« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Cette citation de François Rabelais prend tout son sens à l’aube des avancées scientifiques et des enjeux en termes de biosécurité qui en découle. À une époque dominée par la globalisation des moyens d’information et de communication, l’accès aux techniques scientifiques couplé aux progrès récents de la science augmentent le risque de dissémination d’armes biologiques.
Cet ouvrage a pour ambition d’informer et d’alerter les autorités mais aussi la communauté scientifique sur l’usage dual pouvant être fait des progrès accomplis en biologie. À ce titre, le Livre blanc de la Défense, publié le 17 juin 2008, accorde une place centrale au terrorisme biologique et chimique en le situant au cœur des préoccupations en termes de sécurité intérieure.
Ce problème peu ou mal connu n’est néanmoins pas nouveau. La première utilisation d’agents pathogènes d’origine biologique date de 1347. La description des caractéristiques des armes biologiques nous éclaire sur la nature des problèmes que leur dissémination peut poser. En effet, parce que fabricable artisanalement, elles sont facilement réalisables ; elles utilisent des agents pathogènes naturels ; elles ne font pas appel à des connaissances avancées ; elles ne requièrent pas nécessairement d’infrastructures industrielles complexes et elles sont faciles à distribuer, et à moindre coût. Elles possèdent une charge psychologique lourde et suscitent la peur au sein des populations. Nous sommes alors tenter de croire qu’elles sont une arme de prédilection pour les groupes terroristes, d’autant plus qu’il est difficile d’identifier l’agresseur en cas d’utilisation. Or, leur emploi à des fins stratégiques nécessite des processus complexes de militarisation réalisables qu’à l’échelle étatique. De plus, le passé nous enseigne que leur utilisation est imprévisible et que la propagation et le devenir des agents infectieux reste incontrôlable.
Au-delà des nombreuses recommandations, cet ouvrage met en lumière les besoins urgents de règles internationales pour encadrer certaines recherches duales dont des applications détournées sont à craindre. Malgré les volontés de la communauté internationale de légiférer l’interdiction des armes chimiques et biologiques, aucun accord ne possède de réel pouvoir coercitif.
La frontière entre recherches offensives et recherches défensives est floue, et il est difficile de faire la différence entre une pandémie d’origine naturelle ou criminelle. De plus la détection, le traitement et les études concernant ces pathologies sont similaires sur le plan militaire et dans le domaine de la santé publique. La priorité est donc d’identifier le point critique au-delà duquel le risque entraîné par l’usage d’un agent biologique devient plus important que ses avantages. Or l’amélioration des conditions de vie joueront toujours en faveur du développement de la recherche. De plus, la dérive des recherches, la publication de séquences complètes de génomes comme ce fut le cas de deux agents en 2001 et 2003 des bacilles de la peste et du charbon n’est pas acceptable. La communauté scientifique doit mettre en place un système garantissant la liberté de la recherche tout en ciblant les projets dont les résultats pourraient être utilisés de façon malveillante. Dans cette optique, plusieurs initiatives sont nées des efforts conjoints de la communauté internationale. Il est notamment recommandé de filtrer les recherches et leurs publications, de mettre en place un comité scientifique de surveillance pour la biosécurité ou encore d’instaurer un code de conduite aux hommes de science. Or, la longue liste de propositions d’action décrite dans cet ouvrage témoigne des lacunes existantes en matière de dispositifs à mettre en place pour lutter contre le développement de ces armes.
Le dialogue et les échanges d’informations entre les instituts de recherche et les pouvoirs publics à l’échelle nationale et internationale s’imposent. Mais c’est à la communauté scientifique que revient la responsabilité de surveillance et d’information. Les hommes de sciences ont le devoir moral d’éviter de contribuer au progrès du bioterrorisme. Néanmoins, tous ces efforts ne pourront aboutir sans une complète adhésion des États de la communauté internationale – États qui ne sont pas toujours enclins à abandonner leurs programmes de recherches scientifiques à des fins militaires pouvant leur garantir un avantage de puissance.