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Pétrole, une guerre d’un siècle. L’ordre mondial anglo-américain
par William Engdahl - Paris, Jean-Cyrille Godefroy, 2015, 336p.
William Engdahl est un économiste et géopoliticien spécialiste des questions énergétiques. Son ouvrage a été un succès de librairie, traduit en une dizaine de langues. Rédigé dans sa première version en 1993, il a d’abord été publié en français en 2007. L’auteur y retrace l’empire exercé par l’industrie pétrolière sur l’économie mondiale. Il décrit les moyens que les Anglo-américains sont, selon lui, prêts à mettre en œuvre pour conserver une suprématie pétrolière renforcée au prix de deux guerres mondiales. « Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations », disait Henry Kissinger.
Selon l’auteur, le pétrole est ainsi devenu le nerf de la guerre et le fil d’Ariane permettant d’expliquer les stratégies des grandes puissances et les conflits. Il serait un facteur explicatif de la Première Guerre mondiale. Face à la montée en puissance de l’Allemagne, les banques américaines ont financé la guerre, tandis que le Royaume-Uni rivalisait avec les États-Unis pour le contrôle des sources d’approvisionnement en pétrole. Toujours selon l’auteur, avec la confirmation du Cheikh Yamani, le premier choc pétrolier résulterait d’une manipulation d’Henry Kissinger pour opérer un transfert massif de capitaux vers les banques de Londres et de New York. La géopolitique du pétrole serait également à l’origine de l’effondrement de l’Union soviétique, de l’éclatement de la Yougoslavie ou de l’arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan. Plus tard, la décision d’envahir l’Irak permettait d’assurer l’hégémonie de la puissance anglo-américaine.
W. Engdahl traite également des manipulations des opinions et des organisations non gouvernementales. Les mouvements écologistes anti-nucléaires auraient ainsi été financés par les grandes compagnies pétrolières. L’auteur défend la politique d’indépendance pétrolière et la volonté de « casser » le club des majors anglo-saxonnes d’Enrico Mattei, et de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ainsi que la volonté de privilégier le nucléaire du général de Gaulle.
Au-delà de la rhétorique anglo-saxonne, l’ouvrage vise à dévoiler les enjeux cachés et les dessous des cartes. Il est évidemment très éclairant sur ces certains points, notamment sur l’explication du premier choc pétrolier, sur les liens entre l’Arabie saoudite et les États-Unis et sur les guerres d’Irak. Il explique également très clairement comment la décomposition de l’Empire ottoman a conduit à redessiner les frontières dans l’intérêt des Anglo-saxons. Il défend une thèse qui rend la lecture passionnante en dévoilant des dessous de la diplomatie, mais est, faute de sources, moins convaincant sur l’origine des deux guerres mondiales, en adoptant une position pro-germanique et une explication monocausale des origines des conflits.
L’ouvrage met l’accent sur les sept majors et leur remise en question par Enrico Mattei et le général de Gaulle, mais ne traite pas du rôle des compagnies et des États des pays émergents. D’autres questions sont occultées, notamment celle du rôle joué par les États-Unis dans le processus de décolonisation en vue de briser le monopole des métropoles, ainsi que celle de la mondialisation des enjeux pétroliers du fait des explorations et des nouvelles technologies d’exploitation. En outre, l’auteur confond trop souvent les intérêts des groupes financiers et de l’industrie pétrolière et les intérêts géostratégiques des puissances politiques. Il cherche à donner une explication rationnelle aux stratégies sans prendre en compte les contradictions, les erreurs, les jeux de contrepouvoirs. En cela, il assimile souvent les conséquences des conflits ayant renforcé les hégémonies anglo-saxonnes avec les déterminants des guerres.
