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Les frontières mondialisées
Par Sabine Dullin et Étienne Forestier-Peyrat (dir.) - Paris, Presses universitaires de France, coll. "La Vie des idées", 2015, 100p.
Cet ouvrage collectif se donne pour ambition de réfléchir aux mutations du système contemporain des frontières, auquel la mondialisation confère un nouvel essor. Les différentes contributions s’attachent donc toutes à leur manière à montrer les rapports mouvants qu’entretiennent les frontières avec le processus de mondialisation.
La notion de frontière est historiquement associée à la naissance d’un ordre international fondé sur l’affirmation de la souveraineté des États et la maîtrise du territoire. Mais contrairement aux idées reçues depuis la fin de la guerre froide, les frontières ont bien survécu au processus de mondialisation. Les processus de délocalisation et de variation de la frontière dans un monde de fortes mobilités économiques et humaines n’ont pas contribué à sa déconstruction, mais à sa mutation. Avec la mondialisation, les frontières se déplacent, se démultiplient, s’épaississent, circulent, s’émancipent des souverainetés étatiques, s’extraterritorialisent, sous l’influence de multiples acteurs.
Pour Sabine Dullin, professeure d’histoire à Sciences Po qui rédige la présentation et coordonne l’ouvrage, un double mouvement est donc à l’œuvre. Le tournant du 11 septembre 2001 a stimulé des formes de déterritorialisation du politique, tandis que se reconfiguraient, à la marge d’États délégitimés, de nouveaux territoires interstitiels propices à la subversion, où les lignes de frontières se démultiplient par ailleurs. La fin des frontières est ainsi un mythe qui a fait long feu, même au sein de l’Union européenne, comme le démontre le chapitre consacré à Frontex.
On notera l’article particulièrement intéressant de Matthieu Rey, qui interroge la nature étatique et territoriale de Daech. Alors que l’État a principalement été pensé en référence aux modèles occidentaux, l’auteur se demande dans quelle mesure l’État islamique participe de la remise en cause du statut westphalien des frontières. Ainsi, le dit État islamique, qui entend détruire la frontière entre l’Irak et la Syrie issue du mandat franco-britannique de l’entre-deux-guerres, souhaite en réalité rétablir les frontières plus anciennes du califat.
L’ouvrage a le mérite de décliner sa thèse – la mondialisation tourne le dos au monde sans frontières prôné par les utopies du XXe siècle – à travers des contributions pour la plupart originales et qui présentent des aspects méconnus de la question. C’est par exemple le cas de Damien Simonneau, qui analyse finement des mouvements sociaux pro-murs en Arizona et en Israël, qui visent à influencer les politiques de défense nationale.
Mais Les frontières mondialisées se présente comme un essai, alors qu’il s’agit d’une succession d’exemples hétérogènes et non exhaustifs des rapports entre les notions de frontière et de mondialisation. Chaque sujet abordé est très spécifique, se concentrant subjectivement sur un aspect particulier de la frontière (marge, mur, filtre, etc.), sans appui théorique ni lien avec les autres articles. À ce titre, l’ouvrage ne peut pas entièrement satisfaire un lecteur qui souhaite avoir une première approche du sujet. Sa lecture nécessite une vue d’ensemble avant d’aborder des sujets spécifiques qui n’ont d’autre cohérence que d’être des versions remaniées de textes publiés sur le site « La Vie des idées », sous la direction de Pierre Rosanvallon. Le rapport des frontières à la mondialisation est finalement peu explicité, à part dans la rapide introduction, sans apports conceptuels qui seraient pourtant les bienvenus pour mieux comprendre les études de cas dont il est ensuite question. Il sera alors utile, pour le lecteur, de se reporter à la bibliographie complète et commentée, qui appelle à approfondir la question.
La notion de frontière est historiquement associée à la naissance d’un ordre international fondé sur l’affirmation de la souveraineté des États et la maîtrise du territoire. Mais contrairement aux idées reçues depuis la fin de la guerre froide, les frontières ont bien survécu au processus de mondialisation. Les processus de délocalisation et de variation de la frontière dans un monde de fortes mobilités économiques et humaines n’ont pas contribué à sa déconstruction, mais à sa mutation. Avec la mondialisation, les frontières se déplacent, se démultiplient, s’épaississent, circulent, s’émancipent des souverainetés étatiques, s’extraterritorialisent, sous l’influence de multiples acteurs.
Pour Sabine Dullin, professeure d’histoire à Sciences Po qui rédige la présentation et coordonne l’ouvrage, un double mouvement est donc à l’œuvre. Le tournant du 11 septembre 2001 a stimulé des formes de déterritorialisation du politique, tandis que se reconfiguraient, à la marge d’États délégitimés, de nouveaux territoires interstitiels propices à la subversion, où les lignes de frontières se démultiplient par ailleurs. La fin des frontières est ainsi un mythe qui a fait long feu, même au sein de l’Union européenne, comme le démontre le chapitre consacré à Frontex.
On notera l’article particulièrement intéressant de Matthieu Rey, qui interroge la nature étatique et territoriale de Daech. Alors que l’État a principalement été pensé en référence aux modèles occidentaux, l’auteur se demande dans quelle mesure l’État islamique participe de la remise en cause du statut westphalien des frontières. Ainsi, le dit État islamique, qui entend détruire la frontière entre l’Irak et la Syrie issue du mandat franco-britannique de l’entre-deux-guerres, souhaite en réalité rétablir les frontières plus anciennes du califat.
L’ouvrage a le mérite de décliner sa thèse – la mondialisation tourne le dos au monde sans frontières prôné par les utopies du XXe siècle – à travers des contributions pour la plupart originales et qui présentent des aspects méconnus de la question. C’est par exemple le cas de Damien Simonneau, qui analyse finement des mouvements sociaux pro-murs en Arizona et en Israël, qui visent à influencer les politiques de défense nationale.
Mais Les frontières mondialisées se présente comme un essai, alors qu’il s’agit d’une succession d’exemples hétérogènes et non exhaustifs des rapports entre les notions de frontière et de mondialisation. Chaque sujet abordé est très spécifique, se concentrant subjectivement sur un aspect particulier de la frontière (marge, mur, filtre, etc.), sans appui théorique ni lien avec les autres articles. À ce titre, l’ouvrage ne peut pas entièrement satisfaire un lecteur qui souhaite avoir une première approche du sujet. Sa lecture nécessite une vue d’ensemble avant d’aborder des sujets spécifiques qui n’ont d’autre cohérence que d’être des versions remaniées de textes publiés sur le site « La Vie des idées », sous la direction de Pierre Rosanvallon. Le rapport des frontières à la mondialisation est finalement peu explicité, à part dans la rapide introduction, sans apports conceptuels qui seraient pourtant les bienvenus pour mieux comprendre les études de cas dont il est ensuite question. Il sera alors utile, pour le lecteur, de se reporter à la bibliographie complète et commentée, qui appelle à approfondir la question.