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Minerais stratégiques. Enjeux africains
par Apoli Bertrand Kameni - Paris, Presses universitaires de France, 2013, 242 p.
Difficile de venir plus à propos pour l’ouvrage d’Apoli Bertrand Kameni, lauréat de la 15e édition du prix Le Monde de la recherche universitaire, en 2012. Au moment où la France est engagée sur les théâtres malien et centrafricain, ce livre apporte une nouvelle grille de compréhension des conflits en Afrique, en rupture avec la traditionnelle lecture ethno-culturelle. C’est ainsi à travers le prisme minier que l’auteur propose d’analyser la dynamique des conflits.
Apoli Bertrand Kameni s’attache à démontrer qu’il existe bien une corrélation entre les innovations industrielles et technologiques dans les États industrialisés, les cours des minerais stratégiques et la violence armée en Afrique. Il tente d’esquisser une matrice des conflits africains, « dont les phases de tensions et les périodes d’accalmie dépendent des demandes internationales [en minerais] » (p. 148). Le croisement perpétuel des dynamiques globales et locales sont au coeur de ces logiques conflictuelles. Les États industrialisés, soucieux de sécuriser leurs approvisionnements en minerais vitaux pour « leurs industries de puissance» (militaire, électro-nucléaire, aéronautique, automobile, nouvelles technologies de l’information et de la communication [NTIC], technologies « vertes »), cherchent à s’appuyer sur des acteurs locaux pour accéder aux ressources. Sur le plan interne, ces derniers sont en compétition pour le contrôle de la rente issue de l’exploitation des ressources minières. Dans cette double logique, l’enchevêtrement des intérêts de chacun est générateur de tensions plus ou moins vives selon les cours des minerais stratégiques. Pour l’auteur, la nouvelle concurrence asiatique conduit ainsi à l’émergence d’une « logique de Fachoda » (p. 141) entre les puissances historiquement implantées et la Chine. À l’image de cet épisode historique symbole de la rivalité coloniale franco-britannique, les États situés sur la ligne Pretoria-N’Djamena (Afrique du Sud, Botswana, Zambie, République démocratique du Congo [RDC], République centrafricaine [RCA] et Tchad) sont « les plus soumis aux forces centrifuges antagoniques» (p. 97) et déstabilisatrices, exercées par la concurrence entre puissances extra-africaines.
L’analyse s’articule en deux parties, correspondant aux répercussions conflictuelles des deux évolutions technologiques majeures depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans un premier temps, Apoli Bertrand Kameni examine les conséquences africaines de l’essor du nucléaire militaire, puis civil. Il met en exergue le lien de filiation entre les besoins en uranium des puissances occidentales dans le contexte de la guerre froide et le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Il démontre également que le développement de l’électro-nucléaire civil, après 1973, marque le point de départ du cycle de la violence politique au Niger. Enfin, il se penche sur la situation en RCA. «Contrairement au Niger où le conflit concerne l’uranium en production, en RCA l’affrontement porte sur l’opportunité même de l’ouverture de la mine [de Bakouma, qui contiendrait 700000 tonnes d’uranium] » (p. 89). Tandis que les régimes qui se succèdent à Bangui poussent pour une ouverture rapide, les puissances extra-africaines sont en concurrence pour «mettre la main sur le coffre» et «manœuvrent pour n’ouvrir la mine qu’au moment le plus économiquement opportun» (p. 89), étant donné les contraintes géographiques et environnementales du site.
Le second temps de la démonstration s’intéresse à l’impact de la révolution des NTIC et des technologies « vertes », consommatrices de nouveaux matériaux stratégiques. Les différents conflits qui ont ébranlé et qui continuent d’ébranler la RDC, constituent la trame de ce développement. Argent, coltan, cobalt, cuivre, germanium, cassitérite, or et platinoïdes sont ainsi autant de minéraux au cœur des conflits africains et de la compétition entre «États industriels rivaux».
