See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Staline
Par Oleg Khlevniuk - Paris, Belin, 2017, 601p.
Il n’est pas évident de susciter un grand intérêt pour une énième biographie de Joseph Staline. Néanmoins, l’évolution de l’historiographie sur la période soviétique grâce à l’ouverture des archives rend nécessaire la rédaction d’une synthèse sur l’état des connaissances. Par ailleurs, la nostalgie du temps de la puissance parmi les Russes, voire la possible instrumentalisation de l’histoire par l’actuel pouvoir en place au Kremlin rend utile ce rappel de ce qu’a été le stalinisme et un récit où l’on trouve davantage de traces de sang que de génie.
Cet ouvrage dessine le portrait d’un homme brutal, sans états d’âme, peu versé dans les abstractions intellectuelles même s’il en a eu parfois la prétention. J. Staline n’est pas un dogmatique et n’a pas massacré ou laisser mourir des millions de gens par intransigeance idéologique : il fut l’un des plus grands criminels de l’Histoire simplement pour pouvoir rester au pouvoir. Le début de son ascension se fait dans l’ombre de Lénine, qui perçoit l’incompétence militaire du militant et la brutalité de l’intrigant. Mais ce dernier est doué pour manœuvrer dans les luttes au sein du Parti communiste et sait placer ses affidés dans l’appareil.
À la mort de Lénine, il compense son manque de brio par un solide réseau d’hommes dévoués, ce qui lui permet d’éliminer son rival Léon Trotski, puis toute opposition au sein du Politburo, et de devenir définitivement le maître du pays au milieu des années 1930. Hanté par la possible réédition d’une offensive des puissances capitalistes, comme l’a subie la Russie bolchevique entre 1918 et 1920, il industrialise son pays à marche forcée, sacrifiant sans pitié et en toute connaissance de cause 5 à 7 millions de personnes dans la plus grande famine de l’histoire russe (1932-1933). Puis, il mène une épuration contre toute possibilité de résistance ou d’opposition à l’intérieur de l’armée, du parti, des institutions, faisant arrêter 1,6 million de personnes durant la Grande Terreur de 1937-1938 – dont 700 000 seront fusillées et beaucoup moururent en déportation. Mais la police politique, qui reçoit les pleins pouvoirs pour écraser les forces vives du pays, apparaît comme un dangereux contre-pouvoir : J. Staline coupe donc les têtes de ses dirigeants.
Au fil des années, la technique est rodée : dès qu’un collaborateur prend trop d’importance dans le fonctionnement de l’État soviétique, J. Staline le fustige publiquement, le fait arrêter ou le limoge. Dans les années 1930, il fait exécuter, mais il devient plus laxiste avec l’âge, acceptant la repentance et un nouveau « serment d’allégeance ». Or il n’y eut jamais de cinquième colonne ou de complot contre le secrétaire général. Les véritables opposants avaient tous été éliminés dès les années 1920. Le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD) se voyait assigner des quotas de traîtres et de saboteurs à débusquer dans chaque région, dans chaque district, et la méthode consistait à fabriquer de toutes pièces de faux complots, à torturer les premières victimes pour qu’elles donnent les noms de nouvelles proies à cueillir. La mort de J. Staline – les derniers travaux d’historiens n’ont pas pu confirmer l’hypothèse d’un assassinat – a opportunément empêché une nouvelle purge majeure contre les juifs et les médecins – accusés de prendre part à un complot des « blouses blanches ».
La conduite de la Grande Guerre patriotique est entachée des mêmes aberrations, et le généralissime a dû masquer son incompétence et ses erreurs en accusant ses généraux. Persuadé qu’il parviendrait à amadouer l’Allemagne par le pacte de non-agression, il ne crut pas aux rapports de ses services qui lui prédisaient l’invasion imminente : il fut totalement dépassé par les événements et incapable de réagir durant les premiers jours de l’opération Barbarossa. Heureusement, ses collaborateurs – ceux qu’il n’avait pas fait massacrer au cours des années précédentes – le poussèrent à se ressaisir afin qu’il mobilise la nation : l’Union soviétique était au bord de l’anéantissement.
Cet ouvrage dessine le portrait d’un homme brutal, sans états d’âme, peu versé dans les abstractions intellectuelles même s’il en a eu parfois la prétention. J. Staline n’est pas un dogmatique et n’a pas massacré ou laisser mourir des millions de gens par intransigeance idéologique : il fut l’un des plus grands criminels de l’Histoire simplement pour pouvoir rester au pouvoir. Le début de son ascension se fait dans l’ombre de Lénine, qui perçoit l’incompétence militaire du militant et la brutalité de l’intrigant. Mais ce dernier est doué pour manœuvrer dans les luttes au sein du Parti communiste et sait placer ses affidés dans l’appareil.
À la mort de Lénine, il compense son manque de brio par un solide réseau d’hommes dévoués, ce qui lui permet d’éliminer son rival Léon Trotski, puis toute opposition au sein du Politburo, et de devenir définitivement le maître du pays au milieu des années 1930. Hanté par la possible réédition d’une offensive des puissances capitalistes, comme l’a subie la Russie bolchevique entre 1918 et 1920, il industrialise son pays à marche forcée, sacrifiant sans pitié et en toute connaissance de cause 5 à 7 millions de personnes dans la plus grande famine de l’histoire russe (1932-1933). Puis, il mène une épuration contre toute possibilité de résistance ou d’opposition à l’intérieur de l’armée, du parti, des institutions, faisant arrêter 1,6 million de personnes durant la Grande Terreur de 1937-1938 – dont 700 000 seront fusillées et beaucoup moururent en déportation. Mais la police politique, qui reçoit les pleins pouvoirs pour écraser les forces vives du pays, apparaît comme un dangereux contre-pouvoir : J. Staline coupe donc les têtes de ses dirigeants.
Au fil des années, la technique est rodée : dès qu’un collaborateur prend trop d’importance dans le fonctionnement de l’État soviétique, J. Staline le fustige publiquement, le fait arrêter ou le limoge. Dans les années 1930, il fait exécuter, mais il devient plus laxiste avec l’âge, acceptant la repentance et un nouveau « serment d’allégeance ». Or il n’y eut jamais de cinquième colonne ou de complot contre le secrétaire général. Les véritables opposants avaient tous été éliminés dès les années 1920. Le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures (NKVD) se voyait assigner des quotas de traîtres et de saboteurs à débusquer dans chaque région, dans chaque district, et la méthode consistait à fabriquer de toutes pièces de faux complots, à torturer les premières victimes pour qu’elles donnent les noms de nouvelles proies à cueillir. La mort de J. Staline – les derniers travaux d’historiens n’ont pas pu confirmer l’hypothèse d’un assassinat – a opportunément empêché une nouvelle purge majeure contre les juifs et les médecins – accusés de prendre part à un complot des « blouses blanches ».
La conduite de la Grande Guerre patriotique est entachée des mêmes aberrations, et le généralissime a dû masquer son incompétence et ses erreurs en accusant ses généraux. Persuadé qu’il parviendrait à amadouer l’Allemagne par le pacte de non-agression, il ne crut pas aux rapports de ses services qui lui prédisaient l’invasion imminente : il fut totalement dépassé par les événements et incapable de réagir durant les premiers jours de l’opération Barbarossa. Heureusement, ses collaborateurs – ceux qu’il n’avait pas fait massacrer au cours des années précédentes – le poussèrent à se ressaisir afin qu’il mobilise la nation : l’Union soviétique était au bord de l’anéantissement.