RDC de la guerre aux élections. L’ascension de Joseph Kabila et la naissance de la 3e République
Gauthier de Villers Paris, LHarmattan, 2009, 500 p.
Cet ouvrage écrit par un des meilleurs spécialistes de la République démocratique du Congo (RDC) est incontournable pour ceux qui veulent comprendre pourquoi et comment la RDC est le théâtre permanent de violence et de pillages. On estime que depuis 1998 5,4 millions de personnes sont décédées des suites directes ou indirectes de violences (rapport international Rescue Committee).
L’ouvrage de Gauthier de Villers décrit l’assassinat de L. D. Kabila le 16 janvier 2001, l’investiture de son fils Joseph le 24 janvier 2001, et la naissance de la IIIe République. Il permet de comprendre l’évolution politique et conflictuelle de l’ancien Congo belge puis Zaïre. Il se veut une histoire évènementielle reprenant P. Veyne selon lequel « Le tissu de l’histoire est ce que nous appelons une intrigue, un mélange très humain et très peu “scientifique” des causes matérielles, des fins et de hasards » (Comment on écrit l’histoire, Paris, Le Seuil, 1996).
L’ouvrage présente, avec une multitude d’informations et de sources, les enjeux des pouvoirs internes à la RDC et le rôle des États voisins et des puissances occidentales dans la vie politique congolaise. L’histoire congolaise est marquée par des renversements d’alliance, des affrontements et des compromis entre la Grande-Bretagne et les États-Unis soutenant l’Ouganda de Musaveni et le Rwanda de Paul Kagame alors que la Belgique et la France soutenaient plutôt Kinshasa. Les pays voisins le Rwanda et l’Ouganda mais également l’Afrique du Sud de Thabo Mbeki sont très présents. L’auteur retient toutefois la thèse de J. F. Bayart selon laquelle les pouvoirs africains ont fait de la dépendance une ressource stratégique et pour qui la politique de l’extraversion est un mode d’action historique. Les rapports de force et les enjeux de pouvoirs internes à la RDC dominent et le pillage permanent depuis Mobutu concerne moins les fuites de richesse que les redistributions à des réseaux clientélistes.
La partie la plus intéressante de l’ouvrage concerne la conflictualité. L’auteur mobilise un nombre important de rapports, d’études, d’ouvrages. Il prend partie sur les débats entre les économistes « universalistes » tels P. Collier opposant grief (greed) et avidité (grievance) et les politistes particularistes en faveur des derniers. Il fait sienne les analyses distinguant plusieurs acteurs privés (milices, rebelles, warlords et différenciant les guerres inter étatiques, les guerres inter congolaises et la constellation de guerres locales. Selon l’auteur les facteurs économiques tels l’avidité (grievance) ont une valeur explicative mais davantage en termes de risque probabilisable qu’en termes de compréhension des dynamiques réelles des conflits. La RDC demeure le lieu de conflits violents et d’une économie militarisée notamment au Katanga et surtout au Kivu. Au Katanga, le pillage continue dans le cuivre et le cobalt avec le rôle des grandes compagnies et la connivence des autorités. Le Kivu, région frontalière du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda, est doté de richesses naturelles ; il connaît une prolifération des armements et demeure un « chaudron » socio-ethnique. Le Nord Kivu subit l’onde de choc du génocide du Rwanda de 1994. Il est le lieu où se sont réfugiés les « génocidaires » hutus. Les rebelles appartiennent à des forces Hutus et Tutsis. Les enjeux de la guerre sont l’accès aux terres arables et les mines de coltan, d’or et d’étain. Le coltan a la couleur du bitume, l’odeur de l’argent et le goût du sang. L’économie militarisée s’est mise en place sous le contrôle des armées (de Kabila soutenu par l’Angola) et des milices et rebelles (Tutsis de Nkunda soutenu par Paul Kagame, Hutus du FDLR et Maï-Maï). Les militaires exploitent les jeunes « creuseurs », et sont liés aux politiques et aux trafiquants et réseaux d’exportation vers le Rwanda, le Burundi, la Zambie, et au-delà la Tanzanie et l’Ouganda. L’ouvrage sert également à comprendre les efforts de paix et les relatifs échecs de la communauté internationale.