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Les nouveaux terroristes
Mathieu Guidère Paris, Autrement, 2010, 160 p.
Dans un texte bref et percutant, et s’appuyant sur des exemples décrits avec soin, Mathieu Guidère tente de décrypter les nouvelles tendances du terrorisme international, ces « loups solitaires » souvent énoncés, mais pour lesquels il manque encore une description précise. Un travail délicat donc, mais qui s’appuie sur une enquête minutieuse dans les réseaux du terrorisme transnational, aujourd’hui plus présent sur Internet que dans des camps d’entrainement, et sur les multiples exemples de tentatives d’attentats depuis le 11-Septembre. Il ressort de cette recherche le constat que les nouveaux terroristes agissent le plus souvent seuls, totalement isolés, et que les liens qui les unissent à une organisation de type Al-Qaïda sont purement virtuels. Guidère avance même l’idée que l’organisation créée par Oussama ben Laden est devenue une sorte d’inspirateur d’attentats terroristes, et n’est plus en mesure de planifier par elle-même des attaques. C’est donc sur une multitude de candidats au suicide, éparpillés aux quatre coins du monde (et le plus souvent au sein des sociétés occidentales) qu’Al-Qaïda s’appuie désormais, et a opéré une reconversion particulièrement difficile à combattre. L’auteur argumente son propos en s’appuyant sur le profil des kamikazes (une tendance qui s’est généralisée ces dernières années), qui n’ont le plus souvent pas de lien apparent avec des organisations terroristes, et se sont auto-radicalisés, en surfant sur des sites islamistes ou en dialoguant avec des recruteurs qui leur fournissent les derniers éléments leur permettant de renforcer leur détermination. Cette évolution du terrorisme transnational est particulièrement sensible en ce qu’elle contourne toutes les mesures de protection traditionnelles, et impose une nouvelle réflexion sur la sécurité en général.
Si l’expertise de Mathieu Guidère sur le terrorisme n’est plus à démontrer, on sent en revanche certaines lacunes en ce qui concerne les mécanismes de pouvoir aux États-Unis, et on trouve quelques erreurs significatives, comme le fait de mentionner Joe Liebermann comme étant « un des va-t-en guerre les plus en vue au Sénat » et membre du parti Républicain (il est en fait indépendant après avoir été démocrate, et même co-listier d’Al Gore en 2000, et comme va-t-en guerre, on trouve nettement mieux chez les conservateurs). On peut également reprocher à ce travail d’être parfois trop concis, là où une enquête plus approfondie aurait renforcé la thèse avancée. De même, détail important, la documentation utilisée par l’auteur repose essentiellement sur les sites Internet des mouvements islamistes, mais néglige les autres productions intellectuelles sur le terrorisme ces dernières années. Or, on compte des centaines de travaux sur le terrorisme et ses évolutions, et si les idées de Mathieu Guidère sont intéressantes, elles ne sont en rien entièrement nouvelles. Une plus grande documentation aurait apporté à cet essai plus de crédibilité et de consistance. Enfin, si l’auteur penche tout au long de son ouvrage pour un renforcement des moyens de renseignement, là où la technologie se montre impuissante, il est surprenant de le voir, dans la dernière phrase de sa conclusion, plaider en faveur du renforcement des capacités technologiques. Il y a là un paradoxe qui peut laisser le lecteur perplexe.
Mais en posant de bonnes questions, et en sortant des thèses d’un hyperterrorisme qui ont fait leur temps, à en juger par le profil des terroristes au cours de la dernière décennie, Mathieu Guidère ouvre le champ à une nouvelle réflexion sur le terrorisme, son recrutement et son mode d’action. Enfin, il a le mérite, trop souvent négligé dans les études sur le terrorisme, de se placer du côté des terroristes eux-mêmes, pour mieux les comprendre, et donc apporter des moyens plus efficaces de les contrer.