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Palestine/Israël : un État, deux États ?
Dominique Vidal Actes Sud/Institut des études palestiniennes
Formulée de la sorte, en titre de cet ouvrage collectif, cette question peut paraître quelque peu anachronique en plein débat à l’ONU sur la reconnaissance pleine et entière d’un État palestinien. Pourtant, cette question est bel et bien d’actualité. En témoigne le fait qu’après être tombée en désuétude pendant plus de vingt ans – notamment suite aux accords d’Oslo qui privilégiaient une solution de séparation et de partition territoriale – l’éventualité d’une solution à un seul État a refait surface et est à nouveau sujette à débat, notamment au vu de l’impasse dans laquelle se trouve les négociations israélo-palestiniennes. Rassemblant neuf articles de différents auteurs cet ouvrage n’a pas la prétention de trancher définitivement la question, comme expliqué en introduction, mais simplement de poser les bases du débat, et d’éclairer la situation actuelle.
À cet égard, le tableau qu’il dresse est sombre, et l’on ne peut que se montrer pessimiste quant aux perspectives futures. En effet, si, notamment sur le plan juridique, la demande étatique palestinienne est tout à fait légitime, un certain nombre de réalités concrètes mettent profondément en doute sa viabilité. Ainsi, depuis 1967, et de manière accélérée durant les vingt dernières années, les autorités israéliennes ont mené une politique aboutissant à une situation qui, sur le terrain, rend caduc la conclusion d’un accord de paix basé sur une logique de séparation menant à la création de deux États. Dans ce dessein, et dans le cadre de l’occupation des territoires palestiniens et de leur colonisation, cette politique a mêlé différentes approches : démographique, d’abord, avec la mise en place d’une « démographie de combat » (p. 75) expansionniste qui a vu la population de colons en Cisjordanie être multipliée par quatorze en trente ans, pour atteindre un seuil critique rédhibitoire ; économique, ensuite, par le biais d’un processus de « dé-développement » (p. 121) qui a empêché l’émergence d’une économie palestinienne indépendante et viable ; politico-sécuritaire, enfin, à travers la logique d’expansion territoriale et, de facto, de mitage de la réalité territoriale palestinienne, et la multiplication des restrictions d’accès et de circulation envers les Palestiniens, processus qui a débouché sur une « bantoustanisation » (p. 174) des territoires palestiniens. Le cas particulier de Jérusalem-Est est la métaphore parfaite de cette politique, et la meilleure illustration de ses conséquences.
C’est donc dans ce contexte que la solution d’un accord de paix à un seul État est récemment réapparue sur le devant de la scène. Solution qui a été défendue jusqu’en 1988 par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et qui avait eu ses partisans au sein du Yichouv (le proto-État juif en Palestine mandataire), sans pour autant y trouver d’expression politique majoritaire. Néanmoins, cette solution ne constitue en aucun cas la panacée, comme le soulignent notamment Dominique Vidal en introduction, ainsi que Gadi Algazi et Farouk Mardam-Bey dans leurs articles respectifs. D’une part, elle demeure très théorique, notamment pour ce qui est de la nature et de la structure de cet État. D’autre part, elle viendrait à contre-courant de plus de deux décennies durant la communauté internationale dans son ensemble a promu une solution à deux États et a tenté de convaincre les deux populations de son inéluctabilité. Par conséquent, elle demanderait un travail de plaidoyer et de persuasion très important, notamment du côté israélien, en ce qu’elle marquerait la fin du rêve sioniste de création d’un État-nation juif.
De par la multiplicité de ses points de vue et le portrait sans concession des réalités actuelles du terrain, cet ouvrage est très enrichissant et permet de bien illustrer les problématiques sous-tendant le débat opposant solution à un État unique et solution à deux États. De sorte que, à sa lumière, la tentative unilatérale palestinienne de reconnaissance pleine et entière à l’ONU apparaît un peu comme la dernière chance de la solution à deux États. Pour autant, un succès diplomatique ne signifierait en aucun cas sa réalisation concrète. Quant à son échec, il conduirait à s’intéresser plus concrètement à la solution d’un état binational.