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Que veut Poutine ?
Par Jean-Robert Jouanny - Paris, Seuil, 2016, 176p.
Ancien élève de l’ENA et du MGIMO (Institut d’État de relations internationales de Moscou), Jean-Robert Jouanny est haut fonctionnaire. Il enseigne également la civilisation postsoviétique à Sciences Po Paris.
L’auteur dresse ici un paysage clair et concis de la Russie de Vladimir Poutine depuis sa première élection à la présidence de la Fédération en 1999. La thèse qu’il défend s’articule en trois parties : la politique intérieure de V. Poutine, les soubassements idéologiques du régime et la politique étrangère du président russe. L’ouvrage est intéressant en ce que l’auteur a pris le soin d’éviter l’écueil du parti pris. N’occultant pas les succès économiques et diplomatiques de la Russie sous la présidence de V. Poutine, il présente en effet aussi les faiblesses d’un pays qui peine à maintenir une économie compétitive, à rassurer sa jeunesse quant à son avenir et à dépasser une violence quasi systématique pour résoudre ses problèmes sur la scène internationale.
La première partie de l’ouvrage fait la part belle à la présentation du personnage de V. Poutine, avant de s’intéresser plus concrètement à sa politique intérieure. Dans une deuxième partie, l’auteur traite des bases idéologiques de son régime, plus particulièrement la façon dont, en fonction des situations domestique et extérieure du pays, le président russe fait preuve d’agilité médiatique et transforme la « rossiyskaya ideya » – l’« idée russe », qui amènerait une consolidation de la société dans cette période de « raskol » (schisme) dans laquelle V. Poutine arrive au pouvoir pour la première fois – en « russkiy mir » – le « monde russe », qui a dévié de son sens linguistique et culturel premier pour englober une réalité patriotique : Moscou doit disposer d’une tutelle naturelle sur le monde russe –, afin de s’assurer la fidélité de son électorat. Le « russkiy mir » justifie ainsi l’invasion de la Crimée puisque « le peuple russe et le peuple ukrainien sont quasiment un seul et même peuple » (p. 63). Enfin, dans la troisième partie de son livre, il s’intéresse à la façon dont la Russie de V. Poutine a réagi, au fur et à mesure de ses mandats, aux stimuli lancés par l’étranger lointain.
Selon J.-R. Jouanny, la Russie choisit de répondre de manière différenciée aux différentes problématiques posées par sa situation. Elle différencie sa politique à l’égard de son espace proche – volonté de créer une relation de dépendance et / ou de peur vis-à-vis de la Russie –, de l’Union européenne – remettre en cause le modèle européen, volonté notamment mise en lumière par l’incapacité des acteurs européens à empêcher la Russie d’annexer la Crimée –, de l’espace lointain – montrer que la Russie s’est relevée et est devenue un partenaire indispensable sur la scène internationale.
Néanmoins, il est important de noter que l’auteur ne sépare pas de manière dichotomique la politique domestique de la politique extérieure. Au contraire, la première influence lourdement la dernière. En effet, de manière extrêmement « pragmatique » – le terme est très souvent utilisé dans l’ouvrage pour qualifier la politique du président –, V. Poutine renforce la présence de son pays à l’international afin que la fierté retrouvée d’être russe masque une situation domestique problématique aussi bien aux niveaux économique, social que des libertés individuelles. Ainsi, l’auteur voit plutôt V. Poutine comme un tacticien que comme un stratège. Il agirait sur le court terme, en réponse à des stimuli, plutôt que de privilégier des politiques à long terme.
Il s’agit là d’un ouvrage très documenté, défendant une analyse intéressante sans être biaisée. Du point de vue de sa structure, néanmoins, peut-être aurait-il été plus pertinent d’évoquer les soubassements du régime de V. Poutine avant d’analyser les politiques domestique et extérieure menées par ce dernier, plutôt que séparer ces analyses.
L’auteur dresse ici un paysage clair et concis de la Russie de Vladimir Poutine depuis sa première élection à la présidence de la Fédération en 1999. La thèse qu’il défend s’articule en trois parties : la politique intérieure de V. Poutine, les soubassements idéologiques du régime et la politique étrangère du président russe. L’ouvrage est intéressant en ce que l’auteur a pris le soin d’éviter l’écueil du parti pris. N’occultant pas les succès économiques et diplomatiques de la Russie sous la présidence de V. Poutine, il présente en effet aussi les faiblesses d’un pays qui peine à maintenir une économie compétitive, à rassurer sa jeunesse quant à son avenir et à dépasser une violence quasi systématique pour résoudre ses problèmes sur la scène internationale.
La première partie de l’ouvrage fait la part belle à la présentation du personnage de V. Poutine, avant de s’intéresser plus concrètement à sa politique intérieure. Dans une deuxième partie, l’auteur traite des bases idéologiques de son régime, plus particulièrement la façon dont, en fonction des situations domestique et extérieure du pays, le président russe fait preuve d’agilité médiatique et transforme la « rossiyskaya ideya » – l’« idée russe », qui amènerait une consolidation de la société dans cette période de « raskol » (schisme) dans laquelle V. Poutine arrive au pouvoir pour la première fois – en « russkiy mir » – le « monde russe », qui a dévié de son sens linguistique et culturel premier pour englober une réalité patriotique : Moscou doit disposer d’une tutelle naturelle sur le monde russe –, afin de s’assurer la fidélité de son électorat. Le « russkiy mir » justifie ainsi l’invasion de la Crimée puisque « le peuple russe et le peuple ukrainien sont quasiment un seul et même peuple » (p. 63). Enfin, dans la troisième partie de son livre, il s’intéresse à la façon dont la Russie de V. Poutine a réagi, au fur et à mesure de ses mandats, aux stimuli lancés par l’étranger lointain.
Selon J.-R. Jouanny, la Russie choisit de répondre de manière différenciée aux différentes problématiques posées par sa situation. Elle différencie sa politique à l’égard de son espace proche – volonté de créer une relation de dépendance et / ou de peur vis-à-vis de la Russie –, de l’Union européenne – remettre en cause le modèle européen, volonté notamment mise en lumière par l’incapacité des acteurs européens à empêcher la Russie d’annexer la Crimée –, de l’espace lointain – montrer que la Russie s’est relevée et est devenue un partenaire indispensable sur la scène internationale.
Néanmoins, il est important de noter que l’auteur ne sépare pas de manière dichotomique la politique domestique de la politique extérieure. Au contraire, la première influence lourdement la dernière. En effet, de manière extrêmement « pragmatique » – le terme est très souvent utilisé dans l’ouvrage pour qualifier la politique du président –, V. Poutine renforce la présence de son pays à l’international afin que la fierté retrouvée d’être russe masque une situation domestique problématique aussi bien aux niveaux économique, social que des libertés individuelles. Ainsi, l’auteur voit plutôt V. Poutine comme un tacticien que comme un stratège. Il agirait sur le court terme, en réponse à des stimuli, plutôt que de privilégier des politiques à long terme.
Il s’agit là d’un ouvrage très documenté, défendant une analyse intéressante sans être biaisée. Du point de vue de sa structure, néanmoins, peut-être aurait-il été plus pertinent d’évoquer les soubassements du régime de V. Poutine avant d’analyser les politiques domestique et extérieure menées par ce dernier, plutôt que séparer ces analyses.