Mondialisation et compétition Pourquoi certains pays émergents réussissent et d’autres non
Luis Carlos Bresser-Pereira Traduit de langlais par Yann Guillaud Paris, La Découverte, 2009, 204 p.
Dans la veine de la critique du consensus de Washington, ce chercheur et ancien ministre des Finances du Brésil remet en cause les politiques de réformes néo-libérales préconisées durant les années 1990, et établit les prescriptions pour une politique économique alternative. Ce qu’il nomme le « nouveau développementisme » s’oppose aussi aux anciennes politiques de développement latino-américaines de l’après guerre qui avaient mené à des erreurs, dont une certaine forme de populisme.
Selon l’auteur, la mondialisation n’est ni un malheur, ni une bénédiction, mais simplement un nouveau contexte offrant à l’État toute latitude pour maintenir sa prééminence dans la définition des politiques économiques, notamment en conduisant la stratégie nationale de développement.
Il considère, en premier lieu, qu’il faut savoir échapper au « mondialisme », cette croyance selon laquelle la transnationalisation des mouvements économiques et financiers est inévitable, pilotée en dernier lieu par une sorte de gouvernance mondiale construite sur le réseau des organisations internationales. Pour cela, il faut que les élites nationales sachent s’affranchir de l’hégémonie intellectuelle anglo-saxonne, ce que les Asiatiques ont mieux réussi qu’ailleurs.
L’État développementiste a d’abord triomphé en Asie, mais d’autres pays aux revenus moyens peuvent suivre la même voie. Il doit mobiliser l’épargne intérieure – parfois forcée – mener une planification indicative et une politique industrielle – complétée par une dose de protectionnisme –, orienter les investissements dans le capital humain, et s’appuyer sur des institutions publiques de qualité. Rien n’oblige à ce que cet État soit dirigé par une démocratie soucieuse du respect des droits de la propriété et des contrats (antienne du consensus de Washington) : les investisseurs sont prêts à prendre des risques si les taux de profits sont élevés. En revanche, il est important d’atteindre un certain équilibre entre rigueur budgétaire, rémunérations, profits, inflation et plein emploi. Le partage du coût initial du développement doit être négocié entre les différents groupes sociaux pour préserver la stabilité du pays.
L’instrument fondamental dans l’arbitrage, pour cet auteur, reste le « taux de change compétitif ». Il part du constat que le financement du développement par l’épargne extérieure se conjugue souvent avec le « syndrome hollandais », c’est-à-dire un afflux de devises provenant d’un excédent commercial nourri de l’exportation de matières premières ou de biens manufacturés à faible coût de main d’œuvre. Le financement par l’épargne extérieure soutient surtout la consommation, notamment celle des classes moyennes ou aisées, et aboutit à un endettement intenable (typique de l’Amérique latine des années 1980-1990). Seuls quelques États développementistes ont réussi à combiner stratégie nationale de croissance et appel à l’épargne extérieure.
Dans l’ensemble, il s’agit d’un ouvrage relativement facile d’accès, mais qui a tendance à se répéter. Si l’on suit l’auteur, les politiques de développement seraient assez aisées à définir et à mener. Il tend à asséner les mêmes messages à longueur d’ouvrage ; de fait, celui-ci en dit moins que l’ambitieux titre affiché, et on aimerait un peu plus de profondeur dans la réflexion et dans les exemples évoqués. Ce livre a finalement le mérite de proposer une solution pour certains pays à revenus intermédiaires – typiquement ceux qui se rapprochent de la situation brésilienne.