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L’Europe cartes sur table – Atlas
Michel Barnier Paris, éditions Acropole, 2008
C’est un spécialiste de l’Union européenne qui présente L’Europe, cartes sur table. Michel Barnier a été successivement ministre de l’Environnement, ministre délégué aux Affaires européenne, Commissaire européen, ministre des Affaires étrangères, puis ministre de l’Agriculture, avant de conduire la liste UMP aux élections européennes de juin 2009 et de devenir député européen et aujourd’hui d’accéder au prestigieux poste de Commissaire européen en charge du marché intérieur et des services financiers.
La forme de l’ouvrage est étonnante puisque l’auteur a choisi de présenter les enjeux de la construction européenne au moyen d’un Atlas. Comme il l’avait déjà fait en 2007 avec Un atlas pour un monde durable[1], Michel Barnier s’appuie sur des cartes pour renforcer son propos et s’adresser au plus grand nombre. Car pour le Commissaire, « chaque citoyen doit comprendre pour agir ». Loin de l’Europe administrative, il faut donc fournir aux Européens des arguments concrets pour illustrer l’évolution de l’Union européenne depuis 1957. À l’aide des nombreuses cartes et des explications pédagogiques fournies par l’auteur, le néophyte comprendra aisément les enjeux de la construction européenne. Mais pour le spécialiste également, les cartes et la qualité des commentaires permettent de prendre de la hauteur et de regarder d’un œil nouveau les problématiques soulevées par l’approfondissement de la collaboration entre les pays du continent. Évoquant l’élargissement de l’Union européenne, Michel Barnier s’appuie sur une carte du continent qui indique selon l’IGN le « centre géographique de l’Europe ». L’Européen de l’Ouest commencera par chercher ce lieu en Allemagne, centre de l’Union européenne, avant de découvrir que le centre du continent européen, si l’on tient compte de sa partie russe, se trouve à l’extrême Est de l’Union, en Lituanie. Qu’est-ce qui pourrait également, mieux qu’une carte, expliquer l’enjeu suscité par Kaliningrad, province de Russie encerclée par l’Union européenne, deux fois plus proche de Berlin que de Moscou ? Fortes de couleurs et de légendes savamment choisies, les cartes utilisées par Michel Barnier sont d’une étonnante clarté pour mettre en lumière les défis agricoles, énergétiques, environnementaux ou migratoires de l’Union. Cet Atlas est donc un excellent outil pédagogique pour saisir les enjeux européens avec la profondeur d’analyse de celui qui a géré – et gère – de l’intérieur les politiques de l’Union européenne. On apprécie également les propositions concrètes reprises à la fin de l’ouvrage pour rapprocher le citoyen de l’Europe.
Mais la raison principale pour laquelle on a envie de lire cet ouvrage est ailleurs. Devenant Commissaire européen en charge du marché intérieur et des services financiers, Michel Barnier accède à l’une des fonctions les plus importantes de l’exécutif européen. Le lecteur est donc naturellement curieux de découvrir quelle est sa vision de l’Europe. Et le titre de l’ouvrage prend ici tout son sens ; car Michel Barnier a réellement mis « cartes sur table ». Le Commissaire ne se limite pas à une présentation neutre. Il exprime ses opinions personnelles et même lorsque celles-ci ne sont pas clairement exprimées, le choix des sujets traités ou l’organisation des cartes et commentaires renseignent sur sa vision de la construction européenne et sur son souhait d’une Europe forte pour peser dans le concert de puissances mondiales ou pour assurer la paix et la solidarité sur le continent. Sa vision du « grand marché », qu’il aborde dès l’ouverture d’un chapitre appelé « l’Union fait la force », renseigne sur la volonté de Michel Barnier, pendant son mandat de Commissaire en charge du marché intérieur, de poursuivre l’harmonisation européenne lorsqu’il annonce que les inégalités au sein de l’Europe, renforcées par les élargissements successifs, accentuent les besoins d’harmonisation entre les vingt-sept, notamment par l’émergence du droit européen ou la création d’un statut de société européenne. Et lorsqu’il s’intéresse à « la planète financière », on se demande si le Commissaire fait preuve d’utopie ou de détermination lorsqu’il déclare qu’« il suffirait que les marchés financiers importants inscrivent dans leur loi que toute transaction en provenance ou à destination [d’un paradis fiscal] est illégale pour rayer de la carte ces paradis » (p. 92).