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L’islam, un ennemi idéal
par John R. Bowen - Paris, Albin Michel, 2014, 133 p.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, il semble que les musulmans soient devenus de nouveaux boucs émissaires. Alors que l’on observe une certaine résurgence de l’islamophobie, la publication de cet ouvrage paraît opportune. L’anthropologue américain John R. Bowen tend ainsi à déconstruire plusieurs idées communes présentes en Europe et aux États-Unis.
En premier lieu, l’auteur éclaire la notion de multiculturalisme. Aujourd’hui, le « multiculturalisme d’État » (p. 36) – les politiques mises en place par les gouvernements pour accueillir les migrants et les intégrer – est critiqué par diverses personnalités publiques. David Cameron reproche, par exemple, aux politiques multiculturalistes de créer un phénomène de ségrégation, condamnant par là même un communautarisme musulman. J. R. Bowen rejette l’argumentation du Premier ministre britannique, ce phénomène pouvant s’expliquer par une reproduction des schémas familiaux et tribaux qui existent dans les pays d’origine des migrants. Si cela peut nuire à l’interaction et susciter de l’incompréhension, ce ne sont pas les politiques multiculturalistes qui sont à blâmer. L’auteur justifie également la politique française de soutien à la construction de mosquées, d’écoles religieuses ou d’usines d’abattage de viande halal – souvent critiquée –, comme ancrée dans une tradition dont chaque groupe religieux a pu bénéficier. Ainsi, une fausse lecture de l’histoire a conduit à une condamnation du multiculturalisme.
L’auteur s’oppose ensuite à l’idée selon laquelle l’islam « envahirait » l’Europe via l’immigration musulmane, créant un conflit de valeurs sans fin avec l’Occident. Cette immigration s’est opérée par nécessité économique, et non dans un projet de recréer l’oumma en Europe. L’auteur conteste l’existence d’un conflit de valeurs entre Occident et islam, mais démontre qu’il existe entre croyants en général – musulmans ou autres – et non-croyants. Quant à l’idée fantaisiste d’une « prise d’assaut » des villes européennes par l’islam – notamment en raison de taux de fécondité prétendument élevés chez les musulmans –, elle est facilement réfutée par l’auteur, statistiques à l’appui.
R. Bowen souhaite également rectifier l’image d’une nation britannique aux communautés fermées, où l’islam s’incorporerait au droit. Dès les années 1960, l’État a encouragé la création d’associations « ethniques » locales pour régler des différends familiaux, répondre aux besoins des musulmans, etc. Des conseils de la charia ont émergé, agissant uniquement sur le plan religieux. Ces conseils ne créent pas d’effets juridiques et ne « menacent » en aucun cas le droit anglais, en parallèle duquel ils se développent.
Enfin, il faut s’inquiéter des campagnes anti-charia menées aux États-Unis. De nombreux observateurs estiment que la charia « a pénétré les décisions de justice de l’État » (p. 122) et six États ont adopté des lois anti-charia. Si plusieurs tribunaux ont pris en compte des jugements de juridictions étrangères conformes à la charia, cela s’est toujours fait en conformité avec le droit américain. Si les cours sont habilitées à valider juridiquement des contrats religieux, il ne s’agit pas pour autant d’appliquer la charia.
La thèse de l’auteur est donc qu’une meilleure compréhension et connaissance de l’islam permettrait de lui ôter son caractère étranger. Cela passe par une meilleure prise en compte des besoins des musulmans – notamment davantage de mosquées, d’écoles etc. –, à l’image du modèle anglais.
Si cet ouvrage se veut pédagogique, le raisonnement de l’auteur est parfois diffus. On note également des répétitions superflues. Peut-être est-ce dû au format du livre, qui se veut une compilation d’articles, donnant l’impression d’une accumulation d’arguments sans visée précise. Néanmoins, l’objectif principal – démontrer que l’islam n’est pas « l’ennemi » des sociétés occidentales – est atteint.
En premier lieu, l’auteur éclaire la notion de multiculturalisme. Aujourd’hui, le « multiculturalisme d’État » (p. 36) – les politiques mises en place par les gouvernements pour accueillir les migrants et les intégrer – est critiqué par diverses personnalités publiques. David Cameron reproche, par exemple, aux politiques multiculturalistes de créer un phénomène de ségrégation, condamnant par là même un communautarisme musulman. J. R. Bowen rejette l’argumentation du Premier ministre britannique, ce phénomène pouvant s’expliquer par une reproduction des schémas familiaux et tribaux qui existent dans les pays d’origine des migrants. Si cela peut nuire à l’interaction et susciter de l’incompréhension, ce ne sont pas les politiques multiculturalistes qui sont à blâmer. L’auteur justifie également la politique française de soutien à la construction de mosquées, d’écoles religieuses ou d’usines d’abattage de viande halal – souvent critiquée –, comme ancrée dans une tradition dont chaque groupe religieux a pu bénéficier. Ainsi, une fausse lecture de l’histoire a conduit à une condamnation du multiculturalisme.
L’auteur s’oppose ensuite à l’idée selon laquelle l’islam « envahirait » l’Europe via l’immigration musulmane, créant un conflit de valeurs sans fin avec l’Occident. Cette immigration s’est opérée par nécessité économique, et non dans un projet de recréer l’oumma en Europe. L’auteur conteste l’existence d’un conflit de valeurs entre Occident et islam, mais démontre qu’il existe entre croyants en général – musulmans ou autres – et non-croyants. Quant à l’idée fantaisiste d’une « prise d’assaut » des villes européennes par l’islam – notamment en raison de taux de fécondité prétendument élevés chez les musulmans –, elle est facilement réfutée par l’auteur, statistiques à l’appui.
R. Bowen souhaite également rectifier l’image d’une nation britannique aux communautés fermées, où l’islam s’incorporerait au droit. Dès les années 1960, l’État a encouragé la création d’associations « ethniques » locales pour régler des différends familiaux, répondre aux besoins des musulmans, etc. Des conseils de la charia ont émergé, agissant uniquement sur le plan religieux. Ces conseils ne créent pas d’effets juridiques et ne « menacent » en aucun cas le droit anglais, en parallèle duquel ils se développent.
Enfin, il faut s’inquiéter des campagnes anti-charia menées aux États-Unis. De nombreux observateurs estiment que la charia « a pénétré les décisions de justice de l’État » (p. 122) et six États ont adopté des lois anti-charia. Si plusieurs tribunaux ont pris en compte des jugements de juridictions étrangères conformes à la charia, cela s’est toujours fait en conformité avec le droit américain. Si les cours sont habilitées à valider juridiquement des contrats religieux, il ne s’agit pas pour autant d’appliquer la charia.
La thèse de l’auteur est donc qu’une meilleure compréhension et connaissance de l’islam permettrait de lui ôter son caractère étranger. Cela passe par une meilleure prise en compte des besoins des musulmans – notamment davantage de mosquées, d’écoles etc. –, à l’image du modèle anglais.
Si cet ouvrage se veut pédagogique, le raisonnement de l’auteur est parfois diffus. On note également des répétitions superflues. Peut-être est-ce dû au format du livre, qui se veut une compilation d’articles, donnant l’impression d’une accumulation d’arguments sans visée précise. Néanmoins, l’objectif principal – démontrer que l’islam n’est pas « l’ennemi » des sociétés occidentales – est atteint.