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Les théories de l’Interétatique Traité de Relations internationales (II)
Gérard Dussouy Paris, LHarmattan, coll. « Pouvoirs Comparés », 2007
Le second tome du Traité de Relations Internationales de Gérard Dussouy[1], consacré aux théories des relations inter étatiques, vient compléter le premier tome, consacré aux théories géopolitiques. Le premier tome s’attachait à analyser les théories de la géopolitique en les replaçant dans leur contexte culturel et historique. Cet ouvrage novateur et brillant s’appuyait sur une analyse pluridisciplinaire et éclairait ainsi le lecteur – averti – sur les origines de la pensée en relations internationales en tentant de redonner un statut épistémologique à l’approche géopolitique. Ce premier traité apparaissait sans doute ainsi comme l'un des plus achevés sur la problématique du système international. La conception circulaire du système international fournie par l’auteur permet d’incruster la lecture géopolitique de la théorie des relations internationales comme pivot incontournable de ses développements ultérieurs. Ainsi, dans le second tome, Gérard Dussouy se livre à nouveau à une analyse précise et novatrice des théories de la science politique centrées sur les relations entre les États. Prônant pour un nécessaire retour au pragmatisme et un indispensable recours à la modélisation systémique, l’auteur se livre à une analyse des origines, de l’évolution et des mutations de l’acteur central des relations internationales : l’État. En effet, selon Gérard Dussouy, la question centrale en science politique reste l’État, son déclin ou son maintien, et son rôle : l’auteur refuse ainsi simplifier la complexité du monde contemporain en assimilant la montée de la globalisation à l’entrée dans l’ère « post-nationale » et se livre donc à une analyse pointue sur le rôle de l’État, le caractère central de la puissance et la souveraineté, qu’il refuse de considérer trop hâtivement en crise.
L’État souverain reste ainsi « le seul intervenant multilatéral ou généraliste, le seul à disposer d’un complexe de capacités stratégiques et à pouvoir intervenir, de droit, dans tous les champs de la vie internationale ».
Suite à cette réflexion préalable et nécessaire, l’auteur décrit les nouveaux courants théoriques en science politique. Les deux « néos » (néoréalisme et néolibéralisme) viennent contester l’approche réaliste du monde, contestation liée aux mutations du système international au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis la fin des années 1980, l’approche rationaliste des deux « néos » a été mise en cause par deux courants plus ou moins radicaux : le constructivisme et le déconstructivisme, dont le but avoué est de « montrer que les transformations des identités […] étaient ou sont en mesure de changer le monde ». L’auteur souligne la difficulté même d’accéder à la connaissance totale et objective de la réalité internationale. Cela serait presque une ineptie. La difficulté à s’extraire de la complexité du monde dont le sujet fait partie intégrante, l’effort de conceptualisation tout en abandonnant l’illusion de bâtir la théorie permettant de connaître le monde dans son intégralité et l’hégémonie de la pensée sur le monde des puissances dominantes constituent trois contraintes inhérentes à la réflexion sur les relations internationales.
Gérard Dussouy parvient ainsi à relativiser les théories les unes par rapport aux autres sachant qu'aucune, en soi, ne saurait être une « copie du réel ». Il met ainsi en lumière leurs limites, parfois leurs errements quand elles sont trop autoritaires, mais il saisit aussi des complémentarités qui, au-delà des préjugés des théoriciens, sont susceptibles de contribuer à une modélisation systémique du monde des Etats, à laquelle l'immense majorité d'entre eux aspirent.
Toutefois, l’auteur regrette la prééminence des écoles américaines et le manque de volonté (et même de désir) en Europe d’exprimer une vision spécifique.
Il conclut finalement en reconnaissant que le passage d’un système international à un système mondial ne change fondamentalement pas les choses, les alternatives théoriques restant identiques : le laissez-faire ou la régulation, le social ou le politique.
Le travail de Gérard Dussouy mérite d’être salué. Analyse de fond nourrie par un savoir encyclopédique, mûrie par de hautes lectures, ce travail appartient à un genre qui paraît presque désuet s’il n’était pas nécessaire. Excellant à établir des ponts entre les disciplines, l’auteur est finalement parvenu à redonner un nouveau statut théorique à la géopolitique.