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Migrations africaines : le codéveloppement en questions. Essai de démographie politique
par Cris Beauchemin, Lama Kabbanji, Papa Sakho et Bruno Schoumaker (dir.) - Paris, Armand Colin, 2013, 343 p.
Cet ouvrage présente les principaux enseignements tirés du programme de recherche Migrations entre l’Afrique et l’Europe (MAFE), qui se focalise sur les flux en provenance de la République démocratique du Congo (RDC), du Sénégal et du Ghana. L’approche particulière affichée – la « démographie politique » – vise à « mobiliser les outils de la démographie pour essayer de répondre à des préoccupations politiques » (p. 20). Les partenariats de codéveloppement ont connu un grand essor lors de la décennie précédente, lorsque des programmes financiers, tant nationaux qu’européens, ont décliné « l’approche globale des migrations » telle que définie par la Commission européenne : il s’agissait de limiter l’essor des flux migratoires africains, en liant l’aide des pays d’accueil en faveur du développement, la coopération des pays du Sud dans la lutte contre les départs d’immigrés clandestins et le soutien au retour volontaire des migrants.
Les contributeurs contestent, tout d’abord, la thèse qu’un essor de flux migratoires africains aurait marqué ces vingt dernières années. Ensuite, ils soulignent que l’effort financier principal de ces programmes a porté surtout sur les mesures de contrôle des flux, plutôt que sur l’aide au développement. Il faudrait nuancer leur position, d’une part en interrogeant la prise en compte de l’incertitude statistique qui entoure les flux migratoires clandestins et, d’autre part, en rappelant que l’essentiel de l’aide au développement – notamment européenne – passe par d’autres canaux que les programmes de codéveloppement. Ces remarques étant posées, les constats de l’ouvrage ouvrent des perspectives intéressantes pour les politiques publiques en la matière.
Les flux migratoires vers le Nord se caractérisent par une sélection sévère en matière de niveau d’éducation : les plus diplômés partent vers l’Europe plutôt que vers un autre pays africain. Un nombre considérable de migrants reviennent au pays : 50 % des partants rentrent après dix années de séjour à l’étranger. En revanche, les retours résultant de l’action des politiques étudiées demeurent marginaux : la crainte de ne pouvoir repartir freine l’adhésion des migrants à des programmes d’aide au retour à court ou moyen terme.
L’étude montre que les transferts financiers vers le pays de départ sont importants, mais qu’ils s’opèrent essentiellement en faveur de la famille, et de plus en plus selon une logique individuelle. Ils représentent « une place non négligeable dans le quotidien des familles des migrants » (p. 154) et jouent un rôle majeur dans le marché locatif d’une ville comme Dakar, par exemple. Même si l’amélioration des conditions de vie demeure un champ à étudier, l’étude montre toutefois que l’émigration a permis aux migrants issus de catégories sociales défavorisées de combler une partie des inégalités sociales dont ils souffraient à leur retour. En revanche, bien qu’il note que la logique de consommation prime sur la logique d’investissement, l’ouvrage laisse de côté l’impact sur le développement économique.
Il est difficile de dresser un portrait du migrant de retour, tant le groupe manque d’homogénéité. Les migrants, à leur retour, ne peuvent pas véritablement s’appuyer sur l’action publique, notamment locale. Les plus vulnérables, et particulièrement les personnes rapatriées de force, ne sont pas soutenus : « les migrants qui s’en tirent le mieux économiquement et socialement sont ceux qui ont voulu et préparé leur retour alors que ceux dont le retour a été contraint rencontrent le plus de difficultés à se réinsérer » (p. 330). Constat à méditer pour les concepteurs des futurs programmes, qu’ils soient africains ou européens.
Les contributeurs contestent, tout d’abord, la thèse qu’un essor de flux migratoires africains aurait marqué ces vingt dernières années. Ensuite, ils soulignent que l’effort financier principal de ces programmes a porté surtout sur les mesures de contrôle des flux, plutôt que sur l’aide au développement. Il faudrait nuancer leur position, d’une part en interrogeant la prise en compte de l’incertitude statistique qui entoure les flux migratoires clandestins et, d’autre part, en rappelant que l’essentiel de l’aide au développement – notamment européenne – passe par d’autres canaux que les programmes de codéveloppement. Ces remarques étant posées, les constats de l’ouvrage ouvrent des perspectives intéressantes pour les politiques publiques en la matière.
Les flux migratoires vers le Nord se caractérisent par une sélection sévère en matière de niveau d’éducation : les plus diplômés partent vers l’Europe plutôt que vers un autre pays africain. Un nombre considérable de migrants reviennent au pays : 50 % des partants rentrent après dix années de séjour à l’étranger. En revanche, les retours résultant de l’action des politiques étudiées demeurent marginaux : la crainte de ne pouvoir repartir freine l’adhésion des migrants à des programmes d’aide au retour à court ou moyen terme.
L’étude montre que les transferts financiers vers le pays de départ sont importants, mais qu’ils s’opèrent essentiellement en faveur de la famille, et de plus en plus selon une logique individuelle. Ils représentent « une place non négligeable dans le quotidien des familles des migrants » (p. 154) et jouent un rôle majeur dans le marché locatif d’une ville comme Dakar, par exemple. Même si l’amélioration des conditions de vie demeure un champ à étudier, l’étude montre toutefois que l’émigration a permis aux migrants issus de catégories sociales défavorisées de combler une partie des inégalités sociales dont ils souffraient à leur retour. En revanche, bien qu’il note que la logique de consommation prime sur la logique d’investissement, l’ouvrage laisse de côté l’impact sur le développement économique.
Il est difficile de dresser un portrait du migrant de retour, tant le groupe manque d’homogénéité. Les migrants, à leur retour, ne peuvent pas véritablement s’appuyer sur l’action publique, notamment locale. Les plus vulnérables, et particulièrement les personnes rapatriées de force, ne sont pas soutenus : « les migrants qui s’en tirent le mieux économiquement et socialement sont ceux qui ont voulu et préparé leur retour alors que ceux dont le retour a été contraint rencontrent le plus de difficultés à se réinsérer » (p. 330). Constat à méditer pour les concepteurs des futurs programmes, qu’ils soient africains ou européens.