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L’opinion européenne en 2012
Dominique Reynié (dir.) Éditions Lignes de Repères, Paris, 2012, 210 p.
Alors que l’Union européenne (UE) est au bord du gouffre, la treizième édition de L’opinion européenne propose une réflexion sur l’état de la société civile européenne. Sous la direction de Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, cet ouvrage rassemble les contributions de quatorze spécialistes de la question européenne dont le sociologue et philosophe allemand Jürgen Habermas. Aux profils variés, sociologues, historiens, juristes, experts électoraux, les auteurs de cet ouvrage nous livrent une analyse précise d’une opinion européenne en émergence, saisie dans toute sa complexité.
Force est de constater qu’avec l’inquiétante montée des populismes, la démocratie européenne ne se porte pas bien. Néanmoins, certains auteurs de cet ouvrage proposent des solutions pour remédier au déficit démocratique, au manque d’efficacité et de légitimité politique de l’UE. C’est ainsi notamment que J. Habermas propose « un pacte pour l’Europe » (p. 13), alternative selon laquelle la Commission exercerait ses fonctions avec l’approbation du Conseil et du Parlement européens.
Les dirigeants européens hésitent sur les décisions à prendre, reflet de l’ambivalence des sentiments des Européens vis-à-vis d’une « idée européenne » (p. 25) en perte de vitesse. Aversion à l’égard de l’unification européenne et euroscepticisme semblent être les sentiments dominants chez les Européens déçus du déficit d’union et du manque de dynamique politique de l’Europe (D. Reynié). J. Habermas souligne ainsi que la crise européenne n’est pas seulement économique mais aussi politique. Paradoxalement, comme le mettent en évidence les auteurs, alors que l’État est perçu comme faible, les Européens comprennent la nécessité de l’Union, qui se révèle être « l’acteur le plus à même d’agir efficacement contre les effets de la crise financière et économique » (p. 68).
La puissance de la crise menace la cohésion de l’UE. Les mesures prises pour résoudre la crise économique restent pour la plupart inefficaces, mettant en lumière les racines politiques de la crise européenne. Dans ce contexte, les auteurs s’interrogent sur l’existence d’une identité européenne qui pourrait favoriser une intégration plus poussée. Certains sont pessimistes quant à l’existence d’une telle identité. Bernard Bruneteau d’un côté se demande si l’idée européenne ne serait pas « derrière nous » (p. 33) et Marie-Laure Basilien-Gainche de l’autre soutient que l’identité européenne reste en devenir. Son propos semble être confirmé par le fait que l’identité européenne est « peu affirmée chez les jeunes » européens (p. 106). D’autres auteurs sont en revanche plus optimistes et croient à l’émergence d’un « peuple européen » (p. 73). Elisabeth Dupoirier affirme que l’UE propose une politique identitaire forte tandis que Florence Chaltiel souligne qu’il existe des fondements pour un peuple européen : loi commune, possibilité d’initiative citoyenne européenne. Ce peuple européen aurait un pouvoir insuffisant du fait de la méconnaissance des institutions et des lieux de pouvoir. C’est pourquoi la médiatisation positive de l’UE ainsi que l’éducation civique européenne sont primordiales.
Cette publication offre un panorama complet de l’opinion européenne et permet de comprendre l’impasse dans laquelle se trouve l’UE à l’heure actuelle, ni catégoriquement rejetée, ni franchement plébiscitée. L’attention portée aux sentiments des Européens met bien en lumière leur relation presque schizophrénique à l’idée européenne. Éclairant le débat par leurs analyses de l’opinion européenne, les auteurs ne manquent pas de faire remarquer qu’il y a encore beaucoup à faire pour l’avenir de l’Europe et proposent ainsi des éléments de réflexion pour résoudre la crise politique qu’elle traverse.