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Lettre ouverte à l’Afrique cinquantenaire
Edem Kodjo Paris, Gallimard, 2010, 76 p.
À l’heure où les premières nations africaines à s’être émancipées des liens coloniaux se préparent à célébrer le cinquantenaire de leur indépendance, l’écrivain et homme politique togolais Edem Kodjo adresse à son continent d’origine une lettre ouverte, à la fois lettre d’amour et sans langue de bois, dans laquelle il l’invite à réfléchir sur les cinq dernières décennies et l’avenir de l’Afrique.
Refusant d’entrer dans les débats sans fin qui opposent « afro-pessimistes » et « afro-optimistes », l’auteur élabore un tableau sombre mais emprunt d’espoir de l’évolution des systèmes politiques, sociaux et économiques africains et remet en question, par son analyse et ses questionnements, l’idée d’une veritable indépendance de l’Afrique.
Dans la lignée de l’excellent ouvrage de la zambienne Dambisa Moyo[1], Kodjo plaide pour une prise en main de leur avenir par les Africains eux-mêmes. L’aide financière fournie par ses partenaires internationaux, l’exploitation de ses ressources naturelles par des compagnies étrangères ou encore la rareté des politiques de développement économique et industriel sont définies par l’auteur comme autant de limites au développement du continent, pourtant légitimées et perpétuées par ses Etats.
De façon très littéraire, et parfois même poétique, l’auteur rappelle les immenses ressources et les valeurs historiques de l’Afrique, qui devraient, selon lui, lui permettre de s’émanciper afin de se développer de façon veritable et durable. Kodjo fournit ainsi, au fil de son analyse, de nombreuses pistes qui pourraient être suivies par les États Africains dans la poursuite de cet objectif, au premier rang desquelles figure l’unification politique et économique de l’Afrique.
Le style épistolaire choisi par l’auteur lui permet d’exprimer ses espoirs et frustrations de citoyen et intellectuel africain dans un style original et à la lecture facile. Il est néanmoins regrettable que l’affectivité dont est emprunte cette lettre masque parfois les analyses techniques, économiques, politiques et sociales sur lesquelles elle se fonde.
Si le fait de s’adresser à l’Afrique comme une entité homogène présente pour l’auteur l’avantage de relever les caractéristiques communes à l’ensemble des pays du continent et l’importance de son développement général et unifié, cette personnification de ce qui y est appelé le « continent-mère » semble absorber la grande variété des contextes et structures politiques et sociales africaines, dont la prise en compte apparait pourtant essentielle à la mise en œuvre de politiques de développement viables et efficaces sur le continent.
De la même façon, les exemples de développement économiques et d’affirmation politique cités par l’auteur – telle la Chine – peuvent parfois laisser perplexes. Tout d’abord, le développement d’un État et celui d’un continent ne semblent pas pouvoir être analysées sur le même plan.
Dans l’ensemble, cet ouvrage original, par sa forme et son contenu, incite le lecteur à une veritable réflexion, tant sur les problématiques politiques liées à l’indépendance des États d’Afrique, que sur leur développement économique et mérite à ce titre d’être lu avec attention.