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L’État profond américain. La finance, le pétrole et la guerre perpétuelle
Par Peter Dale Scott - Plogastel Saint-Germain, Éditions Demi-Lune, 2015, 429p.
L’ouvrage de Peter Dale Scott propose, en dépit d’une organisation interne difficile à suivre, des pistes intéressantes de décryptage de la vie politique intérieure américaine des XXe et XXIe siècles. Partant du constat de l’érosion des pratiques démocratiques aux États-Unis depuis le 11-septembre et des décrets successifs visant à renforcer les pouvoirs des garants de la sécurité nationale, l’auteur établit la genèse de cette tendance et cherche à en désigner les responsables.
La pratique de déroger à la légalité et à ses responsabilités face aux citoyens américains remonte à John Edgar Hoover et à la constitution du Federal Bureau of Investigation (FBI) dans ses fonctions actuelles, et serait depuis une tendance rampante de la vie politique américaine. Au point que l’administration Obama, malgré l’éviction de deux soutiens parmi les plus évidents de cette dynamique, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, a poursuivi cette tendance – notamment par la hausse inouïe des assassinats extrajudiciaires et de l’usage des drones, ainsi que par la criminalisation des lanceurs d’alerte. En dépit de ses promesses de campagnes, les deux mandats du président démontreraient les intérêts rhizomatiques et puissants de l’État profond, capables de prolonger l’état d’urgence au-delà de toute raison, quatorze ans après les attentats du 11-septembre.
L’auteur désigne cette tendance en reprenant le nom du projet lancé en 1982 sous le gouvernement Reagan, Continuity of Government (COG). Ce projet, initialement prévu pour assurer le fonctionnement du gouvernement américain en cas d’attaque nucléaire et d’élimination des chefs de l’exécutif, s’est progressivement métamorphosé jusqu’à s’adapter à toute « situation de crise », la définition de cette dernière étant confiée aux gestionnaires du projet. L’application de ce plan permet d’outrepasser tous les mécanismes constitutionnels et d’organiser, au nom de la sécurité nationale, des internements massifs, des écoutes extrajudiciaires ou des assassinats ciblés, aussi bien à l’étranger que sur le sol américain, contre des ressortissants étrangers et contre des citoyens américains.
Ce projet, aussi appelé « Jugement dernier », est ainsi devenu un formidable instrument de répression et d’action préemptive, notamment contre les opposants, en particulier pacifistes.
Pour comprendre son effectivité, il faut revenir au 11-septembre et aux événements qui l’ont immédiatement suivi ou précédé. Pour Peter Dale Scott, bien que le gouvernement n’ait alors pas été décapité, le COG aurait été mis en application, notamment par deux de ses concepteurs, D. Cheney et D. Rumsfeld, au nom de l’urgence nationale alors décrétée. Le Patriot Act est ensuite venu entériner la majorité des propositions faites par les défenseurs de l’État profond au fil des décennies et souvent repoussées par les mécanismes constitutionnels. Les attentats inaugurent aussi un temps d’exception, un état d’urgence qui dure jusqu’à aujourd’hui, dont la révision appartient normalement tous les six mois au Congrès. Sur la scène internationale, la « guerre contre le terrorisme » et son caractère imprécis ont suscité les dérives que l’on connaît, sans pour autant pousser à la rationalisation des alliances américaines avec des États accusés de soutenir la nébuleuse Al-Qaïda et le djihadisme wahhabite, comme le Pakistan ou l’Arabie saoudite.
L’auteur retrace également les carrières de certains hauts fonctionnaires américains, émaillées de responsabilités dans de grands complexes militaro- industriels et non dénuées de conflits d’intérêts. Il s’intéresse aussi au « boom » du secteur de la sécurité et de l’intelligence depuis les débuts de la campagne contre le terrorisme, qui porte en son sein des « guerres auto-génératrices » au Moyen-Orient, tout comme la campagne américaine contre la drogue en Amérique latine en son temps. C’est donc une situation déjà décrite par Machiavel qui s’incarne dans la poursuite de l’hégémonie américaine : un État ayant une puissance militaire et de projection sans commune mesure avec ses pairs crée une instabilité mondiale car cette capacité nourrit chez eux un sentiment d’insécurité, et chez l’hégémon la crainte de la décadence. La puissance militaire des États-Unis mène ainsi à des excès interventionnistes et nourrit le terrorisme, tout en sapant les fondements du droit international, du système multilatéral et en freinant la réforme démocratique.
