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Obama’s Wars
Bob Woodward Simon & Schuster, 2010, 464 p.
Depuis son rôle dans la révélation de l’affaire du Watergate, Bob Woodward est un vieux loup du journalisme politique américain. Avec ses ouvrages-références sur la CIA, l’Administration Clinton ou la FED, le journaliste du Washington Post se plait à décortiquer les ficelles du pouvoir et à comprendre le mode opératoire de la décision politique. Dans Obama Wars, Bob Woodward choisit cette fois-ci d’analyser la gestion de la Guerre d’Afghanistan par l’Administration Obama, de l’élection de 2008 à la décision annoncée le 1er décembre 2009 de renforcer le contingent américain en Afghanistan de 30 000 hommes supplémentaires. L’objectif pour Woodward est de comprendre le processus décisionnel qui a guidé le Président Américain.
Profitant d’un accès privilégié aux documents et réunions confidentielles de la Maison Blanche, l’auteur révèle avec détails la gestion du dossier par les différents acteurs : R. Gates, H. Clinton, J. Biden, Petraeus, Mc Chrystal, Holbrooke mais aussi la CIA, le FBI, le DNI, le Pentagone, etc. On découvre non sans avidité les rancœurs, désaccords et frictions entre les plus hauts membres de l’Administration. Rempli d’anecdotes et de mini-révélations, ce livre met également en lumière les méthodes de travail personnelles du président Obama, ainsi que la nature de ses relations avec son administration.
Outre l’intérêt de nous ouvrir les portes de la Maison Blanche, Obama Wars reflète la perception des enjeux de la guerre d’Afghanistan par Washington. A son arrivée dans le Bureau Ovale, B. Obama doit faire face à une inquiétante détérioration de la situation afghane. Mais le retrait progressif des troupes d’Irak lui donne l’opportunité, défendue par les militaires, de renforcer le contingent en Afghanistan. Dos au mur, B. Obama s’accorde toutefois le temps de la réflexion et organise de longues sessions (strategy reviews) à la Maison Blanche avec tous les acteurs du dossier afin de soupeser toutes les options. Le récit de ces débats révèle un rapport de force majeur autour du Président, entre le pouvoir militaire, qui, fort du succès du Surge en Irak, est largement favorable à un déploiement supplémentaire sur le terrain et le pouvoir civil qui doute de l’adéquation de cette méthode en Afghanistan.
Tout au long des débats, l’Administration se trouve incapable de s’accorder sur l’objectif premier de la Guerre d’Afghanistan : éliminer Al-Qaïda ? Vaincre, ou affaiblir les Talibans ? Autre point d’achoppement, le cadre du conflit : faut-il intervenir au Pakistan ? Ou se concentrer sur le sud de l’Afghanistan ? Quelle relation engager avec le gouvernement Karzaï ? etc. L’hésitation d’Obama à envoyer plus de troupes s’explique ainsi par l’incapacité de l’administration à déterminer avec clarté les paramètres mêmes du conflit, et traduit en filigrane les doutes d’une nation en guerre et encore profondément marquée par le syndrome du Vietnam.
Entre la crainte de l’escalade militaire, les pressions du Pentagone et la nécessité pour le jeune président d’afficher de la fermeté sans pour autant aliéner sa filiation politique, la guerre d’Afghanistan a été le premier grand défi pour le Président Obama. En choisissant d’augmenter les troupes au sol, il a finalement suivi l’avis des militaires tout en imposant une première échéance de retrait (juillet 2011). Mais à travers cette décision, il aura surtout choisi de prendre à son compte ce qui est d’ores et déjà la plus longue guerre militaire jamais entreprise par les États-Unis.