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Sortir de l’euro ou mourir à petit feu / Alain Cotta
Alain Cotta Paris, Plon, Coll. Tribune Libre, 2010, 90 p.
Face à la crise financière, l’euro est-il un parapluie qui nous protège ou un boulet qui nous coule ? En d’autres termes, vaut-il mieux maintenir l’euro ou en sortir ? La question pourrait être simple, et l’alternative semble elle aussi assez claire. La « tribune libre » du professeur Alain Cotta démontre que la réalité est beaucoup plus complexe. À ses yeux, comme il l’avait déjà dénoncé au moment du traité de Maastricht, la mise en place de l’euro est une erreur et la crise financière met au grand jour les défauts de jeunesse de cette monnaie. Dès l’origine, à peu près tous les spécialistes mondiaux en matière monétaire déclaraient que l’Europe ne se prêtait sûrement pas à la création d'une monnaie unique puisqu’aucune des conditions nécessaires – et non suffisantes, précise l’auteur –, n’étaient réunies en 1997. Ni politique budgétaire commune, ni politique économique ou fiscale commune. L’histoire monétaire démontre que toutes les tentatives similaires se sont soldées par un échec. Or, l’Union européenne a ignoré les leçons de l’Histoire et a, selon le professeur Cotta, été rattrapée par la réalité des marchés.
L’élément le plus intéressant de l’analyse n’est pas tant le constat des limites de l’euro que l’analyse des options auxquelles les États sont désormais confrontés. Car pour Alain Cotta, l’alternative ne se limite pas à rester dans l’euro ou à en sortir, la réalité est multiple. Il est certes possible de maintenir l’euro, mais cela se fera par la germanisation de la politique économique et budgétaire européenne qui permettrait à l’euro de retrouver sa crédibilité. « Toute l’Europe parlerait le langage économique allemand, à défaut du littéraire ou du musical, pourtant passionnants » (p. 34). Il estime qu’une telle éventualité ne pourra pas prospérer, tant en raison de la situation économique que de la résistance, notamment sociale, de nombreuses nations européennes.
La deuxième option, oubliée par nombre de commentateurs, est la possibilité de revenir à la monnaie commune, basée sur un panier de monnaies nationales européennes. Cette branche de l’alternative est attirante car elle « permet de maintenir l’indépendance monétaire des nations tout en soumettant les monnaies à une même référence disciplinaire ». Si cette solution a la préférence d’Alain Cotta, l’auteur souligne que son choix par les dirigeants européens est peu probable à la fois pour des raisons techniques liées aux dévaluations, et pour des raisons politiques. L’éclatement de l’euro lui apparaît donc comme la solution la plus probable à une échéance de deux années au maximum.
L’objectif clairement affiché de cet ouvrage est d’adopter une position personnelle assumée et revendiquée, loin d’une démonstration purement universitaire. Le discours est parfois trop affirmé, notamment la déclaration selon laquelle une dévaluation serait bénéfique pour la France ou pour les pays européens, et qu’il est « très possible, probable même » qu’une telle dévaluation s’accompagnerait d’une diminution du chômage, d’une augmentation des salaires et d’une inflation réduite. Cette affirmation, comme les propositions économiques en faveur du tourisme ou de l’agriculture non-délocalisables, laissent le lecteur sur sa faim et auraient mérité une justification plus ample. Alain Cotta a au moins le mérite de présenter des pistes nouvelles de sortie de l’euro, alors que, dans un climat de crise financière et monétaire, pour une majorité d’auteurs, la désagrégation de la monnaie unique apparaît uniquement comme un séisme.