See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
Mali
par Amzat Boukari-Yabara - Louvain-la-Neuve, De Boeck, coll. Monde arabe / Monde musulman, 2014, 128p.
La maison d’édition De Boeck a initié depuis 2013 une collection intitulée « Monde arabe / Monde musulman » qui propose d’examiner, dans une région en pleine mutation depuis les printemps arabes de 2011, une série d’enjeux politiques, économiques et sociaux en lien avec la progression et les transformations de l’islam. Si le choix d’effectuer cette exploration pays par pays pourrait décevoir de prime abord, la lecture de l’ouvrage sur le Mali, écrit par Amzat Boukari-Yabara, montre au contraire l’intérêt de ce parti pris, tant les dimensions nationales et étatiques demeurent fondamentales dans les dynamiques intérieures et géopolitiques du monde musulman. Ceci est d’autant plus vrai que la collection intègre des pays d’Afrique subsaharienne qui participent pleinement à l’actualité et à la complexité des défis de cet ensemble régional arabo-musulman.
Ce petit ouvrage sur le Mali répond à ces exigences et parvient, en 120 pages, à offrir au lecteur un panorama historique, politique, économique et social du Mali contemporain, à la fois actualisé et problématisé. La crise de 2012, marquée par le coup d’État militaire et l’invasion du Nord-Mali par les groupes islamistes fournit l’arrière-plan de cette lecture approfondie d’un pays confronté au spectre de l’éclatement et à de multiples urgences économiques et sociales. L’ouvrage ne s’attarde guère sur l’expérience démocratique malienne, dont on sait aujourd’hui la fragilité. Les années de la transition démocratique (années 1990), les années « ATT » (2002-2012, les deux mandats du président Amadou Toumani Touré) et la crise de 2012 sont situées dans la continuité de la parenthèse socialiste du régime de Modibo Keita à l’indépendance, puis du régime autoritaire de Moussa Traoré après son coup d’État en 1968. Les continuités historiques d’un pays qui a connu d’importantes transformations économiques, politiques et culturelles sont à l’honneur tout au long de l’ouvrage. À cet égard, on relit avec intérêt que l’islam a été introduit dès le VIIe siècle et connaît un poids politique croissant au gré des développements politiques, notamment dans le cadre des puissants empires du Mali du XIe au XVIe siècles (empires du Mali, du Songhay, de Tombouctou).
Aujourd’hui, la population malienne comprend 90 % de musulmans, dont 80 % pratiquent le malékisme, « l’une des grandes écoles de jurisprudence du courant sunnite majoritaire de l’islam. L’école malékite privilégie le recours à l’opinion personnelle, à l’analyse par analogie ; et à l’interprétation consensuelle du droit islamique avec une prise en compte des cas particuliers pour faire évoluer la jurisprudence générale » (p. 46). Si la présence de l’islam a récemment entraîné l’adoption d’un Code de la famille restrictif pour le droit des femmes, la société malienne est également animée par des combats politiques d’égalité et de justice sociale, notamment parmi les femmes et de nombreuses composantes de la société attachées à l’unité nationale. Ces impératifs de construction nationale et les défis de l’intégration – en particulier de la composante touarègue du Nord entrée en guerre au début des années 1990 – sont mis à rude épreuve dans un contexte économique de crise permanente liée à la dette publique, à la détérioration du système de santé et d’éducation, autant de contraintes présentées de façon concise mais précise. L’auteur ne se limite pas aux développements historiques et géopolitiques, et n’oublie pas de souligner la grande richesse culturelle, musicale et cinématographique qui continue de faire rayonner le Mali bien au-delà du continent africain.
Les nombreuses aides à la lecture, cartes, encadrés et résumés analytiques qui ponctuent chaque chapitre enrichissent sans conteste ce livre. La maîtrise des connaissances sur un sujet aussi large ne peut que présager de la réussite d’un autre ouvrage du même auteur, qui présentait dans la même collection le Nigeria en 2013. Cet ouvrage permet sans doute de mieux situer les origines des graves tensions que connaît le Nord musulman ainsi que les assauts mortifères de la secte Boko Haram depuis quelques années et, plus largement, de penser, à partir de l’Afrique subsaharienne, la progression de l’islam radical et du djihadisme.
Ce petit ouvrage sur le Mali répond à ces exigences et parvient, en 120 pages, à offrir au lecteur un panorama historique, politique, économique et social du Mali contemporain, à la fois actualisé et problématisé. La crise de 2012, marquée par le coup d’État militaire et l’invasion du Nord-Mali par les groupes islamistes fournit l’arrière-plan de cette lecture approfondie d’un pays confronté au spectre de l’éclatement et à de multiples urgences économiques et sociales. L’ouvrage ne s’attarde guère sur l’expérience démocratique malienne, dont on sait aujourd’hui la fragilité. Les années de la transition démocratique (années 1990), les années « ATT » (2002-2012, les deux mandats du président Amadou Toumani Touré) et la crise de 2012 sont situées dans la continuité de la parenthèse socialiste du régime de Modibo Keita à l’indépendance, puis du régime autoritaire de Moussa Traoré après son coup d’État en 1968. Les continuités historiques d’un pays qui a connu d’importantes transformations économiques, politiques et culturelles sont à l’honneur tout au long de l’ouvrage. À cet égard, on relit avec intérêt que l’islam a été introduit dès le VIIe siècle et connaît un poids politique croissant au gré des développements politiques, notamment dans le cadre des puissants empires du Mali du XIe au XVIe siècles (empires du Mali, du Songhay, de Tombouctou).
Aujourd’hui, la population malienne comprend 90 % de musulmans, dont 80 % pratiquent le malékisme, « l’une des grandes écoles de jurisprudence du courant sunnite majoritaire de l’islam. L’école malékite privilégie le recours à l’opinion personnelle, à l’analyse par analogie ; et à l’interprétation consensuelle du droit islamique avec une prise en compte des cas particuliers pour faire évoluer la jurisprudence générale » (p. 46). Si la présence de l’islam a récemment entraîné l’adoption d’un Code de la famille restrictif pour le droit des femmes, la société malienne est également animée par des combats politiques d’égalité et de justice sociale, notamment parmi les femmes et de nombreuses composantes de la société attachées à l’unité nationale. Ces impératifs de construction nationale et les défis de l’intégration – en particulier de la composante touarègue du Nord entrée en guerre au début des années 1990 – sont mis à rude épreuve dans un contexte économique de crise permanente liée à la dette publique, à la détérioration du système de santé et d’éducation, autant de contraintes présentées de façon concise mais précise. L’auteur ne se limite pas aux développements historiques et géopolitiques, et n’oublie pas de souligner la grande richesse culturelle, musicale et cinématographique qui continue de faire rayonner le Mali bien au-delà du continent africain.
Les nombreuses aides à la lecture, cartes, encadrés et résumés analytiques qui ponctuent chaque chapitre enrichissent sans conteste ce livre. La maîtrise des connaissances sur un sujet aussi large ne peut que présager de la réussite d’un autre ouvrage du même auteur, qui présentait dans la même collection le Nigeria en 2013. Cet ouvrage permet sans doute de mieux situer les origines des graves tensions que connaît le Nord musulman ainsi que les assauts mortifères de la secte Boko Haram depuis quelques années et, plus largement, de penser, à partir de l’Afrique subsaharienne, la progression de l’islam radical et du djihadisme.