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L’ordre hiérarchique international
Par Vincent Pouliot - Paris, Presses de Sciences Po, 2016, 198p.
Des grandes conférences multipartites aux sommets intergouvernementaux, les pratiques diplomatiques multilatérales se sont imposées comme le processus ordinaire par lequel les relations internationales sont menées. Professeur agrégé et William Dawson Scholar au département de science politique de l’Université McGill, chercheur associé au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po, Vincent Pouliot se penche ici sur la richesse et la complexité de ces pratiques et la manière dont elles construisent les ordres hiérarchiques internationaux qui structurent la diplomatie multilatérale. L’ordre hiérarchique international s’attelle plus précisément à décortiquer la pratique de la forme la plus institutionnalisée du multilatéralisme à travers une comparaison du fonctionnement de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Organisation des Nations unies (ONU) : la représentation permanente auprès des grandes organisations internationales. L’auteur adopte les outils analytiques de la sociologie politique pour interroger les pratiques diplomatiques au plus haut niveau dans ce qu’elles peuvent compter de rapports de domination, comme le signale le sous-titre de l’ouvrage : « Les luttes de rang dans la diplomatie multilatérale ».
V.Pouliot cherche ainsi à démystifier une apparente contradiction : comment la diplomatie, qui suppose l’égalité souveraine des États, peut-elle aboutir à une telle hiérarchisation entre les acteurs à la table des négociations multilatérales ? Sans nier les aspects d’institutionnalisation de l’égalité des États par le biais du multilatéralisme, l’auteur attire l’attention sur la dynamique de stratification sociale à l’œuvre. Si les théoriciens critiques ou postcoloniaux avaient déjà souligné la multiplication des inégalités dans la gouvernance mondiale, V. Pouliot va plus loin encore en montrant que les ordres hiérarchiques internationaux seraient endogènes au mode d’action multilatéral. Une telle approche permet d’observer que le multilatéralisme n’est pas le grand outil d’égalisation sociale qu’on pourrait croire, mais qu’au contraire, la pratique de la diplomatie multilatérale est fondamentalement imprégnée de rapports de forces qui conditionnent son existence même.
C’est par la pratique que cette stratification sociale émerge sur la scène internationale : à travers les négociations quotidiennes, les représentants d’États entrent en concurrence les uns avec les autres pour établir leur rang et leur rôle, avec des savoir-faire inégaux qui engendrent des différences de statut. La hiérarchie précède les acteurs et s’impose donc comme une infrastructure sociale dont il n’est pas possible de s’extirper et à laquelle doivent donc se plier les délégués se situant en bas de l’échelle.
L’auteur, qui se propose d’effectuer « une visite guidée de la salle des machines de la politique mondiale » (p. 181), initie le lecteur aux procédures opérationnelles, aux habitus, jusqu’aux routines quotidiennes de la diplomatie. Il propose de comprendre ce qui se passe dans les antichambres multilatérales, et comment l’analyse extrêmement précise de ces tractations permet d’éclairer la gouvernance mondiale de manière nouvelle. Dans une annexe méthodologique riche en références, il justifie ses choix d’études de cas et détaille les méthodes utilisées : étude théorique des pratiques diplomatiques, entretiens qualitatifs restitués pour partie ou encore analyse de correspondances.
Construit avec pédagogie dans la tradition des manuels anglo-saxons, l’ouvrage s’inscrit pleinement dans le champ francophone des relations internationales, en convoquant autant les classiques de la discipline que de grands sociologues. L’auteur y insiste sur l’aspect pratique de la diplomatie, à travers une écriture à la fois claire et richement illustrée par des figures ou des extraits d’entretiens. Au final, cette synthèse limpide s’avère extrêmement utile pour appréhender de manière très concrète la réalité qui peut sembler parfois si éthérée de la diplomatie multilatérale de haut rang.
V.Pouliot cherche ainsi à démystifier une apparente contradiction : comment la diplomatie, qui suppose l’égalité souveraine des États, peut-elle aboutir à une telle hiérarchisation entre les acteurs à la table des négociations multilatérales ? Sans nier les aspects d’institutionnalisation de l’égalité des États par le biais du multilatéralisme, l’auteur attire l’attention sur la dynamique de stratification sociale à l’œuvre. Si les théoriciens critiques ou postcoloniaux avaient déjà souligné la multiplication des inégalités dans la gouvernance mondiale, V. Pouliot va plus loin encore en montrant que les ordres hiérarchiques internationaux seraient endogènes au mode d’action multilatéral. Une telle approche permet d’observer que le multilatéralisme n’est pas le grand outil d’égalisation sociale qu’on pourrait croire, mais qu’au contraire, la pratique de la diplomatie multilatérale est fondamentalement imprégnée de rapports de forces qui conditionnent son existence même.
C’est par la pratique que cette stratification sociale émerge sur la scène internationale : à travers les négociations quotidiennes, les représentants d’États entrent en concurrence les uns avec les autres pour établir leur rang et leur rôle, avec des savoir-faire inégaux qui engendrent des différences de statut. La hiérarchie précède les acteurs et s’impose donc comme une infrastructure sociale dont il n’est pas possible de s’extirper et à laquelle doivent donc se plier les délégués se situant en bas de l’échelle.
L’auteur, qui se propose d’effectuer « une visite guidée de la salle des machines de la politique mondiale » (p. 181), initie le lecteur aux procédures opérationnelles, aux habitus, jusqu’aux routines quotidiennes de la diplomatie. Il propose de comprendre ce qui se passe dans les antichambres multilatérales, et comment l’analyse extrêmement précise de ces tractations permet d’éclairer la gouvernance mondiale de manière nouvelle. Dans une annexe méthodologique riche en références, il justifie ses choix d’études de cas et détaille les méthodes utilisées : étude théorique des pratiques diplomatiques, entretiens qualitatifs restitués pour partie ou encore analyse de correspondances.
Construit avec pédagogie dans la tradition des manuels anglo-saxons, l’ouvrage s’inscrit pleinement dans le champ francophone des relations internationales, en convoquant autant les classiques de la discipline que de grands sociologues. L’auteur y insiste sur l’aspect pratique de la diplomatie, à travers une écriture à la fois claire et richement illustrée par des figures ou des extraits d’entretiens. Au final, cette synthèse limpide s’avère extrêmement utile pour appréhender de manière très concrète la réalité qui peut sembler parfois si éthérée de la diplomatie multilatérale de haut rang.