La pratique de déroger à la légalité et à ses responsabilités face aux citoyens américains remonte à John Edgar Hoover et à la constitution du Federal Bureau of Investigation (FBI) dans ses fonctions actuelles, et serait depuis une tendance rampante de la vie politique américaine. Au point que l’administration Obama, malgré l’éviction de deux soutiens parmi les plus évidents de cette dynamique, Dick Cheney et Donald Rumsfeld, a poursuivi cette tendance – notamment par la hausse inouïe des assassinats extrajudiciaires et de l’usage des drones, ainsi que par la criminalisation des lanceurs d’alerte. En dépit de ses promesses de campagnes, les deux mandats du président démontreraient les intérêts rhizomatiques et puissants de l’État profond, capables de prolonger l’état d’urgence au-delà de toute raison, quatorze ans après les attentats du 11-septembre.
L’auteur désigne cette tendance en reprenant le nom du projet lancé en 1982 sous le gouvernement Reagan, Continuity of Government (COG). Ce projet, initialement prévu pour assurer le fonctionnement du gouvernement américain en cas d’attaque nucléaire et d’élimination des chefs de l’exécutif, s’est progressivement métamorphosé jusqu’à s’adapter à toute « situation de crise », la définition de cette dernière étant confiée aux gestionnaires du projet. L’application de ce plan permet d’outrepasser tous les mécanismes constitutionnels et d’organiser, au nom de la sécurité nationale, des internements massifs, des écoutes extrajudiciaires ou des assassinats ciblés, aussi bien à l’étranger que sur le sol américain, contre des ressortissants étrangers et contre des citoyens américains.
Ce projet, aussi appelé « Jugement dernier », est ainsi devenu un formidable instrument de répression et d’action préemptive, notamment contre les opposants, en particulier pacifistes.
Pour comprendre son effectivité, il faut revenir au 11-septembre et aux événements qui l’ont immédiatement suivi ou précédé. Pour Peter Dale Scott, bien que le gouvernement n’ait alors pas été décapité, le COG aurait été mis en application, notamment par deux de ses concepteurs, D. Cheney et D. Rumsfeld, au nom de l’urgence nationale alors décrétée. Le Patriot Act est ensuite venu entériner la majorité des propositions faites par les défenseurs de l’État profond au fil des décennies et souvent repoussées par les mécanismes constitutionnels. Les attentats inaugurent aussi un temps d’exception, un état d’urgence qui dure jusqu’à aujourd’hui, dont la révision appartient normalement tous les six mois au Congrès. Sur la scène internationale, la « guerre contre le terrorisme » et son caractère imprécis ont suscité les dérives que l’on connaît, sans pour autant pousser à la rationalisation des alliances américaines avec des États accusés de soutenir la nébuleuse Al-Qaïda et le djihadisme wahhabite, comme le Pakistan ou l’Arabie saoudite.
L’auteur retrace également les carrières de certains hauts fonctionnaires américains, émaillées de responsabilités dans de grands complexes militaro- industriels et non dénuées de conflits d’intérêts. Il s’intéresse aussi au « boom » du secteur de la sécurité et de l’intelligence depuis les débuts de la campagne contre le terrorisme, qui porte en son sein des « guerres auto-génératrices » au Moyen-Orient, tout comme la campagne américaine contre la drogue en Amérique latine en son temps. C’est donc une situation déjà décrite par Machiavel qui s’incarne dans la poursuite de l’hégémonie américaine : un État ayant une puissance militaire et de projection sans commune mesure avec ses pairs crée une instabilité mondiale car cette capacité nourrit chez eux un sentiment d’insécurité, et chez l’hégémon la crainte de la décadence. La puissance militaire des États-Unis mène ainsi à des excès interventionnistes et nourrit le terrorisme, tout en sapant les fondements du droit international, du système multilatéral et en freinant la réforme démocratique.