See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Quelle justice pour les peuples en transition ?
par Kora Andrieu et Geoffroy Lauvau (dir.) - Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2014, 402p.
Au sein d’un État de droit, la place de la justice est essentielle. Elle devient incontournable dans un pays en pleine reconstruction à la suite d’une guerre, d’un coup d’État ou d’un génocide. Cette justice « transitionnelle » repose sur quatre axes : le procès, la révélation de la vérité, les réparations et les réformes administratives ; ce pour quatre objectifs : la reconnaissance, la confiance, la règle de droit et, à terme, la réconciliation. Cette justice a ainsi la lourde tâche d’intervenir dans des périodes troublées, où les tensions sociales et politiques sont à peine apaisées. Cet ouvrage collectif, dirigé par Geoffroy Lauvau (agrégé de philosophie politique et chargé de cours aux universités de Paris Assas, Paris Sorbonne et à Sciences Po Paris) et Kora Andrieu (docteur en philosophie politique et officier des droits de l’homme en charge du processus de justice transitionnelle au Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en Tunisie), entend précisément revenir sur ses origines, raisonnements et fonctionnements. À l’heure où la justice transitionnelle est invoquée par tous et partout, les auteurs soulèvent des questions juridiques, morales ou encore politiques plus que jamais pertinentes.
Alors que dans l’histoire des relations internationales, la paix et la justice ne semblaient pas complémentaires, l’émergence du droit international public contemporain dessina une possible combinaison globale en gommant cet antagonisme initial. Ainsi, « [l]a justice transitionnelle serait “révolutionnaire” parce qu’elle travaille les identités collectives en élaborant de nouvelles mythologies nationales. C’est ce credo qui a permis […] la diffusion internationale du modèle. » Souvent présentée comme un remède miracle, elle repose néanmoins sur de précaires équilibres, tant sociaux que politiques, voire même moraux. Ainsi, « une justice reconstructive, présentée parfois comme une alternative, ou un complément, à la justice pénale se voit mobilisée. Le droit à la vérité, le pardon, la reconnaissance publique de crimes ou encore les réparations apparaissent autant de manières, aussi, de rendre justice aux victimes de violations massives des droits de l’homme » (p. 8). En évoquant « les limites d’un conte de fée » (p. 113), les auteurs soulignent à la perfection toute l’ambiguïté du concept de réconciliation. Aussi, on retrouve souvent le slogan « ni oubli, ni pardon, justice ! » au sein des sociétés encore traumatisées par leur passé récent. Si les contributeurs ne contestent pas ou ne remettent pas en cause le principe de la justice transitionnelle, ils alertent sur ses dérives, ses contradictions, et appellent à une véritable réflexion sur ses implications.
La démarche de la justice transitionnelle est intrinsèquement ambitieuse. Selon les cas, il ne doit y avoir ni oubli ni amnistie, mais au contraire instruction, vérité et, parfois, pardon. Chaque hypothèse est propre et répond non seulement aux exactions commises, mais aussi au système politique et social du pays touché. Le modèle judiciaire doit prendre en compte l’ensemble des acteurs, des faits et ne doit rien omettre ou exclure. « Elle n’est pourtant pas qu’une belle idée : elle est aussi incarnée, juridiquement et politiquement » (p. 19). Elle possède ainsi quatre piliers principaux : le droit à la justice, le droit à la vérité, le droit à la réparation et la garantie de non-répétition, démontrant à la fois l’imbrication de ses éléments mais aussi toute la complexité de sa mise en œuvre.
Les auteurs reviennent tour à tour sur les exemples argentin, rwandais ou encore congolais et évoquent le « human rights turn ». Illustrant l’équilibre à trouver entre la justice et la vérité, l’impunité et la sanction, Raul Alfonsin, président argentin de la transition démocratique qui, après avoir lancé les procès de la junte, promulgua deux lois d’amnistie, le justifiera par « la crainte de perdre la démocratie alors en péril et le souci de protéger les droits de l’homme pour le futur » (p. 96). L’ensemble des contributions, en revenant sur un pays précis ou sur le concept de justice transitionnelle lui-même, permet de faire avancer le débat et de mettre en lumière la délicate équation. Rares sont les ouvrages qui suscitent autant de stimulation intellectuelle, appelant tant à nos connaissances théoriques qu’aux réflexions morales personnelles.
Alors que dans l’histoire des relations internationales, la paix et la justice ne semblaient pas complémentaires, l’émergence du droit international public contemporain dessina une possible combinaison globale en gommant cet antagonisme initial. Ainsi, « [l]a justice transitionnelle serait “révolutionnaire” parce qu’elle travaille les identités collectives en élaborant de nouvelles mythologies nationales. C’est ce credo qui a permis […] la diffusion internationale du modèle. » Souvent présentée comme un remède miracle, elle repose néanmoins sur de précaires équilibres, tant sociaux que politiques, voire même moraux. Ainsi, « une justice reconstructive, présentée parfois comme une alternative, ou un complément, à la justice pénale se voit mobilisée. Le droit à la vérité, le pardon, la reconnaissance publique de crimes ou encore les réparations apparaissent autant de manières, aussi, de rendre justice aux victimes de violations massives des droits de l’homme » (p. 8). En évoquant « les limites d’un conte de fée » (p. 113), les auteurs soulignent à la perfection toute l’ambiguïté du concept de réconciliation. Aussi, on retrouve souvent le slogan « ni oubli, ni pardon, justice ! » au sein des sociétés encore traumatisées par leur passé récent. Si les contributeurs ne contestent pas ou ne remettent pas en cause le principe de la justice transitionnelle, ils alertent sur ses dérives, ses contradictions, et appellent à une véritable réflexion sur ses implications.
La démarche de la justice transitionnelle est intrinsèquement ambitieuse. Selon les cas, il ne doit y avoir ni oubli ni amnistie, mais au contraire instruction, vérité et, parfois, pardon. Chaque hypothèse est propre et répond non seulement aux exactions commises, mais aussi au système politique et social du pays touché. Le modèle judiciaire doit prendre en compte l’ensemble des acteurs, des faits et ne doit rien omettre ou exclure. « Elle n’est pourtant pas qu’une belle idée : elle est aussi incarnée, juridiquement et politiquement » (p. 19). Elle possède ainsi quatre piliers principaux : le droit à la justice, le droit à la vérité, le droit à la réparation et la garantie de non-répétition, démontrant à la fois l’imbrication de ses éléments mais aussi toute la complexité de sa mise en œuvre.
Les auteurs reviennent tour à tour sur les exemples argentin, rwandais ou encore congolais et évoquent le « human rights turn ». Illustrant l’équilibre à trouver entre la justice et la vérité, l’impunité et la sanction, Raul Alfonsin, président argentin de la transition démocratique qui, après avoir lancé les procès de la junte, promulgua deux lois d’amnistie, le justifiera par « la crainte de perdre la démocratie alors en péril et le souci de protéger les droits de l’homme pour le futur » (p. 96). L’ensemble des contributions, en revenant sur un pays précis ou sur le concept de justice transitionnelle lui-même, permet de faire avancer le débat et de mettre en lumière la délicate équation. Rares sont les ouvrages qui suscitent autant de stimulation intellectuelle, appelant tant à nos connaissances théoriques qu’aux réflexions morales personnelles.