See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Repenser l’économie.
François Geerolf et Gabriel Zucman (dir.) Regard croisés sur léconomie n°10, La découverte, Paris, 2012, 248 p.
Les lauréats du Prix du meilleur jeune économiste, décerné par Le Monde / Cercle des économistes, ont été réunis pour (ré)expliquer, « repenser » et détruire l’idée selon laquelle l’économie ne serait « qu’une vaste entreprise de glorification des marchés » (p. 1), idée qui prend de l’ampleur durant les périodes de crises économiques. L’économie peut être considérée à la fois comme un art, une science, une passion ou une arme. Quoiqu’il en soit elle ne peut être négligée tant elle s’ancre au plus profond de notre quotidien.
Cet ouvrage est divisé en quatorze champs d’études différents, correspondant aux domaines de recherche des lauréats et peuvent se lire indépendamment les uns des autres. Sous forme d’articles concis ou de propos recueillis, les auteurs s’engagent à traiter de problématiques actuelles.
Ainsi l’ouvrage propose des pistes de réflexions, par exemple celle de repenser la lutte contre la pauvreté avec de nouvelles manières d’évaluer les politiques publiques (in Esther Duflo, Repenser la lutte contre la pauvreté), d’apporter des réponses concrètes contre le chômage (notamment par le biais d’un renforcement du pouvoir des syndicats et la croissance verte in Pierre Cahuc, Que faire contre le chômage et Patricia Crifo, Encadré : Comment verdir la croissance ?) ou bien d’anticiper la fiscalité du XXIe siècle en débattant des taxes sur les revenus du capital et sur ceux du travail (in Thomas Piketty et Emmanuel Saez, Penser la fiscalité du XXIe siècle). La simplicité du langage utilisé permet au livre de rendre accessibles des sujets pourtant très techniques.
La crise et la pauvreté ayant sûrement remis l’économie au goût du jour, le renouvellement des pensées économiques prend toute son importance pour répondre aux maux des hommes. Ce recueil permet de déplacer l’économie vers un champ d’application plus large, qui dépasse les seules problématiques monétaires pour la replacer dans un contexte à la fois plus pratique et plus « social ». Ainsi Pierre-Cyrille Hautcoeur (in Crises financières : à quoi sert l’histoire ?) met en lumière deux événements du passé (d’une part la chute du Comptoir d’escompte et l’intervention de la Banque centrale et d’une autre part l’organisation des marchés boursiers au XIXe siècle) pour conclure que l’intervention monétaire pour une banque en situation d’insolvabilité et la régulation de la bourse peuvent être des solutions efficaces dans une situation de crise. L’ouvrage permet également une approche psychologique des acteurs, par exemple Elyès Jouini (in Dans l’âme des investisseurs) ne présente plus les investisseurs comme des « supercalculateurs » (p. 111)rationnels mais plutôt comme des acteurs sensibles à leurs sentiments et leurs visions personnelles dans l’élaboration de leurs décisions.
Ouvrant de nouvelles perspectives pour « repenser » l’économie, de nouvelles techniques d’évaluation des politiques sont nécessaires afin d’éviter l’adoption de lois uniquement politiques et pour élaborer de véritables règles avec des résultats sur le long terme.
À la fois simple et précis, ce recueil économique permet à un large public de comprendre les enjeux de l’économie contemporaine et d’y apporter un regard critique à travers la lecture des différents thèmes développés. Les économistes utilisent un langage clair pour permettre de saisir les nouveaux problèmes que pose l’économie d’aujourd’hui. La crise semble alors un événement neutre ou en partie positif permettant de remettre sur table certains sujets jusque là enterrés.