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Pirates en eaux somaliennes
Jean-Jacques Cécile Paris, Nouveau Monde Éditions, 2010, 280 p.
Si la piraterie maritime au large des côtes somaliennes fait la une des journaux depuis maintenant plusieurs années, elle constitue aujourd’hui plus que jamais une problématique brûlante, les pirates ayant de moyens de plus en plus développés et étendant sans cesse leur zone d’intervention. Au 15 février 2011, l’International Maritime Bureau[1] considère ainsi que les pirates somaliens détiennent 33 vaisseaux et 712 otages– dont 224 ont été fait prisonniers au début de l’année 2011.
Malgré l’importance du relais médiatique des faits de piraterie, le déroulement de ces événements ainsi que les enjeux géopolitiques et stratégiques qui les sous-tendent demeurent relativement obscurs. De ce fait, l’ouvrage de Jean-Jacques Cécile, ancien membre des services de renseignements militaires français , qui, dans une écriture légère et digne des meilleurs romans a suspens, étaye de nombreux cas de piraterie – soulignant au passage le très important travail de documentation sur lequel il s’appuie – semble tomber à point nommé.
Au fil de son récit, Jean-Jacques Cécile analyse l’histoire de la Somalie et les origines sociales, économiques et politiques de la piraterie somalienne, les formes qu’elle prend et les réponses qui lui sont apportées par les acteurs de la scène internationale. De nombreuses problématiques sociales, économiques, stratégiques et géopolitiques liées à la piraterie y sont ainsi soulignées. Parmi celles-ci, nous pouvons en évoquer quatre.
La première concerne les enjeux et conséquences économiques et sociales de la piraterie sur la société somalienne, où les rapports sont complexes entre les pirates, le groupe islamiste al-Shabaab al Mujahideen de plus en plus présent dans les différentes sphères sociales et les autres pans de la population.
L’ouvrage illustre également les bouleversements profonds provoqués par les conséquences de la piraterie dans les pays avoisinants, dont, en particulier, le Kenya – où les investissements des pirates ont entre autre favorisé un véritable boom immobilier dans les grandes villes comme Nairobi et Mombasa – et les Seychelles- dont l’économie fondée sur la pêche et le tourisme maritime, est, à l’inverse, durement touchée.
Ensuite, l’organisation même de la piraterie, son institutionnalisation progressive ainsi que les moyens utilisés par les pirates sont très largement analysés.
Enfin, la focalisation de l’auteur sur les stratégies militaires des différents acteurs internationaux engagés dans la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien révèle les multiples rapports de force sous-tendant ces actions militaires, dont les processus de décisions stratégiques apparaissent particulièrement complexes, en fournissant au lecteur de nombreuses informations habituellement difficiles à appréhender dans l’espace public, concernant tant les actions militaires elles-mêmes que les difficultés de poursuites juridiques et pénales des pirates arrêtés.
Sur ces questions, l’auteur propose, au fil de son récit, de nombreuses pistes de réflexions quant aux solutions à adopter et aux défis qui restent à relever pour combattre efficacement les actes de piraterie maritimes dans l’océan Indien.
Ainsi, s’il est parfois regrettable que la focalisation du récit sur les événements, les stratégies militaires mises en œuvre et moyens techniques utilisés rende l’analyse de l’auteur et le déroulement chronologique des faits relatés difficile à suivre, cet ouvrage demeure une référence incontournable par son effort pédagogique de mise en perspective des faits et enjeux de la piraterie somalienne.