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Où va l’Amérique d’Obama ?
Hervé de Carmoy, Alexandre Adler Paris, PUF, 2011, 189 p.
Quel avenir pour la puissance et la société américaines ? Hervé de Carmoy, banquier et expert de la finance internationale, et Alexandre Adler, journaliste et historien spécialiste des relations internationales, posent la question dans cet essai synthétique, à la fois bilan et travail de prospective sur les États-Unis.
Après un long prologue signé A. Adler, H. de Carmoy nous livre un état des lieux fouillé des forces et des faiblesses, des chances et des conséquences d’une transformation de l’« Amérique » (on peut au passage être surpris du raccourci consistant à utiliser le terme « Amérique » pour désigner les États-Unis). En toile de fond, toujours la même question : alors que les États-Unis doivent aujourd’hui faire face à des problèmes d’endettement et de sous-emploi, alors que leur politique unilatérale est de plus en plus remise en question, pourront-ils et voudront-ils prendre les décisions qui s’imposent dans les domaines stratégiques où les intérêts américains ne sont pas seuls en jeu ?
Dans le domaine financier notamment, malgré les différentes réglementations mises en place depuis 2008, l’auteur rappelle que la finance de l’ombre (shadow banking) n’est toujours pas régulée. C’est pourtant un secteur qui affecte la finance mondiale. Et H. de Carmoy ne cache pas son inquiétude quant à ce qu’il appelle le « souci du chiffre d’affaires » des Américains (p. 89).
Mais, profondément optimiste, l’auteur revient sur les forces dont le pays dispose. D’abord la démographie : moyenne d’âge en baisse, multiculturalisme qui s’affirme, immigration notamment asiatique hautement qualifiée, autant de facteurs qui lui permettent de conserver une capacité d’innovation scientifique et technologique. Ensuite la puissance militaire et son avance dans ce domaine.
« L’Amérique a quitté le chemin des Croisés pour occuper la croisée des chemins. Il lui appartient en effet, dans l’intérêt général du monde comme dans le sien propre, et celui de ses citoyens, de tourner une page, celle de l’hyperpuissance » (p. 175). Constat sans appel : le monde a changé, les États-Unis doivent le reconnaître et agir en conséquence. Aussi, l’auteur évoque-t-il un recentrage des États-Unis sur eux-mêmes et la nécessité de revenir aux fondamentaux. Tout d’abord, (re-)créer une base industrielle, ce qui sera possible grâce au pragmatisme et à l’esprit d’entreprise des Américains (l’auteur ne cesse tout au long de l’ouvrage de se référer aux valeurs selon lui fondamentales de la société américaine). La réforme financière est également un élément clé – l’auteur prône « un retour de l’éthique » (p. 92) –, tout comme la réduction des déficits publics ou la relance de la croissance économique (avec de forts investissements dans l’éducation, la recherche, les infrastructures, etc.). Quant à la politique internationale des États-Unis, dans la lignée de son précédent ouvrage (L’Euramérique, PUF, 2007), l’auteur plaide pour une nouvelle alliance avec l’Europe. Mais les États-Unis sont-ils prêts pour tous ces changements ? Tout ceci ne se fera que sur le long terme, et le pays devra tenir compte de l’évolution du reste du monde, avec qui la collaboration dans de nombreux secteurs est inévitable.
Grand ami des États-Unis, H. de Carmoy rappelle la capacité du peuple américain à se remettre en cause, quand bien même ce processus peut être douloureux. L’élection de Barack Obama ne serait donc que la première étape et la partie visible des mutations en profondeur que connait actuellement le pays. Alors que certains annoncent le déclin de la puissance américaine, l’auteur voit un pays qui se transforme pour mieux renaître. Pour lui, les États-Unis ont toutes les cartes en main pour demeurer une grande puissance. Et H. de Carmoy de conclure, en écho au prologue d’A. Adler, que l’histoire est faite de cycles. Ainsi, « […] l’Amérique saura se reconstruire. L’Amérique le peut. À terme, elle le voudra » (p. 189).