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Par le feu et par le sang
Charles Enderlin Paris, Albin Michel, 2008, 370 p.
Les ouvrages de Charles Enderlin comptent généralement au rang des fondamentaux pour la compréhension des enjeux proche-orientaux, et plus précisément israélo-palestiniens. Un fait que vient, une fois de plus, confirmer la dernière de ses publications.
Par le feu et par le sang a en l’effet l’avantage non négligeable de nous éclairer sur l’un des pans fondamentaux, quoique toujours aussi controversé, de l’histoire d’Israël : celui des années qui précèdent la création de cet État. En 1936 en effet, éclate la Révolte arabe, événement sur lequel s’ouvre d’ailleurs l’ouvrage ; les Arabes de Palestine manifestaient alors leur mécontentement vis-à-vis d’une politique portée par les mandataires britanniques et qui favorisait des mouvements juifs de migration vers le territoire. La décision des Britanniques de limiter dès lors le nombre de juifs européens affluant en Palestine ne fera pas attendre ses effets : y répondront vite des violences de la part des sionistes de Palestine. Le tout dans un contexte où les relations entre communautés locales étaient elles-mêmes exacerbées, ce que souligne d’ailleurs très bien Par le feu et par le sang. Les missions d’enquêtes et le diagnostic qui ont pu par exemple être opérés par la Commission Peel, qui remettra ses conclusions en juillet 1937, ne changeront d’ailleurs rien à la donne, bien au contraire : avec le combat de certains sionistes pour l’obtention de l’indépendance de l’État d’Israël s’ouvrira un chapitre de l’histoire de l’État hébreu marqué par des actions de miliciens juifs que certains qualifieront de « terroristes », d’autres de « résistantes ». C’est d’ailleurs avec cette nuance présente à l’esprit qu’il convient de lire l’ouvrage de C. Enderlin. Et ce pour des raisons se rapportant notamment à l’absence de consensus aujourd’hui sur la qualification des actions armées développées par des formations palestiniennes.
Il est en effet une particularité qui sous-tend l’ouvrage de C. Enderlin : son retour sur le cursus politique et militant de plusieurs formations ayant œuvré pour l’indépendance d’Israël sans s’épargner aucun moyen d’action. On pense bien entendu ici à l’Irgoun, au Lehi..., des mouvements qui ont eu recours à la violence afin de faire valoir leurs objectifs. Ce n’est ainsi pas le moindre des mérites du livre que de nous éclairer sur le parcours d’hommes politiques israéliens qui, issus de ou s’étant orientés vers l’extrême droite, ont eu recours à la violence pour faire aboutir leur combat. En témoignent, entre autres, les exemples de Menahem Begin et de Itzhak Shamir. Dit autrement, et c’est là l’un des enseignements majeurs de cet ouvrage, tout combat pour l’indépendance étatique se fait rarement sans recours aux armes, quitte à ce que cela intervienne de la manière la plus moralement condamnable qui soit. Il n’y a aucunement là tentative de justification de cet acte, mais plutôt la formulation d’un constat précis. À savoir que ce qui est reproché aux formations palestiniennes aujourd’hui – le recours au « terrorisme » – a eu son précédent côté sioniste avec la lutte pour l’indépendance d’Israël.
C. Enderlin ne sous-entend d’ailleurs probablement rien d’autre lorsqu’il affirme, en conclusion, que « le vieil adage : “Le terroriste des uns est le combattant de la liberté des autres” s’est vérifié en Israël aussi ».
Mais ce n’est là que l’un des prismes à travers lesquels se lit l’ouvrage. Car au final, il demeure impossible de résumer l’intégralité d’un ouvrage qui foisonne de détails et informations des plus diverses, des plus pertinentes et des plus intéressantes. En ce sens, le lecteur non initié pourra se plonger dans Par le feu et par le sang comme il le ferait avec un roman historique traditionnel, encore qu’une culture politique relative aux origines du conflit israélo-palestinien soit recommandée pour une bonne compréhension de l’ouvrage. Mais en parallèle, les spécialistes confirmés de cette même question ne seront pas en reste, puisqu’on ne compte pas le nombre d’informations et de documents officiels qui jonchent le récit de C. Enderlin.
Par le feu et par le sang a cela de commun avec les ouvrages précédents de C. Enderlin qu’il témoigne sur l’une des phases clés de l’histoire du conflit israélo-palestinien. Avec, en parallèle, l’opportunité qu’il offre au lecteur de se faire son opinion par rapport à ses propres référents et grille d’analyse. La lecture de cet ouvrage de référence n’en devient qu’encore plus utile.