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Shanghai-Paris
Thierry Sanjuan Paris, Autrement, coll. « Atlas Mégapoles », 2009
Rompant avec une vision mythologique de la capitale de l’Orient du temps des concessions étrangères, le géographe Thierry Sanjuan, professeur à Paris-I, qui étudie la Chine depuis quinze ans, nous offre un portrait d’une grande richesse de la première ville de Chine et de la neuvième cité mondiale. Dans l’esprit de cette nouvelle collection d’atlas au format pratique[1], il nous livre une analyse sur trois plans, étudiant la mégapole dans ses dimensions mondiale, régionale et locale. Des photos, des schémas et des cartes dignes d’un manuel éclairent utilement le propos.
Comme le savent les lecteurs de la remarquable Histoire de Shanghai de Marie-Claire Bergère (Fayard, 2002), Shanghai, comme la Chine elle-même, vit en réalité une renaissance. Longtemps ville secondaire du delta du Yangze, dépassée sur le plan politique et commercial par ses voisines Nankin (Nanjing) et Suzhou, la cité ne prit son essor, comme Canton, qu’après la première guerre de l’opium (1839-1842) sous l’effet de « traités inégaux » qui imposèrent à l’Empire l’ouverture au commerce avec l’Occident. Devenue au début du xxe siècle la grande métropole industrielle grâce aux « tycoons » étrangers et aux entrepreneurs chinois, elle est le lieu contradictoire de la domination occidentale et de la naissance de l’ordre nouveau[2]. Punie par ses nouveaux maîtres après 1949, elle n’a dû son renouveau qu’à la protection de deux de ses maires, issus de la 3e génération des dirigeants communistes, Jiang Zemin et Zhu Rongji, qui la dirigèrent entre 1985 et 1991 avant de continuer à veiller sur sa destinée en tant respectivement que président de la République et Premier ministre.
Comme le savent les lecteurs de la remarquable Histoire de Shanghai de Marie-Claire Bergère (Fayard, 2002), Shanghai, comme la Chine elle-même, vit en réalité une renaissance. Longtemps ville secondaire du delta du Yangze, dépassée sur le plan politique et commercial par ses voisines Nankin (Nanjing) et Suzhou, la cité ne prit son essor, comme Canton, qu’après la première guerre de l’opium (1839-1842) sous l’effet de « traités inégaux » qui imposèrent à l’Empire l’ouverture au commerce avec l’Occident. Devenue au début du xxe siècle la grande métropole industrielle grâce aux « tycoons » étrangers et aux entrepreneurs chinois, elle est le lieu contradictoire de la domination occidentale et de la naissance de l’ordre nouveau[2]. Punie par ses nouveaux maîtres après 1949, elle n’a dû son renouveau qu’à la protection de deux de ses maires, issus de la 3e génération des dirigeants communistes, Jiang Zemin et Zhu Rongji, qui la dirigèrent entre 1985 et 1991 avant de continuer à veiller sur sa destinée en tant respectivement que président de la République et Premier ministre.
Thierry Sanjuan établit bien le caractère tout relatif de la notion d’avantage géographique de la ville. Présentée traditionnellement comme la « tête du dragon » que serait le fleuve Yangze, Shanghai est bien devenue le point d’approvisionnement des villes de Chine centrale de Wuhan à Chengdu en passant par Chongqing. Mais le cloisonnement persistant de la Chine intérieure – malgré le nouveau barrage des Trois Gorges – oriente surtout la cité vers le monde extérieur. Rivale en cela de Hong Kong, elle appartient avant tout, comme l’a fait valoir l’économiste François Gipouloux, au réseau des villes d’Asie orientale (Corée, Japon, Taiwan).
Ceux qui, lors de la démonstrative visite que lui fit Deng Xiaoping en 1991, doutaient de la capacité des autorités locales et nationales à relever le pari lancé doivent en convenir : le paysage urbain a été transformé en vingt ans comme dans peu d’autres villes au monde, Dubaï excepté. Si le Bund conserve sa ligne de façades emblématiques du commerce étranger des années folles, autoroutes, ponts et aéroports ont surgi. De l’autre coté du fleuve Huangpu, qui divise désormais la ville et dont les rives sont visitées par des dizaines de millions de touristes chinois et asiatiques, se tient maintenant Pudong, avec son quartier financier de Lujiazui et ses tours Orient Pearl et Jinmao, devenues les Tours Eiffel.
Fidèle à son patronyme[3], la cité s’étend désormais sur les eaux. Le port de Waigaoqiao ouvert en 1990 étant vite devenu saturé, un troisième port est en cours d’achèvement sur l’îlot de Yangshan, que relie à la terre depuis 2005 un pont de 32 km. Shanghai est ainsi désormais le premier port mondial par le volume de son trafic. La ville est également desservie par trois aéroports, dont deux ouverts en 1999 et en 2008.
Mais, comme le montre l’ouvrage, Shanghai est aussi le laboratoire d’une Chine fragile. La métropole est demeurée un centre industriel, passé d’une spécialisation en industrie lourde symbolisé par l’aciérie de Baoshan et l’usine Volkswagen d’Anting, aux industries électroniques et de télécommunications. Elle est devenue un pôle tertiaire dont témoignent l’émergence de sa bourse et l’essor de ses universités[4]. La localisation et la gestion des flux de ses 19 millions d’habitants demeurent un défi, du fait notamment des 5 millions de migrants employés sur ses chantiers. Les « lilongs » (courées), si propres au vieux Shanghai, ont été détruits par les bulldozers. De nombreux parcs de logements publics ont été cédés à leurs occupants. L’espace public a été privatisé avec l’apparition de rues-galeries marchandes climatisées semblables à celles qui existent à Hong Kong. Les chantiers ont été source d’une corruption encore mal connue, qui a causé notamment la chute en 2006 du maire Chen Liangyu. La spéculation entraînée par le boom immobilier des deux décennies a créé sa bulle qui menace toujours.
Opportunément paru à la veille de l’Exposition universelle de 2010, cet atlas sera précieux pour son visiteur, mais aussi pour l’économiste, l’urbaniste, l’étudiant ou même le simple touriste, soucieux de déchiffrer une ville qui n’a pas fini d’étonner.