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Recherche et innovation. Quelles stratégies politiques ?
par Marcel Morabito - Paris, Presses de Sciences Po, 2014, 146 p.
Le sujet de la recherche et de l’innovation est désormais bien traité dans un certain nombre d’analyses portant sur la croissance économique et la puissance des États. En ce sens, l’ouvrage de Marcel Morabito constitue une synthèse enrichissante accessible au plus grand nombre.
Professeur des universités à Sciences Po, l’auteur a également pris part à l’action institutionnelle en la matière, en tant que conseiller au directeur de la recherche technologique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Son livre passe en revue un grand nombre de milieux d’innovation et la pluralité des cas proposés évite de sombrer dans le schématisme, tout en montrant les similitudes. Difficile équilibre qui détermine en fait la thèse de l’ouvrage : les modèles d’innovation ne sont pas reproductibles, mais la mondialisation fait converger un certain nombre de paramètres.
Les modèles ne sont pas reproductibles, parce qu’ils sont déterminés par l’environnement culturel, les rapports de forces politiques et le poids de l’histoire. Pourtant, le modèle américain a fini par influencer les autres, car il synthétise les facteurs de réussite que l’on retrouve ailleurs. Tout d’abord, la qualité de l’éducation est primordiale pour la réussite de la recherche et développement d’un pays. Au-delà des capacités de base, l’épanouissement d’un écosystème de l’innovation nécessite un enseignement supérieur garantissant l’autonomie des universités et se caractérisant par l’ouverture sur les acteurs extérieurs – notamment les milieux économiques et les collectivités territoriales – et à l’international.
Ensuite, la qualité des institutions et de la prise de décision est également décisive. Dans ce domaine, le modèle n’est pas unique : la vision disciplinée, sinon autoritaire, de la Corée du Sud correspond à un système culturel qui diffère fortement, par exemple, de l’insistance mise sur le dialogue et la qualité des réseaux expliquant les performances du système finlandais. La vision à long terme, la planification peuvent expliquer les succès chez certains, mais elle n’est pas systématique : en France, l’approche stratégique est récente et encore timide. Enfin, le financement doit désormais échapper à la logique de guichet et les appels à projets sont devenus la règle.
Les pays les plus performants ont en général adopté une coordination, formelle ou non, entre les principaux ministères concernés : Économie, Recherche, Enseignement supérieur, etc. L’articulation avec les territoires et l’échelon local de la recherche n’en est pas moins capitale. La décentralisation de la recherche et de l’innovation est devenue la règle ; encore faut-il que les acteurs locaux soient capables de nourrir des partenariats entre le monde académique, l’éducation et l’industrie. Les collectivités territoriales misent sur ces derniers afin de soutenir un écosystème à la source de leur développement et l’auteur cite quelques politiques spectaculaires en la matière : Séoul, Californie,
Monterrey, État de Sao Paulo, etc. La relation entre science et technologie est essentielle, et les universités américaines, qui ont investi dans des « campus d’innovation » l’ont bien compris. En France, le rapport Gallois a souligné le retard pris par l’enseignement technologique et professionnel, affaiblissant l’écosystème national d’innovation. Le manque d’ouverture de nos universités aux représentants du monde économique et généralement aux non universitaires nuit au système français.
Les enseignements de ce livre peuvent guider utilement les décideurs, tout en leur rappelant qu’il n’y a pas un modèle à copier, mais surtout que cette compétition entre les pays pour attirer les talents ou pour prendre de l’avance sur la frontière technologique en cache une autre, celle de la prospérité, ou de la puissance.
Professeur des universités à Sciences Po, l’auteur a également pris part à l’action institutionnelle en la matière, en tant que conseiller au directeur de la recherche technologique du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Son livre passe en revue un grand nombre de milieux d’innovation et la pluralité des cas proposés évite de sombrer dans le schématisme, tout en montrant les similitudes. Difficile équilibre qui détermine en fait la thèse de l’ouvrage : les modèles d’innovation ne sont pas reproductibles, mais la mondialisation fait converger un certain nombre de paramètres.
Les modèles ne sont pas reproductibles, parce qu’ils sont déterminés par l’environnement culturel, les rapports de forces politiques et le poids de l’histoire. Pourtant, le modèle américain a fini par influencer les autres, car il synthétise les facteurs de réussite que l’on retrouve ailleurs. Tout d’abord, la qualité de l’éducation est primordiale pour la réussite de la recherche et développement d’un pays. Au-delà des capacités de base, l’épanouissement d’un écosystème de l’innovation nécessite un enseignement supérieur garantissant l’autonomie des universités et se caractérisant par l’ouverture sur les acteurs extérieurs – notamment les milieux économiques et les collectivités territoriales – et à l’international.
Ensuite, la qualité des institutions et de la prise de décision est également décisive. Dans ce domaine, le modèle n’est pas unique : la vision disciplinée, sinon autoritaire, de la Corée du Sud correspond à un système culturel qui diffère fortement, par exemple, de l’insistance mise sur le dialogue et la qualité des réseaux expliquant les performances du système finlandais. La vision à long terme, la planification peuvent expliquer les succès chez certains, mais elle n’est pas systématique : en France, l’approche stratégique est récente et encore timide. Enfin, le financement doit désormais échapper à la logique de guichet et les appels à projets sont devenus la règle.
Les pays les plus performants ont en général adopté une coordination, formelle ou non, entre les principaux ministères concernés : Économie, Recherche, Enseignement supérieur, etc. L’articulation avec les territoires et l’échelon local de la recherche n’en est pas moins capitale. La décentralisation de la recherche et de l’innovation est devenue la règle ; encore faut-il que les acteurs locaux soient capables de nourrir des partenariats entre le monde académique, l’éducation et l’industrie. Les collectivités territoriales misent sur ces derniers afin de soutenir un écosystème à la source de leur développement et l’auteur cite quelques politiques spectaculaires en la matière : Séoul, Californie,
Monterrey, État de Sao Paulo, etc. La relation entre science et technologie est essentielle, et les universités américaines, qui ont investi dans des « campus d’innovation » l’ont bien compris. En France, le rapport Gallois a souligné le retard pris par l’enseignement technologique et professionnel, affaiblissant l’écosystème national d’innovation. Le manque d’ouverture de nos universités aux représentants du monde économique et généralement aux non universitaires nuit au système français.
Les enseignements de ce livre peuvent guider utilement les décideurs, tout en leur rappelant qu’il n’y a pas un modèle à copier, mais surtout que cette compétition entre les pays pour attirer les talents ou pour prendre de l’avance sur la frontière technologique en cache une autre, celle de la prospérité, ou de la puissance.