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Nationalismes régionaux : un défi pour l’Europe
Franck Tétart Bruxelles, De Boeck, 2009, 112 p.
L’Union européenne est, selon sa devise, « unie dans la diversité ». Michel Foucher, lors d’un colloque en mai 2009, parlait lui de diversité dans l’unité[1]. En effet, au sein d’une Europe dans laquelle les nations se sont unies, on constate depuis la fin du XXe siècle une résurgence des revendications nationales de minorités, non seulement dans les Balkans ou en Géorgie, dans lesquels l’éclatement du bloc soviétique a entraîné une prolifération étatique, mais aussi au sein de la « vieille Europe » en Catalogne, au Pays basque ou en Flandre belge. Malgré la taille réduite de l’ouvrage, celui-ci est très détaillé et précis. L’auteur a en effet pris soin de consacrer la moitié de son livre à rappeler et à analyser les fondements de l’identité nationale, avant d’appliquer ce fondement théorique à des situations actuelles de nationalisme. Le rappel historique confronte le concept d’État au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La distinction entre la vision française et la vision allemande met en lumière la difficulté de définir la nation et surtout les composantes de celle-ci, entre la langue commune, le territoire, l’Histoire ou la communauté de vie économique. De même, l’auteur s’attarde sur la notion de nationalisme, sa polysémie et la difficulté de concordance entre nation et État. En effet, « un État n’est pas forcément une nation » et « une nation n’est pas forcément un État ». Par une analyse précise, l’auteur rappelle que le nationalisme peut trouver son fondement le plus souvent dans la langue ou dans le territoire. La langue, d’une part, comme moyen d’affirmation identitaire ; le territoire, d’autre part, par la volonté d’une nation de réunir au sein de son territoire l’ensemble des représentants de son ethnie ou au contraire d’expulser de son territoire les représentants d’autres ethnies. Après une telle démonstration, l’analyse de la situation des Balkans, réunissant sept États indépendants dont la stabilité fait débat, devient bien plus aisée. Un élément passionnant de l’ouvrage de Franck Tétart est la démonstration que, si l’unification européenne et la mondialisation gomment les différences en entraînant une convergence des modes de vie, loin de réduire le nationalisme, elles ont eu au contraire l’effet de renforcer le besoin des individus de conserver « une identité propre, considérée comme plus proche, plus familière, en somme plus rassurante » (p. 51). De plus, l’Union européenne, en favorisant l’Europe des régions, a créé des conditions particulièrement propices à l’émergence des nationalismes régionaux, alors que dans le même temps les États cèdent depuis 1957 des parts de plus en plus importantes de leur souveraineté à l’Union. L’un des apports principaux de cet ouvrage est l’importance que l’auteur accorde au nationalisme « économique ». En effet, au delà du seul critère identitaire, qui certes existe, il n’est pas possible de pleinement comprendre les revendications autonomistes de la Catalogne, de la Flandre, ou de l’Italie du Nord sans prendre en compte cette motivation essentielle que sont les contingences économiques. L’Italie du Nord industrielle ne voudrait plus payer pour le Mezzogiorno moins développé, tout comme la Flandre belge ne souhaite plus participer au financement de la Wallonie. Alors qu’il souligne les excès du nationalisme, et la difficulté d’empêcher les peuples de revendiquer leur identité, l’auteur conclue sur une note optimiste, voyant dans l’Union européenne une structure institutionnelle aux valeurs universelles, qui pourra permettre la reconnaissance des identités et des autonomies tout en limitant les excès du nationalisme. En une centaine de pages, cet ouvrage de grande qualité permet de saisir, de manière approfondie, les mécanismes qui sous-tendent le nationalisme régional et les situations de conflit nationaliste.