L’Union européenne et la sécurité internationale
René Schwok et Frédérique Merand Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, 2009
Après l’échec de la Communauté européenne de défense en 1954, l’union entre les pays européens s’est fondée sur la coopération économique et sociale. Jusqu’au milieu des années 1990, l’étude du rôle de l’Union européenne comme acteur de la sécurité internationale était presque absente de la littérature universitaire. Les seules contributions, menées par des auteurs, défenseurs de l’intergouvernementalisme, visaient à démontrer les raisons pour lesquelles une communauté européenne de défense ne pourrait pas voir le jour dans l’Union européenne. Or, sous l’impulsion du traité d’Amsterdam en 1997 et de l’accord entre la Grande Bretagne et la France lors du sommet de Saint Malo en décembre 1998, s’est développée en dix ans une véritable politique européenne de sécurité commune (PESC) et de défense (PESD).
Issu de plusieurs conférences universitaires, l’ouvrage collectif dirigé par René Schwok et Frédéric Merand est l’une des première synthèses sur la position de l’Union européenne face à la sécurité internationale. Il présente la richesse de procurer une analyse à la fois théorique et pratique.
Les contributions de la première partie fournissent une analyse détaillée du fondement théorique de la sécurité internationale de l’Union européenne. Les auteurs font appel tantôt à l’analyse juridique, tantôt à la science politique, tantôt aux relations internationales, pour présenter les théories qui expliquent et justifient l’action de l’Union ou de ses États membres. René Schwok résume la particularité de l’Union européenne en soulignant que « c’est le seul système au monde où des décisions sont prises, des politiques publiques sont appliquées et des règles sont imposées par un mécanisme qui n’est pas celui d’un gouvernement élu et responsable ». Il parle d’une gouvernance multi-niveaux où les décisions sont prises par de nombreux acteurs. La théorie intergouvernementaliste, qui prétend que les États sont les acteurs principaux dans l’élaboration de la politique étrangère, rend donc l’Union européenne difficile à appréhender. De son coté, l’approche constructiviste, qui voit dans la politique de sécurité internationale une européanisation croissante et naturelle liée au processus d’intégration européenne, peine à convaincre une partie des auteurs.
Dans une seconde partie, les auteurs ont voulu mettre en application ces théories. Ils évitent l’écueil d’une présentation trop empirique et la pratique est systématiquement confrontée à l’analyse théorique. Qu’il s’agisse de l’élargissement de l’Union européenne, de la politique de voisinage, de la gestion de la crise palestinienne ou de la politique de sécurité africaine de l’Union européenne, chacun des contributeurs démontre comment l’Union européenne est devenue, aux cotés de l’OTAN, un acteur à part entière de la sécurité internationale. L’analyse est complétée par la relation de cette politique de l’Union avec les autres acteurs majeurs de la sécurité internationale que sont la Russie et les États-Unis. On apprécie notamment le triptyque présenté pour résumer les relations Euro-russes par l’adhésion impossible, la confrontation improbable et la coopération nécessaire, qui démontre la complexité des relations de sécurité avec un État considéré parfois comme « objet » de la politique de sécurité et d’autres fois comme partenaire de l’Union européenne.
La confrontation de la théorie à ces analyses pratiques renforce le sentiment de difficulté d’appréhender la politique de sécurité internationale de l’Union européenne, « objet politique non identifié » pour reprendre les termes de Jacques Delors, au moyen des outils traditionnels d’analyse des relations internationales. Aucune des analyses théoriques ne semble vraiment l’emporter.
Un ouvrage de référence pour saisir, enfin, les enjeux de la politique de sécurité internationale de l’Union européenne.