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L’islam radical. Faut-il avoir peur de l’avenir ?
Par Antoine-Joseph Assaf - Paris, Eyrolles, 2015, 164p.
Impossible d’échapper à l’équation tracée par l’auteur dans ces pages : pour Antoine-Joseph Assaf, il n’y a pas des islams ou un islam radical, par opposition à un islam normal, comme le choix du titre pourrait le suggérer ; l’islam ne peut être que radical, donc hégémonique et intolérant, facteur de séparation entre ces deux blocs hermétiques que sont l’Occident et l’Orient.
L’auteur conteste la nécessité d’un « retour aux sources » de l’islam pour comprendre ses incarnations contemporaines, et englobe toutes les interprétations et violences commises au nom de l’islam dans sa doctrine. Il résume ainsi la geste mahométane à une tradition de conquêtes, ce qui lui permet de décrire la violence comme intrinsèque à l’islam.
Dans une première partie, A.-J. Assaf retrace une rapide histoire du Moyen-Orient au XXe siècle. Romantique et téléologique, sa vision est centrée sur son identité d’Arabe libanais chrétien ayant fait carrière en France. Intéressantes lorsqu’il écrit sur le Liban ou sur ses fonctions dans l’armée française, les pages d’A.-J. Assaf restent empreintes de cette idée désormais dominante d’une « identité judéo-chrétienne », qui justifie d’emblée une sympathie plus marquée pour les chrétiens et juifs d’Orient que pour leurs voisins musulmans.
L’histoire en épisodes que brosse l’auteur est sélective et fait l’économie de la Nahda comme des nationalismes laïcs au profit des réformateurs islamistes comme Abdel Wahhab ou Hassan al-Banna. Il prend aussi, parfois, ses libertés avec elle : en associant les autorités arabes à la responsabilité de la Shoah – il se concentre sur la rencontre du grand Mufti de Jérusalem avec Adolf Hitler –, il légitime le don et l’occupation de la Palestine par les sionistes, dans un réflexe psychologique classique de reporter la culpabilité des élites occidentales sur les Arabes.
Dans une seconde partie, A.-J. Assaf cherche à dégager des tendances pour anticiper l’avenir du Moyen-Orient et, en miroir, celui de l’Occident. Il s’empare du clivage sunnite / chiite qui fracturerait le Moyen-Orient, sans expliquer leurs visions distinctes de la légitimité politique et en délaissant le tact nécessaire à une approche profane des conflits. Il conserve également une vision très interventionniste : l’Occident a formaté les institutions, les concepts politiques et les frontières du Moyen-Orient, il serait donc de son devoir de régler les crises de la région. D’ailleurs, pour lui, les révolutions arabes doivent tout à la bienveillance des Occidentaux : accès à Internet, restauration des relations diplomatiques avec les islamistes, liens des agences américaines avec les généraux et services de renseignements des États arabes, etc.
Il est, par ailleurs, inquiétant de noter que l’auteur reprend à son compte le vocabulaire et la vision binaire du monde des faucons américains. Il est encore plus grave de lire des encouragements en faveur d’une refondation de l’islam impulsée et imposée par les autocrates du Moyen-Orient – pour laquelle plaide par exemple Abdel Fattah Al-Sissi –, et pour une intervention des Nations unies contre Daech en Syrie et en Irak malgré le fiasco libyen, prélude à une extension du combat dans toutes les zones où l’islam radical recrute.
En somme, selon A.-J. Assaf, l’islam unique porté par Daech et la figure de Mahmoud Ahmadinejad – association pour le moins paradoxale d’une théocratie chiite et d’une organisation visant à instaurer un État sunnite conforme à la jurisprudence islamique la plus radicale – vise à la restauration du califat, du statut personnel et à la destruction d’Israël. L’auteur persiste à négliger l’essor de l’islam européen, en le réduisant à la peur du terrorisme « home-grown », négligeant cet aspect de l’évolution contemporaine de nos sociétés pourtant mis en lumière par divers travaux, comme par exemple ceux de Nilüfer Gole. En donnant la prééminence à une minorité de radicaux, il contribue à étouffer la parole des modérés qui font émerger des lectures de l’islam et des modes de vie modernes et syncrétiques.
