, alors qu’il y a nécessité de normes et de contraintes collectives pour réguler le rapport des personnes à la violence, à la circulation de l’argent, à la réduction des nuisances, force est de constater la mort lente du politique et la fin du triptyque territoire-population-gouvernement, et donc de la territorialisation de l’État.
Michel Rocard rappelle alors que « ce ne sont pas les barbares qui ont tué l’empire. Ils l’ont seulement achevé ». Mais que faire de ce constat ? L’auteur privilégie la longue saga des émergences subversives, les économies solidaires et circulaires, le microcrédit, etc. Il renoue avec son passé autogestionnaire en privilégiant le rôle de la société civile. Il s’agit de guérir la dépression nerveuse universelle dont parle John Maynard Keynes, de sortir de la publicité et de l’audimat, d’aller au-delà de la myopie des marchés. Pour gérer des sociétés multiculturelles et instituer l’art du vivre ensemble, il importe de mettre en avant les biens publics, la responsabilité, la laïcité. Européen convaincu, M. Rocard met également l’accent sur le rôle que devrait jouer l’Europe.
L’ouvrage témoigne de la culture, de la réflexion d’un homme d’action qui, à la fin de sa vie, dresse un bilan pessimiste sur le monde et sur les limites d’action du politique. Le tableau noir aurait pu être toutefois davantage contrasté en rappelant la baisse du taux de pauvreté dans les pays en développement, malgré de grandes différences selon les régions. L’auteur minimise également les opportunités, accompagnées évidemment de risques, de la révolution technologique et des progrès scientifiques dans l’infiniment petit et l’infiniment grand. Notre monde est celui des contrastes où la pire barbarie de Daech est vue à la télévision à côté des exploits de la conquête de l’univers. La crise occidentale est aussi celle du déplacement de la richesse et de la puissance, et de la mondialisation avec ses contradictions, ses gagnants et ses perdants, ses interconnexions et ses replis identitaires.
Les premiers ont trait à la chose économique, à la fois en matière individuelle, pour ce qui est de la précarité et des fractures sociales, mais aussi macroéconomique, comme la dérégulation financière et le flottement des monnaies. La norme de travail est ainsi devenue, dans les sociétés industrielles, la précarité des contrats et le chômage, à quoi s’ajoute la montée des inégalités. La dérégulation financière et le flottement des monnaies amènent, pour leur part, au constat d’un monde devenu malade de l’argent, avec succession de crises et krachs financiers, une finance qui s’éloigne de l’économie, un argent qui asphyxie le lieu de naissance de la richesse de l’entreprise et un appétit de gain sans limites des actionnaires.
Autre conséquence de cette économie sans bornes : la folie destructrice envers la nature, et les espèces animales et végétales. La pollution et le réchauffement climatique menacent la planète, « la terre patrie » dont parle Edgar Morin, avec les émissions de gaz à effet de serre, le gaspillage de l’eau et le stress hydrique ou l’accumulation des déchets.
Si l’on en vient à l’analyse des relations internationales, la mondialisation a conduit à une négociation du cadre financier international et des règles commerciales entre pays à régimes politiques différents et à niveaux de salaires et de protection sociale variant d’un facteur 8 à 10. En outre, bien que l’on note la disparition des guerres interétatiques, on constate dans le même temps un renforcement des replis et des crispations identitaires et des guerres asymétriques médiatiques. Le Conseil de sécurité des Nations unies, avec ses cinq puissances dotées d’un droit de veto, reste pour sa part paralysé, tandis que le droit international continue d’être non contraignant.
De manière plus générale, alors qu’il y a nécessité de normes et de contraintes collectives pour réguler le rapport des personnes à la violence, à la circulation de l’argent, à la réduction des nuisances, force est de constater la mort lente du politique et la fin du triptyque territoire-population-gouvernement, et donc de la territorialisation de l’État.
Michel Rocard rappelle alors que « ce ne sont pas les barbares qui ont tué l’empire. Ils l’ont seulement achevé ». Mais que faire de ce constat ? L’auteur privilégie la longue saga des émergences subversives, les économies solidaires et circulaires, le microcrédit, etc. Il renoue avec son passé autogestionnaire en privilégiant le rôle de la société civile. Il s’agit de guérir la dépression nerveuse universelle dont parle John Maynard Keynes, de sortir de la publicité et de l’audimat, d’aller au-delà de la myopie des marchés. Pour gérer des sociétés multiculturelles et instituer l’art du vivre ensemble, il importe de mettre en avant les biens publics, la responsabilité, la laïcité. Européen convaincu, M. Rocard met également l’accent sur le rôle que devrait jouer l’Europe.
L’ouvrage témoigne de la culture, de la réflexion d’un homme d’action qui, à la fin de sa vie, dresse un bilan pessimiste sur le monde et sur les limites d’action du politique. Le tableau noir aurait pu être toutefois davantage contrasté en rappelant la baisse du taux de pauvreté dans les pays en développement, malgré de grandes différences selon les régions. L’auteur minimise également les opportunités, accompagnées évidemment de risques, de la révolution technologique et des progrès scientifiques dans l’infiniment petit et l’infiniment grand. Notre monde est celui des contrastes où la pire barbarie de Daech est vue à la télévision à côté des exploits de la conquête de l’univers. La crise occidentale est aussi celle du déplacement de la richesse et de la puissance, et de la mondialisation avec ses contradictions, ses gagnants et ses perdants, ses interconnexions et ses replis identitaires.