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Les Nations obscures. Une histoire populaire du Tiers-Monde
Vijay Prashad Montréal, Écosociété, 2009, 357 p.
Vijay Prashad, éditorialiste et directeur des études internationales au Trinity College (Connecticut) publie aux éditions Écosociété Les Nations obscures. Cet ouvrage a pour but de retracer l’histoire des pays du Tiers-Monde et de révéler des aspects gardés sous silence par les histoires officielles des grandes puissances. Vijay Prashad considère que l’histoire du Tiers-Monde comporte trois phases que vont refléter les trois parties de son ouvrage.
La première partie est consacrée à la dynamique tiers-mondiste qui se développe des années 1920 jusqu’aux années 1960 et analyse tout particulièrement les conférences organisées par les pays du Tiers-Monde (conférence afro-asiatique, conférence tricontinentale, etc.). L’auteur n’en oublie pas pour autant les initiatives de la société civile et s’attarde ainsi sur la conférence des femmes afro-asiatiques de 1961. Le projet du Tiers-Monde interpelle des millions de personnes et forge des figures de renommée mondiale, telles que Nasser, Nehru, Surkano (les « trois titans ») ou encore le poète Pablo Neruda et le peintre Sudjana Kerton. Ces personnages clés contribueront à porter le projet et les préoccupations du Tiers-Monde sur la scène internationale.
Dans la deuxième partie, Vijay Prashad s’intéresse aux difficultés rencontrées par les « nations obscures » jusqu’à la fin des années 1970. La matrice coloniale, la division culturelle et la compartimentation des classes sociales sont autant d’entraves au développement des pays du Tiers-Monde. L’auteur démontre également que cette phase est marquée par une série d’écueils : expériences de régimes autoritaires en Algérie ou en Bolivie, conflit entre l’Inde et la Chine ou encore dépendance économique du Venezuela liée à l’exportation de pétrole. Face à ces tensions, les pays considérés sont en proie à leurs propres contradictions, faisant appel aux anciennes classes sociales et recourant au modèle bureaucratique de l’époque coloniale.
Dans la troisième et dernière partie, Vijay Prashad déroule son analyse jusqu’aux années 1990, placées sous le signe de la crise de la dette. S’appuyant sur l’étude des secousses politiques, économiques et culturelles qui ébranlent différentes régions de la planète, l’auteur conclut à la mort du projet tiers-mondiste. Néanmoins, Vijay Prashad voit dans les luttes des groupes sociaux marginalisés (luttes pour le droit à la terre, le droit à l’eau, le droit à la dignité culturelle, etc.) une lumière qui éclairera un jour les « nations obscures ».
Tout au long de son analyse, Vijay Prashad fait la part belle aux sources primaires mais son ouvrage ne doit pas être appréhendé comme un manuel d’histoire ; il s’agit avant tout d’un essai politique dont on regrettera seulement la faible part réservée à l’Afrique subsaharienne. L’auteur fait toutefois comprendre dès l’introduction que son objectif n’était pas l’exhaustivité, mais plutôt la démonstration par l’exemple. L’objectif est incontestablement atteint.