Préférant l’ordre au chaos et ne se distanciant pas de la posture de l’autocrate arabe qui se présente toujours comme l’ultime rempart de la civilisation, cet ouvrage ne fera guère progresser les débats sur l’avenir politique du Moyen-Orient et la compréhension des dynamiques liées à l’islam.
L’auteur conteste la nécessité d’un « retour aux sources » de l’islam pour comprendre ses incarnations contemporaines, et englobe toutes les interprétations et violences commises au nom de l’islam dans sa doctrine. Il résume ainsi la geste mahométane à une tradition de conquêtes, ce qui lui permet de décrire la violence comme intrinsèque à l’islam.
Dans une première partie, A.-J. Assaf retrace une rapide histoire du Moyen-Orient au XXe siècle. Romantique et téléologique, sa vision est centrée sur son identité d’Arabe libanais chrétien ayant fait carrière en France. Intéressantes lorsqu’il écrit sur le Liban ou sur ses fonctions dans l’armée française, les pages d’A.-J. Assaf restent empreintes de cette idée désormais dominante d’une « identité judéo-chrétienne », qui justifie d’emblée une sympathie plus marquée pour les chrétiens et juifs d’Orient que pour leurs voisins musulmans.
L’histoire en épisodes que brosse l’auteur est sélective et fait l’économie de la Nahda comme des nationalismes laïcs au profit des réformateurs islamistes comme Abdel Wahhab ou Hassan al-Banna. Il prend aussi, parfois, ses libertés avec elle : en associant les autorités arabes à la responsabilité de la Shoah – il se concentre sur la rencontre du grand Mufti de Jérusalem avec Adolf Hitler –, il légitime le don et l’occupation de la Palestine par les sionistes, dans un réflexe psychologique classique de reporter la culpabilité des élites occidentales sur les Arabes.
Dans une seconde partie, A.-J. Assaf cherche à dégager des tendances pour anticiper l’avenir du Moyen-Orient et, en miroir, celui de l’Occident. Il s’empare du clivage sunnite / chiite qui fracturerait le Moyen-Orient, sans expliquer leurs visions distinctes de la légitimité politique et en délaissant le tact nécessaire à une approche profane des conflits. Il conserve également une vision très interventionniste : l’Occident a formaté les institutions, les concepts politiques et les frontières du Moyen-Orient, il serait donc de son devoir de régler les crises de la région. D’ailleurs, pour lui, les révolutions arabes doivent tout à la bienveillance des Occidentaux : accès à Internet, restauration des relations diplomatiques avec les islamistes, liens des agences américaines avec les généraux et services de renseignements des États arabes, etc.
Il est, par ailleurs, inquiétant de noter que l’auteur reprend à son compte le vocabulaire et la vision binaire du monde des faucons américains. Il est encore plus grave de lire des encouragements en faveur d’une refondation de l’islam impulsée et imposée par les autocrates du Moyen-Orient – pour laquelle plaide par exemple Abdel Fattah Al-Sissi –, et pour une intervention des Nations unies contre Daech en Syrie et en Irak malgré le fiasco libyen, prélude à une extension du combat dans toutes les zones où l’islam radical recrute.
En somme, selon A.-J. Assaf, l’islam unique porté par Daech et la figure de Mahmoud Ahmadinejad – association pour le moins paradoxale d’une théocratie chiite et d’une organisation visant à instaurer un État sunnite conforme à la jurisprudence islamique la plus radicale – vise à la restauration du califat, du statut personnel et à la destruction d’Israël. L’auteur persiste à négliger l’essor de l’islam européen, en le réduisant à la peur du terrorisme « home-grown », négligeant cet aspect de l’évolution contemporaine de nos sociétés pourtant mis en lumière par divers travaux, comme par exemple ceux de Nilüfer Gole. En donnant la prééminence à une minorité de radicaux, il contribue à étouffer la parole des modérés qui font émerger des lectures de l’islam et des modes de vie modernes et syncrétiques.
Préférant l’ordre au chaos et ne se distanciant pas de la posture de l’autocrate arabe qui se présente toujours comme l’ultime rempart de la civilisation, cet ouvrage ne fera guère progresser les débats sur l’avenir politique du Moyen-Orient et la compréhension des dynamiques liées à l’islam.