Structurée autour d’études de cas, la démonstration avance, au risque de rester générale. Pourtant, c’est bien lorsque l’auteur livre les détails des soutiens matériels et financiers apportés par les acteurs extra-africains à leurs alliés locaux que l’analyse prend tout son sens et toute son épaisseur.
Apoli Bertrand Kameni s’attache à démontrer qu’il existe bien une corrélation entre les innovations industrielles et technologiques dans les États industrialisés, les cours des minerais stratégiques et la violence armée en Afrique. Il tente d’esquisser une matrice des conflits africains, « dont les phases de tensions et les périodes d’accalmie dépendent des demandes internationales [en minerais] » (p. 148). Le croisement perpétuel des dynamiques globales et locales sont au coeur de ces logiques conflictuelles. Les États industrialisés, soucieux de sécuriser leurs approvisionnements en minerais vitaux pour « leurs industries de puissance» (militaire, électro-nucléaire, aéronautique, automobile, nouvelles technologies de l’information et de la communication [NTIC], technologies « vertes »), cherchent à s’appuyer sur des acteurs locaux pour accéder aux ressources. Sur le plan interne, ces derniers sont en compétition pour le contrôle de la rente issue de l’exploitation des ressources minières. Dans cette double logique, l’enchevêtrement des intérêts de chacun est générateur de tensions plus ou moins vives selon les cours des minerais stratégiques. Pour l’auteur, la nouvelle concurrence asiatique conduit ainsi à l’émergence d’une « logique de Fachoda » (p. 141) entre les puissances historiquement implantées et la Chine. À l’image de cet épisode historique symbole de la rivalité coloniale franco-britannique, les États situés sur la ligne Pretoria-N’Djamena (Afrique du Sud, Botswana, Zambie, République démocratique du Congo [RDC], République centrafricaine [RCA] et Tchad) sont « les plus soumis aux forces centrifuges antagoniques» (p. 97) et déstabilisatrices, exercées par la concurrence entre puissances extra-africaines.
L’analyse s’articule en deux parties, correspondant aux répercussions conflictuelles des deux évolutions technologiques majeures depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans un premier temps, Apoli Bertrand Kameni examine les conséquences africaines de l’essor du nucléaire militaire, puis civil. Il met en exergue le lien de filiation entre les besoins en uranium des puissances occidentales dans le contexte de la guerre froide et le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Il démontre également que le développement de l’électro-nucléaire civil, après 1973, marque le point de départ du cycle de la violence politique au Niger. Enfin, il se penche sur la situation en RCA. «Contrairement au Niger où le conflit concerne l’uranium en production, en RCA l’affrontement porte sur l’opportunité même de l’ouverture de la mine [de Bakouma, qui contiendrait 700000 tonnes d’uranium] » (p. 89). Tandis que les régimes qui se succèdent à Bangui poussent pour une ouverture rapide, les puissances extra-africaines sont en concurrence pour «mettre la main sur le coffre» et «manœuvrent pour n’ouvrir la mine qu’au moment le plus économiquement opportun» (p. 89), étant donné les contraintes géographiques et environnementales du site.
Le second temps de la démonstration s’intéresse à l’impact de la révolution des NTIC et des technologies « vertes », consommatrices de nouveaux matériaux stratégiques. Les différents conflits qui ont ébranlé et qui continuent d’ébranler la RDC, constituent la trame de ce développement. Argent, coltan, cobalt, cuivre, germanium, cassitérite, or et platinoïdes sont ainsi autant de minéraux au cœur des conflits africains et de la compétition entre «États industriels rivaux».
Structurée autour d’études de cas, la démonstration avance, au risque de rester générale. Pourtant, c’est bien lorsque l’auteur livre les détails des soutiens matériels et financiers apportés par les acteurs extra-africains à leurs alliés locaux que l’analyse prend tout son sens et toute son épaisseur.