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Les Noirs américains. En marche pour l’égalité
Pap Ndiaye Paris, Gallimard, 2009, 159 p.
Après avoir publié La Condition noire. Essai sur une minorité française[1], en 2008, Pap Ndiaye, historien à l’École des hautes études en sciences sociales publie un ouvrage synthétique à destination du grand public sur les Noirs américains.
Dans La Condition noire, Pap Ndiaye retraçait la généalogie de cet ensemble de « conditions sociales » par lesquelles les Noirs en France font l’expérience de discriminations, allant d’un racisme ouvert à des pratiques plus ou moins subtiles de racialisation[2] qui font que la couleur de leur peau est aujourd’hui la manière par laquelle ils sont appréhendés par les autres. Parfois, en réaction, ils se pensent en relation à cela (identité noire).
S’il n’y a pas lieu de comparer l’objet de ces deux ouvrages autour de la question noire en France ou aux États-Unis tant elles relèvent d’une histoire et d’une sociologie différentes, on peut cependant considérer que cet ouvrage est né d’une même volonté de rétablir des faits d’actualité – en l’occurrence la persistance des inégalités et des discriminations raciales dans un contexte historique et sociologique large, le long xxe siècle.
L’espoir de l’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis fournit bien sûr un motif de plus et cette opportunité éditoriale bien compréhensible est affichée dès la quatrième de couverture, avec la photo de Barack Obama devenant président (c’est-à-dire en train de prêter serment, souriant aux côtés de son épouse qui tient la Bible).
Il s’agit pour le lecteur de remonter dans le temps, comme l’indique le sous-titre, cette « marche vers l’égalité » dont on sait que, malgré l’élection d’un américain Noir à la magistrature suprême, l’on en est encore loin. Le livre suit un fil chronologique par lequel des périodes clés sont rappelées, des événements fondateurs, ou déclencheurs ayant tous un rôle structurant dans les situations de discriminations, d’inégalités ou de lutte d’aujourd’hui. On commence par l’après guerre de Sécession qui voit naître un espoir pour les Noirs de devenir citoyens à part entière (avec le droit de vote), espoir rapidement confisqué par les Sudistes, les Blancs qui font bientôt voter un ensemble de lois de ségrégation que la Cour suprême entérine en déclarant que Blancs et Noirs sont « séparés mais égaux ». Un chapitre entier est ensuite consacré à « la grande migration » pendant l’entre-deux-guerres qui entraîna l’apparition des ghettos noirs dans les villes industrielles du Nord. La décennie 1955-1965 est marquée par la lutte pour les droits civiques. Enfin, l’auteur explore longuement les mécanismes profonds de persistance des inégalités sociales, économiques et politiques aux États-Unis dans un dernier temps.
Cet ouvrage, court et abondamment illustré, empêche parfois une lecture fluide mais cette abondance de documents est aussi la marque de la collection (texte, photos, documents et légendes se superposent sur une même page) et offre une grande richesse esthétique.
On imagine combien Pap Ndiaye, spécialiste des États-Unis, a dû apprécier ce travail de collection, de sélection et de mise en valeur des documents d’archives notamment photographiques. À cet égard, la rubrique finale « Témoignages et documents » combine des extraits de textes phares qu’ils soient juridiques, politiques (des discours de Martin Luther King à ceux de Barack Obama), littéraires et poétiques ainsi qu’une courte mais excellente bibliographie. Ce petit ouvrage constitue ainsi un outil pédagogique qui, on l’espère, sera largement diffusé et utilisé notamment dans l’enseignement secondaire.