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L’Iran, de 1800 à nos jours
Par Yann Richard - Paris, Flammarion, coll. "Champs histoire", 2016, 492p.
Signé le 14 juillet 2015, l’accord de Vienne a contribué à modifier considérablement la place de l’Iran sur la scène internationale et le regard porté sur ce pays. Devenant presque subitement un nouveau marché potentiel, il a attisé l’intérêt des investisseurs. Apparaissant comme un pôle de stabilité dans un environnement régional chaotique, il s’est révélé un acteur incontournable des négociations de résolution de conflits, notamment concernant la lutte contre l’État islamique.
Pourtant, depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran n’a cessé d’effrayer l’Occident. Cette crainte fut alimentée par la volonté suspectée du régime de vouloir développer son programme nucléaire à des fins militaires. Mais que connaît-on de l’Iran d’avant 1979 ? L’ouvrage de Yann Richard, professeur émérite à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 sur les études iraniennes, permet au lecteur de se plonger dans l’histoire d’un pays mal connu et d’acquérir une vision de long terme nécessaire à la compréhension du système politique iranien actuel.
Dès le début du XIXe siècle, la Perse fait l’objet de convoitises de puissances étrangères, notamment russe et britannique. Durant la première moitié du siècle, deux guerres irano-russes (1804-1813 et 1827-1828) traumatisent durablement la population. Elles se soldent par un traité de paix humiliant, instaurant notamment un régime de capitulation. Peu après, inspiré par l’ère des tanzimats de l’Empire ottoman (1839-1878), le pays cherche à se moderniser à l’aide de prêts financiers contractés auprès de puissances étrangères. L’ingérence croissante de l’économie européenne et le régime tyrannique des Qâdjâr renforcent l’antagonisme entre le « dowlat » (gouvernement) et la « mellat » (nation). L’auteur compare les revendications de la nation – à savoir un contrôle sur les dépenses publiques, sur la perception de l’impôt et un arbitraire royal soumis à l’aval d’un parlement – à celles des Français en 1789. Les mécontentements de la population, aussi variés soient-ils, se font de plus en plus entendre et mènent à la révolution constitutionnelle de 1906. Alors qu’en interne, différentes factions se battent pour définir la nouvelle forme du régime, une convention anglo-russe cèle en 1907 le découpage du territoire en une zone d’influence russe au Nord, une zone d’influence britannique au Sud et une zone tampon au centre. La fin de la dynastie Qâdjâr et l’avènement de la dynastie Pahlavi, en 1925, ne mettent pas fin à ces ingérences étrangères. Au contraire, cette dernière consolide dans un premier temps celle du Royaume-Uni, avide du pétrole iranien, puis celle des États-Unis, soucieux de contenir l’expansion communiste.
Yann Richard décrit les conflits politiques et identitaires internes durant le règne de Mohammad Reza Chah (1941-1979) et apporte un éclairage sur l’articulation entre le politique et le religieux avant la révolution islamique. Ce récit permet de contextualiser l’ascension politique de l’imam Khomeyni et la naissance de la République islamique d’Iran.
Pour autant, est-il possible pour un Occidental d’écrire une histoire de l’Iran qui puisse être lue par un Iranien ? Tel est le défi auquel s’attache l’auteur tout au long de l’ouvrage, en prenant soin de multiplier les sources, de s’écarter de toute orientation morale ou politique, et en tentant de s’immiscer dans le surmoi collectif iranien. Il n’excuse pas ou ne pardonne pas, mais cherche à comprendre la construction du nationalisme iranien et l’évolution de la structure politique du pays.
Si le lecteur peut sans doute se trouver quelque peu dérouté dans la profusion de détails des événements décrits par l’historien, il n’en demeure pas moins in fine mieux averti sur les paradoxes politiques de la société iranienne contemporaine. Alors que l’image de la République islamique d’Iran dans le monde occidental est aujourd’hui suspendue aux déclarations cinglantes du président américain Donald Trump, la lecture de cet ouvrage se révèle plus que jamais salutaire.
Pourtant, depuis la révolution islamique de 1979, l’Iran n’a cessé d’effrayer l’Occident. Cette crainte fut alimentée par la volonté suspectée du régime de vouloir développer son programme nucléaire à des fins militaires. Mais que connaît-on de l’Iran d’avant 1979 ? L’ouvrage de Yann Richard, professeur émérite à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 sur les études iraniennes, permet au lecteur de se plonger dans l’histoire d’un pays mal connu et d’acquérir une vision de long terme nécessaire à la compréhension du système politique iranien actuel.
Dès le début du XIXe siècle, la Perse fait l’objet de convoitises de puissances étrangères, notamment russe et britannique. Durant la première moitié du siècle, deux guerres irano-russes (1804-1813 et 1827-1828) traumatisent durablement la population. Elles se soldent par un traité de paix humiliant, instaurant notamment un régime de capitulation. Peu après, inspiré par l’ère des tanzimats de l’Empire ottoman (1839-1878), le pays cherche à se moderniser à l’aide de prêts financiers contractés auprès de puissances étrangères. L’ingérence croissante de l’économie européenne et le régime tyrannique des Qâdjâr renforcent l’antagonisme entre le « dowlat » (gouvernement) et la « mellat » (nation). L’auteur compare les revendications de la nation – à savoir un contrôle sur les dépenses publiques, sur la perception de l’impôt et un arbitraire royal soumis à l’aval d’un parlement – à celles des Français en 1789. Les mécontentements de la population, aussi variés soient-ils, se font de plus en plus entendre et mènent à la révolution constitutionnelle de 1906. Alors qu’en interne, différentes factions se battent pour définir la nouvelle forme du régime, une convention anglo-russe cèle en 1907 le découpage du territoire en une zone d’influence russe au Nord, une zone d’influence britannique au Sud et une zone tampon au centre. La fin de la dynastie Qâdjâr et l’avènement de la dynastie Pahlavi, en 1925, ne mettent pas fin à ces ingérences étrangères. Au contraire, cette dernière consolide dans un premier temps celle du Royaume-Uni, avide du pétrole iranien, puis celle des États-Unis, soucieux de contenir l’expansion communiste.
Yann Richard décrit les conflits politiques et identitaires internes durant le règne de Mohammad Reza Chah (1941-1979) et apporte un éclairage sur l’articulation entre le politique et le religieux avant la révolution islamique. Ce récit permet de contextualiser l’ascension politique de l’imam Khomeyni et la naissance de la République islamique d’Iran.
Pour autant, est-il possible pour un Occidental d’écrire une histoire de l’Iran qui puisse être lue par un Iranien ? Tel est le défi auquel s’attache l’auteur tout au long de l’ouvrage, en prenant soin de multiplier les sources, de s’écarter de toute orientation morale ou politique, et en tentant de s’immiscer dans le surmoi collectif iranien. Il n’excuse pas ou ne pardonne pas, mais cherche à comprendre la construction du nationalisme iranien et l’évolution de la structure politique du pays.
Si le lecteur peut sans doute se trouver quelque peu dérouté dans la profusion de détails des événements décrits par l’historien, il n’en demeure pas moins in fine mieux averti sur les paradoxes politiques de la société iranienne contemporaine. Alors que l’image de la République islamique d’Iran dans le monde occidental est aujourd’hui suspendue aux déclarations cinglantes du président américain Donald Trump, la lecture de cet ouvrage se révèle plus que jamais salutaire.