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L’esprit de la diplomatie. Du particulier à l’universel
Par Jean-François de Raymond - Paris, Les Belles Lettres, 2015, 371p.
L’entreprise de Jean-François de Raymond est une quête dans laquelle l’identité duale de l’auteur est mobilisée pour saisir le sens ultime de l’activité diplomatique, ainsi que de l’institution éponyme. Tandis que le professeur d’histoire de la diplomatie recourt à l’analyse historiographique des traités devenus « classiques » afin de mettre en lumière les invariants, le praticien accomplit la recherche de la quintessence de cette activité, dont il s’avère qu’elle est avant tout une disposition d’esprit.
Analyses de la praxis et de l’épistémè au sens aristotélicien s’articulent afin d’élucider le paradoxe selon lequel la diplomatie, pratique sociale quasi-primitive dont la finalité est la survie et la survivance de l’humanité par la recherche de la paix et de la concorde, n’a historiquement guère perdu de son utilité. Pis, les agents mutagènes qui l’ont affectée en ont modifié les propriétés (instantanéité, simultanéité, ubiquité), entraînant une nécessaire évolution de son institution (du bilatéral vers le multilatéral, élargissement des prérogatives sectorielles). Le corollaire de cette mutation est une dépendance accrue des sociétés vis-à-vis de la diplomatie. Témoin privilégié des relations internationales contemporaines et diplomate à l’acuité certaine, J.-F. de Raymond identifie donc les constantes dans la structure de la diplomatie pour mieux en dégager les évolutions.
L’ouvrage commence par abolir un certain nombre de vues de l’esprit qui confondraient le diplomate avec l’espion, l’ambassadeur avec l’homme de compagnie du Prince étranger. Progressivement, l’auteur tranche d’insolubles et intemporels dilemmes : la diplomatie est-elle art ou science ? doit-elle répondre à l’exigence du réalisme, de l’idéalisme ? est-elle une activité ouverte ou secrète ? Les réponses avancées sont autant de conciliations entre deux postures a priori antagonistes qui ont d’autant plus intérêt à être réconciliées qu’elles n’existent chacune que dans leur rapport à l’autre – comme il en va pour les États.
Il en ressort que la diplomatie est par essence une activité de rationalisation de la temporalité, fondée sur le langage et respectant des principes parfois en tension (la souveraineté, la reconnaissance) visant à promouvoir l’intérêt particulier comme élément constitutif d’un tout qu’il s’agit de préserver par l’harmonisation des intérêts vitaux des différentes parties prenantes. Cette exigence se traduit du point de vue institutionnel par une structure permanente, semblable à un enchevêtrement de réseaux de graphes dont chacun aurait pour centre sa capitale et pour périmètre la succession des points que représentent les ambassades souveraines à travers le monde.
L’« esprit » de la diplomatie doit s’entendre au sens des dispositions intellectuelles nécessaires à l’exercice de la fonction de délégué et de représentation du Prince afin de parvenir à cet objectif primordial, tandis que le sens de la diplomatie, pour sa part, est double. Il relève d’abord de l’intérêt particulier que suscite le besoin d’assurance, mais correspond également et dans un même mouvement à une aspiration universelle mue par le désir de perfection de l’humanité. Aussi la diplomatie opère-t-elle un dépassement systématique, sur le mode de la sublimation, des considérations particulières vers l’universel de la nature humaine, et ce indépendamment de toute « culture diplomatique » ou de toute spécificité méthodologie dont il ne s’agit pas pour autant de nier l’existence.
Analyses de la praxis et de l’épistémè au sens aristotélicien s’articulent afin d’élucider le paradoxe selon lequel la diplomatie, pratique sociale quasi-primitive dont la finalité est la survie et la survivance de l’humanité par la recherche de la paix et de la concorde, n’a historiquement guère perdu de son utilité. Pis, les agents mutagènes qui l’ont affectée en ont modifié les propriétés (instantanéité, simultanéité, ubiquité), entraînant une nécessaire évolution de son institution (du bilatéral vers le multilatéral, élargissement des prérogatives sectorielles). Le corollaire de cette mutation est une dépendance accrue des sociétés vis-à-vis de la diplomatie. Témoin privilégié des relations internationales contemporaines et diplomate à l’acuité certaine, J.-F. de Raymond identifie donc les constantes dans la structure de la diplomatie pour mieux en dégager les évolutions.
L’ouvrage commence par abolir un certain nombre de vues de l’esprit qui confondraient le diplomate avec l’espion, l’ambassadeur avec l’homme de compagnie du Prince étranger. Progressivement, l’auteur tranche d’insolubles et intemporels dilemmes : la diplomatie est-elle art ou science ? doit-elle répondre à l’exigence du réalisme, de l’idéalisme ? est-elle une activité ouverte ou secrète ? Les réponses avancées sont autant de conciliations entre deux postures a priori antagonistes qui ont d’autant plus intérêt à être réconciliées qu’elles n’existent chacune que dans leur rapport à l’autre – comme il en va pour les États.
Il en ressort que la diplomatie est par essence une activité de rationalisation de la temporalité, fondée sur le langage et respectant des principes parfois en tension (la souveraineté, la reconnaissance) visant à promouvoir l’intérêt particulier comme élément constitutif d’un tout qu’il s’agit de préserver par l’harmonisation des intérêts vitaux des différentes parties prenantes. Cette exigence se traduit du point de vue institutionnel par une structure permanente, semblable à un enchevêtrement de réseaux de graphes dont chacun aurait pour centre sa capitale et pour périmètre la succession des points que représentent les ambassades souveraines à travers le monde.
L’« esprit » de la diplomatie doit s’entendre au sens des dispositions intellectuelles nécessaires à l’exercice de la fonction de délégué et de représentation du Prince afin de parvenir à cet objectif primordial, tandis que le sens de la diplomatie, pour sa part, est double. Il relève d’abord de l’intérêt particulier que suscite le besoin d’assurance, mais correspond également et dans un même mouvement à une aspiration universelle mue par le désir de perfection de l’humanité. Aussi la diplomatie opère-t-elle un dépassement systématique, sur le mode de la sublimation, des considérations particulières vers l’universel de la nature humaine, et ce indépendamment de toute « culture diplomatique » ou de toute spécificité méthodologie dont il ne s’agit pas pour autant de nier l’existence.