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Les guerres africaines de François Hollande
par Gregor Mathias - Paris, l'Aube, 2014, 256p.
Novateur, l’ouvrage de Gregor Mathias traite des interventions militaires françaises au Mali et en Centrafrique avec une remarquable documentation, puisée aux meilleures sources, alors que les désinformations sont importantes dans ces conflits asymétriques. Mobilisant de nombreuses enquêtes personnelles, l’auteur livre une lecture distanciée et non partisane d’un sujet qui divise les opinions, les politiques et les analystes. Il s’attache également à présenter différentes thèses sur des dossiers très sensibles – comme le rôle du Département de renseignement et de la sécurité (DRS) algérien dans les mouvances djihadistes ou l’appui de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) française au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) – et, après un travail d’investigation, à défendre la plus plausible avec une argumentation convaincante. En outre, la fluidité de l’écriture et l’absence de jargon disciplinaire rendent la lecture aisée.
Le paradoxe des guerres africaines de François Hollande est qu’elles ont été lancées par un président qui voulait rompre avec la « Françafrique », sortir du « pré carré » et qui appartient à un parti qui était divisé sur les interventions militaires de la France sur ce continent. Ces guerres résultent toutefois d’événements imprévus et ont été davantage subies que choisies : donner du temps au temps, ainsi que l’aurait souhaité F. Hollande, n’était pas possible. Ce sont les stratèges militaires, à commencer par le général Benoît Puga, qui ont eu la main, en ce qu’ils étaient les seuls à avoir un plan d’action cohérent. Les opérations au Mali et en Centrafrique ont donc été préparées par l’état-major des armées et les services de renseignement, et proposées « clé en main ». Les conseillers de l’Élysée et les diplomates spécialistes de l’Afrique étaient, sinon absents, sans stratégie cohérente. Les diplomates ne privilégiaient pas l’Afrique et les conseillers africains du président n’avaient pas plus à proposer que leurs homologues du Quai d’Orsay face aux menaces djihadistes au Mali. Les interventions françaises au Mali (force Serval, aujourd’hui intégrée dans l’opération Barkhane) et en Centrafrique (force Sangaris) se sont faites dans le cadre de la légalité onusienne et des instances africaines, mais de manière relativement isolée du fait du refus de l’Union européenne (UE) de s’engager directement, des atermoiements et lenteurs de mise en place des casques bleus, de l’attentisme ou de l’impuissance des Africains malgré le rôle des forces tchadiennes et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au Mali ou de l’Afrique centrale (Ceeac) en Centrafrique.
G. Mathias montre comment les ingrédients à l’origine des conflits sont proches mais diffèrent aussi du Mali à la Centrafrique. L’auteur prend également position sur de nombreux débats. Il traite ainsi avec beaucoup de précisions la question de la légalité et de la légitimité des interventions françaises, compte tenu de l’urgence et des hésitations des partenaires européens et africains. Les terrains posent en outre, si ce n’est principalement, des dimensions non militaires. Les temporalités ne sont pas les mêmes entre les militaires et les diplomates. Localement, la question est politique avec des présidents à vie et des pouvoirs personnalisés développant un néopatrimonialisme fait de clientélisme, avec faiblesse des contre-pouvoirs, non-respect des droits des minorités.
À travers ces interventions militaires, le président F. Hollande a montré sa capacité de décision et a obtenu une popularité sur la scène internationale. Les limites de ses guerres sont celles des contraintes budgétaires françaises face à des conflits qui risquent de durer, avec un partage limité du fardeau entre les puissances occidentales. Ces opérations ne seront pas le Sedan de F. Hollande, mais pas nécessairement non plus son Sébastopol. « Le chef des armées devenu chef de guerre, par ses deux expéditions militaires africaines, risque de couper les ailes de la seule institution qui aura pu lui éviter un désastre politique », conclut l’auteur (p. 219).
Le paradoxe des guerres africaines de François Hollande est qu’elles ont été lancées par un président qui voulait rompre avec la « Françafrique », sortir du « pré carré » et qui appartient à un parti qui était divisé sur les interventions militaires de la France sur ce continent. Ces guerres résultent toutefois d’événements imprévus et ont été davantage subies que choisies : donner du temps au temps, ainsi que l’aurait souhaité F. Hollande, n’était pas possible. Ce sont les stratèges militaires, à commencer par le général Benoît Puga, qui ont eu la main, en ce qu’ils étaient les seuls à avoir un plan d’action cohérent. Les opérations au Mali et en Centrafrique ont donc été préparées par l’état-major des armées et les services de renseignement, et proposées « clé en main ». Les conseillers de l’Élysée et les diplomates spécialistes de l’Afrique étaient, sinon absents, sans stratégie cohérente. Les diplomates ne privilégiaient pas l’Afrique et les conseillers africains du président n’avaient pas plus à proposer que leurs homologues du Quai d’Orsay face aux menaces djihadistes au Mali. Les interventions françaises au Mali (force Serval, aujourd’hui intégrée dans l’opération Barkhane) et en Centrafrique (force Sangaris) se sont faites dans le cadre de la légalité onusienne et des instances africaines, mais de manière relativement isolée du fait du refus de l’Union européenne (UE) de s’engager directement, des atermoiements et lenteurs de mise en place des casques bleus, de l’attentisme ou de l’impuissance des Africains malgré le rôle des forces tchadiennes et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au Mali ou de l’Afrique centrale (Ceeac) en Centrafrique.
G. Mathias montre comment les ingrédients à l’origine des conflits sont proches mais diffèrent aussi du Mali à la Centrafrique. L’auteur prend également position sur de nombreux débats. Il traite ainsi avec beaucoup de précisions la question de la légalité et de la légitimité des interventions françaises, compte tenu de l’urgence et des hésitations des partenaires européens et africains. Les terrains posent en outre, si ce n’est principalement, des dimensions non militaires. Les temporalités ne sont pas les mêmes entre les militaires et les diplomates. Localement, la question est politique avec des présidents à vie et des pouvoirs personnalisés développant un néopatrimonialisme fait de clientélisme, avec faiblesse des contre-pouvoirs, non-respect des droits des minorités.
À travers ces interventions militaires, le président F. Hollande a montré sa capacité de décision et a obtenu une popularité sur la scène internationale. Les limites de ses guerres sont celles des contraintes budgétaires françaises face à des conflits qui risquent de durer, avec un partage limité du fardeau entre les puissances occidentales. Ces opérations ne seront pas le Sedan de F. Hollande, mais pas nécessairement non plus son Sébastopol. « Le chef des armées devenu chef de guerre, par ses deux expéditions militaires africaines, risque de couper les ailes de la seule institution qui aura pu lui éviter un désastre politique », conclut l’auteur (p. 219).