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Les violences politiques en Europe. Un état des lieux
Xavier Crettiez et Laurent Mucchielli (sous la dir.) Paris, La Découverte, Collection Recherches, 2010, 336 p.
Si Norbert Elias a identifié, à travers ce qu’il a nommé la « civilisation des mœurs », un processus social fondamental en la disparition de la force comme moyen majeur des interactions au sein des sociétés modernes, la violence semble paradoxalement toujours y occuper une place centrale, ne serait-ce que par l’attention médiatique et politique qu’elle continue de focaliser. Comment, alors, comprendre, analyser et définir cette violence qui ne représente plus un « banal » moyen des rapports de force sociaux mais qui effraie et est perçue comme un mode d’action marginal et déviant ?
La place singulière occupée par des actes violents dans des sociétés wébériennes ou seul l’État est supposé légitime dans l’utilisation de la force appelle ainsi les sociologues et politologues à étudier ces mouvements de violence.
L’ouvrage collectif dirigé par Xavier Crettiez et Laurent Mucchielli, chercheurs au CNRS (CESDIP), apporte sur ce sujet un éclairage très intéressant par la mise en parallèle de différents types de violences politiques exercées dans plusieurs pays européens.
Les multiples thématiques abordées au fil des articles permettent au lecteur d’appréhender les relations qui se tissent entre États, individus, groupes et violences. Ainsi, du terrorisme islamiste aux mouvements nationalistes, en passant par les émeutes urbaines, les auteurs identifient les phénomènes « d’étiquetage », d’identification et de construction des groupes étudiés ainsi que les conditions politiques, sociales, psychologiques ou encore économiques de l’émergence de la violence politique en Europe. Loin de l’image médiatique de groupes violents principalement décrits comme irrationnels et dangereux, cet ouvrage tend à en analyser les origines, évolutions et objectifs politiques.
D’un point de vue académique, le bilan dressé par les différents auteurs quant à l’état de la recherche sur ces questions et aux difficultés méthodologiques à approcher ces terrains complexes offrent au lecteur un aperçu général de la connaissance de ces thématiques et de la façon dont ce savoir est produit.
Si l’ouvrage offre ainsi une vue des différents types et moyens des violences politiques actuelles en Europe, il mériterait, comme le souligne d’ailleurs son introduction, d’être renforcé par une mise en commun des données existantes sur ces questions qui permettrait d’avoir, non plus une vue segmentée des différentes violences politiques en Europe mais des données globales et homogènes, permettant une meilleure appréhension du phénomène à l’échelle du continent européen.
Dans l’ensemble, cet ouvrage très académique – et parfois peut-être quelque peu difficile à suivre pour qui ne serait pas familier de la sociologie des mouvements sociaux – mérite une véritable attention en ce qu’il apporte un regard scientifique et multidimensionnel sur des questions trop souvent traitées de façon simplificatrice et biaisée.