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L’Histoire immédiate : historiographie, sources et méthodes
Jean-François Soulet Paris, Armand Colin, 2009, 238 p.
Après avoir publié il y a une vingtaine d’années un ouvrage pour la défense et la promotion de l’histoire du temps présent, Jean-François Soulet, professeur des Universités à Toulouse-Le Mirail et à l’Institut d’études politiques de la même ville, consacre un nouvel opus à ce sujet mais cette fois sous l’angle méthodologique.
Ce manuel est divisé en deux parties. La première d’entre elles est consacrée à l’historiographie et constitue pour l’auteur l’occasion de rappeler que l’histoire immédiate n’est pas un effet de mode, mais trouve ses racines chez les historiens de l’Antiquité tels qu’Hérodote et Thucydide. Ainsi, ce dernier a-t-il créé des outils méthodologiques pour l’utilisation des sources orales en mettant en garde tout historien contre la partialité des témoins et les limites de la mémoire. Jean-François Soulet démontre que l’histoire orale a été délaissée tout au long du xxe siècle et ne refait surface qu’assez récemment autour de René Rémond auquel il dédie son ouvrage. Au travers de nombreux extraits d’ouvrages agrémentés de réflexions critiques, l’auteur dresse un bilan historiographique complet et permet une contextualisation dans laquelle vont s’inscrire les analyses ultérieures.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, la plus volumineuse, Jean-François Soulet s’intéresse aux sources et à leur traitement. Comme le souligne l’auteur, l’historien qui étudie le temps présent est confronté à un énorme volume de sources : presse, littérature, témoignages oraux, documents iconographiques et visuels ou encore Internet sont autant de champs d’exploration qui s’offrent au chercheur, mais peuvent aussi se révéler sources d’erreur pour celui qui ne les utilise pas avec prudence et ne croise pas les informations recueillies. C’est là un des grands mérites de cet ouvrage : l’auteur ne cède pas à la tentation du catalogage et propose une approche critique en mentionnant systématiquement les limites des différentes sources et la place qu’elle doivent occuper dans les travaux de recherche. Jean-François Soulet aborde également la question des archives. Celles-ci ne constituent pas pour le chercheur en histoire actuelle l’unique source d’information mais, malgré les limitations légales de consultation des fonds, elles revêtent une grande importance. On regrettera donc que des archives liées à l’histoire de l’enseignement ou à l’histoire de l’immigration soient simplement nommées. Cependant, comme le précise l’auteur, l’objectif premier était de rappeler l’existence en France de très nombreuses archives, publiques et privées, et non pas de prétendre à l’exhaustivité. Cette partie permet donc d’appréhender les spécificités de l’histoire immédiate en faveur de laquelle l’auteur propose un fervent plaidoyer. Loin d’être une science de l’anecdote ou du fait divers comme ses détracteurs l’ont souvent présentée, l’histoire immédiate permet une véritable compréhension de l’événement. Toutefois, l’« absence de recul » par rapport à l’objet d’étude exige une attention permanente, afin d’éviter toute partialité ou subjectivité.
Au final, la lecture de cet ouvrage s’avère indispensable à tout étudiant qui entreprend des études de troisième cycle en histoire immédiate. Il y trouvera un précieux guide qui l’éclairera sur les bonnes pratiques et lui servira de boussole dans les méandres des sources primaires. L’historien confirmé y trouvera pour sa part un manuel de référence qui l’invitera à réfléchir sur ses propres approches méthodologiques et, de façon plus générale, sur sa discipline.