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Les routes de la soie. L’histoire au cœur du monde
Par Peter Frankopan - Bruxelles, Éditions Nevicata, 2018, 736p.
Professeur d’histoire à l’Université d’Oxford, Peter Frankopan livre ici un travail ambitieux. Il s’agit non seulement d’une fresque historique s’étalant sur plusieurs millénaires et abordant des régions parfois éloignées de plusieurs milliers de kilomètres. Elle offre surtout un regard différent sur l’histoire des routes de la soie et l’impact de ces voies de communication sur l’histoire de l’humanité. Car ce sont deux mille cinq cents ans que l’auteur renverse ici, détournant vers l’est le regard que nous portons traditionnellement sur les centres de gravité des relations internationales, décrit comme réducteur et trop centré sur l’Occident ou, au contraire, sur l’Extrême-Orient.
Loin des thèses réduisant l’Asie centrale à un « trou noir », pour reprendre l’appellation de Zbigniew Brzezinski, P. Frankopan y voit le lieu de toutes les convoitises, des Grecs aux Chinois, en passant par les conquérants arabes ou mongols et, plus près de nous, les Russes et les Britanniques opposés dans le Grand Jeu, puis les acteurs de la guerre froide. Cette Asie centrale n’est ainsi pas uniquement décrite comme un lieu de passage, sorte d’incarnation du cordon commercial et culturel que furent les routes de la soie, mais comme le point de rencontre de ces échanges, vers lequel convergeaient toutes les convoitises. L’histoire s’écrirait, selon P. Frankopan, autour d’un espace allant de la Méditerranée à l’Himalaya, les riches civilisations occidentales et orientales l’entourant n’ayant pu se développer sans entretenir le mythe de la conquête et du contrôle de cette zone indispensable.
On retrouve dans cette lecture des éléments du Heartland décrit par Halford John MacKinder, puis Nicholas Spykman, ainsi qu’une articulation de l’histoire de l’humanité autour de référents de géopolitique. C’est donc d’une géopolitique de l’histoire dont il s’agit. Selon P. Frankopan, tout serait lié au magnétisme que ce Heartland exercerait auprès des grandes puissances, toutes époques confondues : la découverte et la colonisation de l’Amérique, les routes commerciales navales et leur développement, les instabilités au Moyen-Orient, etc. L’histoire de l’humanité serait ainsi étroitement liée au regard que les plus grands dirigeants porteraient sur ce « cœur du monde ».
Certains épisodes sont mieux décrits, certaines thèses sont très crédibles là où d’autres se contentent parfois de rester dans la description, mais l’ensemble est à la fois audacieux et courageux, faisant de ce livre l’un des ouvrages d’histoire les plus stimulants de ces dernières années. Reste à savoir à quoi doit servir un tel travail pour notre compréhension du présent, tandis que la Chine se lance dans un projet pharaonique de « nouvelles routes de la soie » et que les grandes puissances s’organisent pour y apporter des réponses. Le Heartland est-il toujours d’actualité ? P. Frankopan semble répondre par l’affirmative, et les ambitions chinoises ne feraient que le confirmer. À lire et à méditer.
Loin des thèses réduisant l’Asie centrale à un « trou noir », pour reprendre l’appellation de Zbigniew Brzezinski, P. Frankopan y voit le lieu de toutes les convoitises, des Grecs aux Chinois, en passant par les conquérants arabes ou mongols et, plus près de nous, les Russes et les Britanniques opposés dans le Grand Jeu, puis les acteurs de la guerre froide. Cette Asie centrale n’est ainsi pas uniquement décrite comme un lieu de passage, sorte d’incarnation du cordon commercial et culturel que furent les routes de la soie, mais comme le point de rencontre de ces échanges, vers lequel convergeaient toutes les convoitises. L’histoire s’écrirait, selon P. Frankopan, autour d’un espace allant de la Méditerranée à l’Himalaya, les riches civilisations occidentales et orientales l’entourant n’ayant pu se développer sans entretenir le mythe de la conquête et du contrôle de cette zone indispensable.
On retrouve dans cette lecture des éléments du Heartland décrit par Halford John MacKinder, puis Nicholas Spykman, ainsi qu’une articulation de l’histoire de l’humanité autour de référents de géopolitique. C’est donc d’une géopolitique de l’histoire dont il s’agit. Selon P. Frankopan, tout serait lié au magnétisme que ce Heartland exercerait auprès des grandes puissances, toutes époques confondues : la découverte et la colonisation de l’Amérique, les routes commerciales navales et leur développement, les instabilités au Moyen-Orient, etc. L’histoire de l’humanité serait ainsi étroitement liée au regard que les plus grands dirigeants porteraient sur ce « cœur du monde ».
Certains épisodes sont mieux décrits, certaines thèses sont très crédibles là où d’autres se contentent parfois de rester dans la description, mais l’ensemble est à la fois audacieux et courageux, faisant de ce livre l’un des ouvrages d’histoire les plus stimulants de ces dernières années. Reste à savoir à quoi doit servir un tel travail pour notre compréhension du présent, tandis que la Chine se lance dans un projet pharaonique de « nouvelles routes de la soie » et que les grandes puissances s’organisent pour y apporter des réponses. Le Heartland est-il toujours d’actualité ? P. Frankopan semble répondre par l’affirmative, et les ambitions chinoises ne feraient que le confirmer. À lire et à méditer.