S’il est difficile, faute d’accès aux informations secrètes, de contredire certaines affirmations ou de les relativiser, la lecture de cet ouvrage au regard des évolutions récentes est un moyen de tester la validité de certaines hypothèses. Les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance analysée. Les enjeux climatiques ont pris de l’ampleur et remettent en question les stratégies des groupes pétroliers. La Chine est devenue le rival majeur des États-Unis. Ceux-ci ont été moins dépendants du pétrole du fait des gaz de schistes, et les Démocrates et les Républicains sont divisés sur le rôle des lobbies pétroliers et sur les mesures de réduction du CO2.
Selon l’auteur, le pétrole est ainsi devenu le nerf de la guerre et le fil d’Ariane permettant d’expliquer les stratégies des grandes puissances et les conflits. Il serait un facteur explicatif de la Première Guerre mondiale. Face à la montée en puissance de l’Allemagne, les banques américaines ont financé la guerre, tandis que le Royaume-Uni rivalisait avec les États-Unis pour le contrôle des sources d’approvisionnement en pétrole. Toujours selon l’auteur, avec la confirmation du Cheikh Yamani, le premier choc pétrolier résulterait d’une manipulation d’Henry Kissinger pour opérer un transfert massif de capitaux vers les banques de Londres et de New York. La géopolitique du pétrole serait également à l’origine de l’effondrement de l’Union soviétique, de l’éclatement de la Yougoslavie ou de l’arrivée au pouvoir des talibans en Afghanistan. Plus tard, la décision d’envahir l’Irak permettait d’assurer l’hégémonie de la puissance anglo-américaine.
W. Engdahl traite également des manipulations des opinions et des organisations non gouvernementales. Les mouvements écologistes anti-nucléaires auraient ainsi été financés par les grandes compagnies pétrolières. L’auteur défend la politique d’indépendance pétrolière et la volonté de « casser » le club des majors anglo-saxonnes d’Enrico Mattei, et de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ainsi que la volonté de privilégier le nucléaire du général de Gaulle.
Au-delà de la rhétorique anglo-saxonne, l’ouvrage vise à dévoiler les enjeux cachés et les dessous des cartes. Il est évidemment très éclairant sur ces certains points, notamment sur l’explication du premier choc pétrolier, sur les liens entre l’Arabie saoudite et les États-Unis et sur les guerres d’Irak. Il explique également très clairement comment la décomposition de l’Empire ottoman a conduit à redessiner les frontières dans l’intérêt des Anglo-saxons. Il défend une thèse qui rend la lecture passionnante en dévoilant des dessous de la diplomatie, mais est, faute de sources, moins convaincant sur l’origine des deux guerres mondiales, en adoptant une position pro-germanique et une explication monocausale des origines des conflits.
L’ouvrage met l’accent sur les sept majors et leur remise en question par Enrico Mattei et le général de Gaulle, mais ne traite pas du rôle des compagnies et des États des pays émergents. D’autres questions sont occultées, notamment celle du rôle joué par les États-Unis dans le processus de décolonisation en vue de briser le monopole des métropoles, ainsi que celle de la mondialisation des enjeux pétroliers du fait des explorations et des nouvelles technologies d’exploitation. En outre, l’auteur confond trop souvent les intérêts des groupes financiers et de l’industrie pétrolière et les intérêts géostratégiques des puissances politiques. Il cherche à donner une explication rationnelle aux stratégies sans prendre en compte les contradictions, les erreurs, les jeux de contrepouvoirs. En cela, il assimile souvent les conséquences des conflits ayant renforcé les hégémonies anglo-saxonnes avec les déterminants des guerres.
S’il est difficile, faute d’accès aux informations secrètes, de contredire certaines affirmations ou de les relativiser, la lecture de cet ouvrage au regard des évolutions récentes est un moyen de tester la validité de certaines hypothèses. Les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance analysée. Les enjeux climatiques ont pris de l’ampleur et remettent en question les stratégies des groupes pétroliers. La Chine est devenue le rival majeur des États-Unis. Ceux-ci ont été moins dépendants du pétrole du fait des gaz de schistes, et les Démocrates et les Républicains sont divisés sur le rôle des lobbies pétroliers et sur les mesures de réduction du CO2.