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Passages et mers arctiques : Géopolitique d’une région en mutation
Frédéric Lasserre (sous la dir.) Québec, Presse de lUniversité du Québec, 2010, 516 p.
« L’Arctique, cette “dernière frontièreˮ est apparemment en train de vivre son “Klondikeˮ de l’ère moderne » (p. 291) : alors que la presse évoque régulièrement « la bataille pour l’Arctique » qui ferait rage entre ses États riverains, cet ouvrage collectif, rédigé par des universitaires canadiens et dirigé par Frédéric Lasserre, se présente comme une étude très complète des multiples conséquences de la fonte accélérée des glaces polaires, essayant de démêler les véritables enjeux des mythes qui y sont attachés.
Divisé en quatre parties, Passages et mers arctiques s’ouvre ainsi sur les causes de ce regain d’intérêt pour l’Arctique : la fonte des glaces, liée au changement climatique, avec une mise en perspective historique des variations de l’étendue de la banquise qui permet de mesurer la rapidité des changements en cours dans la région.
Vient ensuite une seconde partie axée sur les acteurs politiques, leurs représentations et leurs stratégies : plutôt qu’une image de confrontation, se dégage plutôt celle d’une coopération – entre tous les États riverains au sein du Conseil de l’Arctique soit sur le plan scientifique, soit à travers des coalitions de causes plus inattendues, comme l’opposition entre d’une part la Russie et le Canada et d’autre part les États Unis et l’Union européenne concernant le statut des détroits arctiques –, malgré des frictions persistantes, en particulier sur la question des frontières maritimes.
La troisième partie se concentre plus spécifiquement sur le passage au crible des arguments des différentes parties au travers du droit international, et notamment de la Convention des Nations unies sur le Droit de la mer, ratifiée par tous les États riverains de l’Arctique à l’exception des États-Unis.
Quant à la quatrième partie, elle est centrée sur les enjeux économiques autour de l’Arctique. C’est d’ailleurs dans cette partie qu’un grand nombre de mythes sont mis à mal, de la surévaluation des ressources minières, au fantasme du développement d’une autoroute maritime dans la région, peu probable en raison des difficultés de navigation qui s’y rencontrent.
Dense, accompagné de nombreuses cartes qui permettent de saisir les enjeux territoriaux tout autant que de visualiser la géographie d’une région rarement évoquée en relations internationales, cet ouvrage étudie donc son objet dans toutes ses dimensions, des plus classiques – revendications des États concernant la souveraineté politique ou économique sur ces espaces – à d’autres, plus surprenantes : un chapitre est ainsi consacré au tourisme et à ses impacts sur l’environnement polaire.
Très documenté, Passages et mers arctiques se présente comme un état des lieux des enjeux liés à cette région du monde mais présente cependant une faiblesse, probablement due à la nationalité commune à tous les auteurs : l’ouvrage se focalise essentiellement sur l’Arctique canadien et la relation compliquée qu’entretient le Canada avec les États-Unis dans la zone, et l’on regrette l’absence de développements plus approfondis sur les autres États riverains, notamment la Russie.